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"Je suis là pour ouvrir la parole, dénoncer l'omerta dans la famille" : les parents d'une victime de Joël Le Scouarnec réclament un procès public

Un premier procès doit avoir lieu en avril dans le cadre de l'affaire Le Scouarnec, ce chirurgien accusé d'avoir agressé sexuellement et violé au moins 349 enfants. Les parents d'une fillette agressée en 2017 ne veulent pas d'un procès à huis-clos.

Article rédigé par franceinfo - Margaux Stive
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Publié
Temps de lecture : 5min
Laura et Jérôme, parents d'une victime de Joël Le Scouarnec, réclament un procès public. (MARGAUX STIVE / FRANCEINFO)

"Ma fille me prend la main, me tire et me dit 'Papa, je veux qu'on rentre et qu'on aille voir les photos'. Elle avait un air bizarre, une tête malheureuse, n'avait pas l'air bien dans sa peau, et elle insistait." Ce jour d'avril 2017, Jérôme, Laura et leur fille vont se promener. Au retour, ils échangent quelques mots avec le voisin. C'est à ce moment que la petite fille de 6 ans panique et révèle les attouchements dont elle a été victime.

Ce témoignage a permis l'arrestation du chirurgien Joël Le Scouarnec, soupçonné d'avoir fait au moins 349 victimes, notamment dans les hôpitaux où il a exercé pendant plus de 30 ans. Des agressions qu'il consignait méticuleusement dans des carnets.

Un journal intime où il raconte précisément les agressions

Jérôme, le papa, se souvient parfaitement de ce que lui a révèlé sa fille ce jour-là : "Elle me dit que le voisin d'à côté lui a fait voir son zizi. Je bouillais intérieurement, mais je suis resté calme, ce n'était pas le moment de s'énerver. Je lui ai demandé ce que c'était un zizi, à quoi ça ressemblait, elle m'a répondu que 'le bout était rouge et qu'il y avait du poil'."

Laura, la maman, a demandé à sa fille de lui montrer sur une poupée les gestes qu'elle avait subi : "Elle m'a dit qu'il avait mis un doigt dedans et que ça lui avait fait mal. Alors et lui a demandé d'arrêter, et il a répondu 'merci'."

Le récit est rapidement confirmé par un examen d'un gynécologue. Joël Le Scouarnec a quant à lui continué de nier toute pénétration sur la fillette. Les parents déposent plainte et très vite les enquêteurs découvrent un journal intime chez le chirurgien. Des milliers de pages dans lesquelles il décrit très précisément des agressions sur des centaines d'enfants, notamment à l'hôpital. Pour Laura et Jérôme, c'est un énorme choc. "Nous étions assommés. Mais pas de chance, il fallait se relever, rester debout. Plus on avance, plus on en prend, mais on restera debout", détaille le père.

"À cause de lui elle ne redeviendra jamais comme elle était."

La petite fille a été brisée par cette histoire, Jérôme affirme même "avoir perdu son enfant." Il raconte : "Ma petite fille toute mignonne est devenue une femme à caractère, et je crois que malheureusement à cause de lui elle ne redeviendra jamais comme elle était. Mais je l'aime et elle reste ma fille."

Aujourd'hui la fillette est suivie par un psychologue, elle fait du judo. À 9 ans, elle est devenue "une combattante" disent ses parents. Et il lui en faudra du courage, pour affronter une nouvelle épreuve. Un premier procès doit se tenir au mois d'avril devant la cour d'assises de Charente-Maritime, à Saintes. Aux côtés de la fille de Jérôme et Laura, il y aura trois autres victimes : une ancienne patiente de l'hôpital de Loches et deux nièces de Joël Le Scouarnec. 

Une condamnation en 2005 pour détention d'images pédo-pornographiques

Tous, sauf Jérôme et Laura réclament un procès à huis-clos. Les deux parents souhaitent briser l'omerta et le silence qui pèse depuis trente ans dans cette affaire. Pour Jérôme : "Je ne suis pas là pour faire un repas de famille avec les Le Scouarnec. Je suis là pour ouvrir la parole, dénoncer l'omerta dans la famille. Je n'ai pas demandé à ce que ma fille soit violée. Si la famille n'a pas été capable de dénoncer ses agissements, je le ferai. Je veux que le procès soit public."

Les parents réclament également des réponses. Et notamment, pourquoi Joël Le Scouarnec a-t-il pu continuer d'examiner des enfants malgré sa condamnation pour détention d'images pédopornographiques en 2005. Le papa s'interroge : "On est dans le doute, on se pose tous les mêmes questions aujourd'hui. Pourquoi ne sont-ils pas allés plus loin dans les investigations ? Pourquoi l'ordre des médecins n'a-t-il pas fait le nécessaire en l'empêchant de travailler ?"

La question du huis-clos sera débattue à l'ouverture du procès, ce sera à la présidence de la cour de trancher.

Le reportage de Margaux Stive

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