Pédocriminalité dans l'Eglise : un an après le rapport Sauvé, les victimes dénoncent la lenteur des mécanismes de reconnaissance et de réparation
Alors qu'était publié il y a un an le rapport de la commission Sauvé sur la pédocriminalité dans l'Eglise catholique depuis 1950, des processus de reconnaissance de la qualité de victime et de réparation ont bien été engagés, mais trop lentement aux yeux des victimes.
Une "journée fondatrice, historique, une œuvre collective", a salué Jean-Marc Sauvé, le président de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise (Ciase) : pour la première fois, treize associations et collectifs de victimes d’abus et de violences sexuelles dans l’Eglise catholique se sont réunis pour marquer symboliquement le premier anniversaire de la remise du rapport de la Ciase.
Le 5 octobre 2021, l'instance révélait, après deux ans et demi de travail, des chiffres "accablants", estimant à environ 330 000 le nombre de victimes de prêtres, diacres, religieux ou personnes en lien avec l'Eglise (enseignants, surveillants...) depuis 70 ans, agressées lorsqu'elles étaient mineures.
Après des années de lutte chacun dans leur coin partout en France, se retrouver est à cet égard l’occasion de se redonner de la force, de redire que l’Eglise doit poursuivre sa prise de conscience, tant les témoignages de victimes continuer d’affluer. "Récemment, j'ai découvert qu'à dix kilomètres de chez moi, le curé du village avait abusé des dizaines et des dizaines de gamins, rapporte ainsi Jean-René Nicoleau, membre du collectif 85 des victimes de Vendée. Et personne n'était au courant..."
"Quand on commence à creuser un peu, un ancien enfant de chœur dit qu'il a été agressé, et qu'un autre enfant aussi. Et en creusant de plus en plus, on s'aperçoit que c'est tout un réseau qui existe."
Jean-René Nicoleauà franceinfo
Des témoignages nombreux, douloureux à entendre : "Aujourd'hui, nous sommes, pour certains d'entre nous, complètement fatigués, rincés, soupire Olivier Savignac, le président de l'association Parler et revivre, et membre du collectif De la parole aux actes. Et nous sommes presque le substitut à des instances qui devraient pouvoir accueillir la souffrance de toutes ces personnes-là."
"Un nouveau coup de bambou"
Car selon Olivier Savignac, la prise en charge des victimes par l'Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr) et par la Commission de reconnaissance et de réparation (CRR), chargées de la reconnaissance et de la réparation des actes de pédocriminalité dans l'Eglise, n’est pas au niveau : "Certains qui avaient posé des demandes dès le mois de janvier ont eu quelques référents entre le mois de mars et juin, et ça a parfois été catastrophique, avec des dossiers qui doivent être repris par un nouveau référent."
"C'est un nouveau coup de bambou derrière la tête !, poursuit Olivier Savignac. Par exemple, aujourd'hui une personne n'a pas pu venir parce qu'elle est complètement assommée par la mauvaise prise en charge qu'elle a subie." Et cette prise en charge psychologique chaotique s’accompagne, dénonce-t-il aussi, d’un processus de reconnaissance trop lent. "Pour des personnes qui ont posé leur dossier au mois d'avril ou de mai, cela prend a minima 15 mois à 18 mois. Et maintenant, la présidente de l'Inirr, Marie Derain de Vaucresson, annonce six mois de délai : ce n'est pas juste, tempête le président du collectif de victimes. Aujourd'hui, les personnes victimes ont besoin d'être entendues, d'être rassurées. Et ça, je crois que c'est le devoir des instances qui se sont mis en place d'aller au devant, de recontacter ces personnes et de les rassurer afin qu'elles soient bientôt pris en charge." A ce jour seulement quarante victimes ont été indemnisées.
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