"Humanité" et "fermeté" : les éléments de langage du gouvernement dans l'affaire Leonarda
Les ministres de François Hollande défendent sa position, un vrai numéro d'équilibriste.
Comment ménager la chèvre et le chou ? Comment ne pas donner une image laxiste sans pour autant paraître cruel ? Dans l'affaire Leonarda, collégienne expulsée au Kosovo, le gouvernement défend la décision de François Hollande, qui jongle entre "humanité" et "fermeté".
Un "équilibre" vanté en chœur par le gouvernement
Le choix de ces deux termes n'est pas innocent. Il s'agit pour la majorité d'un exercice d'équilibrisme entre une ligne sécuritaire, incarnée par Manuel Valls, et un camp favorable à une plus grande souplesse en matière d'immagration, porté par la gauche de la gauche.
Invitée mardi 22 octobre des "4 Vérités" sur France 2, Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, a ainsi vanté l'arbitrage du chef de l'Etat. "Un équilibre extrêmement bienvenu", selon elle. Pour la ministre, "l'émotion suscitée par ce cas particulier méritait que le président de la République vienne siffler la fin et donner la position qui était la nôtre : à la fois le respect de la légalité sur le fond (…) et, en même temps, un geste d'humanité".
Même son de cloche pour Arnaud Montebourg. Interrogé dans Le Parisien le même jour sur la politique menée par le ministre de l'Intérieur et l'expulsion de la jeune Kosovare, le ministre du Redressement productif se plie lui aussi aux éléments de langage. "Notre politique allie fermeté et humanité, donc nous faisons du cas par cas. Manuel Valls a une mission difficile, il s’en acquitte avec beaucoup d’engagement", insiste-t-il. De fait, cette ligne est assumée et revendiquée par le ministre de l'Intérieur. Le 16 octobre, Manuel Valls, cible de critiques liées à l'affaire Leonarda, répond : "Nous avons besoin que le droit s’applique, que la loi soit respectée, et la politique que je conduis est faite de fermeté, d'humanité et de respect des règles comme des personnes."
Une formule déjà utilisée sous Sarkozy
"'L'équilibre entre humanité et fermeté', slogan avec lequel la gauche se rassure depuis quinze ans", note Rue89. La formule a déjà été utilisée en août 2012 par le gouvernement, qui vantait sa circulaire sur l'évacuation des campements de Roms. Elle remplit le "double objectif de fermeté en matière de sécurité et d'humanité dans la prise en charge des personnes", disait-il. Ce slogan a toutefois ses limites : "Lorsqu’on renvoie une enfant dans un pays qu’elle a fui, et ce malgré cinq années de présence sur le sol français et des efforts d’intégration réels dont témoigne la scolarité de Leonarda, on voit beaucoup de fermeté et très peu d’humanité", estime l'éditorialiste de La Voix du Nord.
Par ailleurs, la gauche n'a pas le monopole de la fermeté et de l'humanité. Ainsi, le 24 mai 2007, Brice Hortefeux, alors ministre de l'Immigration, de l'Intégration et de l'Identité nationale, affirme les principes de "fermeté et d'humanité" adoptés par le nouveau gouvernement de François Fillon en matière d'immigration. "L'un ne va pas sans l'autre", insiste-t-il, alors que l'intitulé de son ministère se retrouve au cœur d'une polémique, comme l'expliquait Le Nouvel Obs.
Autre exemple, même ministère : le 14 décembre 2009, Eric Besson, successeur de Brice Hortefeux, est pressé de s'expliquer sur la reconduction dans leur pays d'une dizaine d'Afghans. "Je ne crains rien à partir du moment où j'applique une politique de fermeté et d'humanité", plaide-t-il alors.
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