Pourquoi Didier Deschamps fait grise mine avant le match des Bleus contre Israël

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Didier Deschamps, lors de France-Belgique, au Groupama Stadium de Lyon, le 9 septembre 2024. (CATHERINE STEENKESTE / GETTY IMAGES SPORT)
La retraite surprise d'Antoine Griezmann et l'imbroglio autour de Kylian Mbappé ont fragilisé le sélectionneur de l'équipe de France, déjà critiqué pour son fond de jeu.

On peut afficher sur son CV le plus beau palmarès du foot français, avoir battu le record de longévité à la tête des Bleus mais connaître des zones de turbulences. "S'il y avait un environnement un peu plus serein, ce serait mieux pour l'équipe de France", a même reconnu Didier Deschamps face à la presse au moment d'annoncer sa liste pour les matchs face à Israël (jeudi 10 octobre) et la Belgique (lundi 14 octobre). En matière de sérénité, on repassera.

Parce que "Grizou" lui a joué un mauvais coup

Personne n'avait vu venir la retraite internationale d'Antoine Griezmann, pilier de l'équipe de France depuis une décennie et âme de l'ère Deschamps. Une annonce au timing curieux, un lundi matin, trois jours avant l'annonce d'une liste pour les matchs face à Israël et la Belgique. Selon l'émission "Téléfoot", "Grizou" avait déjà voulu prendre du champ avec Deschamps dès 2019, mais le sélectionneur avait fait le voyage à Madrid pour le convaincre de continuer en sélection.

Quelques semaines avant cette annonce, le numéro 7 des Bleus assurait sur TF1 que "l'envie [était] toujours là", avec l'ambition de pousser jusqu'à la Coupe du monde 2026, organisée en Amérique du nord. "C'est son choix et ça lui fait du bien d'avoir fait ce choix-là", a botté en touche Didier Deschamps, prévenu quelques heures avant l'annonce par Antoine Griezmann. "DD" a refusé d'y voir un lien avec le déclassement du joueur avec les Bleus.

Pendant l'Euro, Antoine Griezmann avait en effet été baladé de poste en poste, jusqu'à finir sur le banc lors de la demi-finale perdue face à l'Espagne (1-2), énième couleuvre avalée par l'attaquant de l'Atlético Madrid, déjà affecté de n'avoir pas été nommé capitaine au détriment de Kylian Mbappé. "Qu'il ait pu avoir une déception passagère, c'est sûr", a tempéré le sélectionneur. "Ça l'a affecté", a répondu Olivier Giroud, autre prestigieux retraité, et proche d'Antoine Griezmann.

Parce qu'il a été forcé de ménager Kylian Mbappé

L'autre leader de l'équipe de France a aussi fait les gros titres ces derniers jours. Officiellement convalescent, l'attaquant du Real Madrid a enchaîné deux matchs en quatre jours avec son club, tout en étant dispensé du rassemblement en équipe de France. De là à y voir une prise de pouvoir des clubs sur la sélection, il n'y a qu'un pas. Dans une interview publiée sur les réseaux sociaux de la FFF, Didier Deschamps a semblé avaliser le déclassement de l'équipe nationale : "Il ne faut pas oublier non plus que l'employeur, c'est le club. Ce n'est pas la fédération."

Un constat presque résigné qui détonne par rapport aux prises de paroles du sélectionneur. "Il n'y a rien au-dessus de l'équipe nationale. Ce maillot bleu-blanc-rouge est sacré", arguait-il dans Le Parisien après le sacre mondial de 2018. Deux ans plus tôt, dans la revue L'Eléphant, il érigeait en dogme le "contrat moral" passé entre les internationaux et la Fédération : "Vous avez beau être le meilleur joueur du meilleur club professionnel, il n'y a rien de plus beau que de jouer – et de gagner – en championnat d'Europe ou en Coupe du monde."

Cette ligne de conduite l'avait poussé en 2019 à tenir tête aux plus gros clubs du monde, le Bayern Munich et le Paris Saint-Germain qui voulaient ménager Lucas Hernandez et... Kylian Mbappé (déjà) en sélection. "Il ne faut pas que les clubs pensent qu'ils vont me mettre une petite pression, quelle qu'elle soit", rétorquait, bravache, le sélectionneur. Le discours a radicalement changé aujourd'hui.

Parce que le jeu proposé n'emballe pas les foules

En attendant l'annonce du sélectionneur, aucun nom ne se dégage véritablement pour enfiler le brassard de capitaine en l'absence (durable) d'Antoine Griezmann et (temporaire) de Kylian Mbappé. Les deux candidats naturels, Adrien Rabiot et Aurélien Tchouaméni, affichent une forme physique encore précaire et n'ont ni le vécu, ni l'aura de leurs prédécesseurs. Un flou artistique qui se retrouve sur la tactique et le fond de jeu laborieux proposé par les footballeurs français depuis de longs mois.

Longtemps, on a passé beaucoup de choses aux Bleus sur l'autel des résultats, mais leur Euro soporifique avec un but inscrit dans le jeu pour se hisser en demi-finale sans totalement convaincre a fini par lasser même leurs plus ardents supporters. "C'est très chiant à regarder, mais c'est comme ça, ça fait gagner", reconnaissait Antoine Griezmann. Contrairement à son habitude, Didier Deschamps n'a pas pris le temps débriefer la grande compétition avec un média durant l'été.

Selon RMC et L'Equipe, certains joueurs ont même pris la parole pour remettre en cause le plan de jeu du sélectionneur, début septembre, après la déroute face à l'Italie (1-3). Un fait  rarissime sous le règne de Didier Deschamps, réputé fin manager. Un léger mieux a été observé contre la Belgique (2-0) et demande confirmation lors des prochaines rencontres.

Parce que la Fédération n'a plus de capitaine

Ce n'est peut-être pas totalement un hasard si le navire tangue quand son capitaine est occupé à faire campagne. Philippe Diallo, d'abord successeur intérimaire de Noël Le Graët, est en campagne pour un mandat de quatre ans, et en attendant que sa légitimité soit totalement assise, sa parole porte moins. Même s'il a appelé à "préserver les sélections nationales" et à "retrouver un équilibre" avec les clubs, certains d'entre eux comme le Real Madrid étant engagé dans sept compétitions (et poussant ses joueurs appelés par d'autres sélections à se faire porter pâle). "Il faut convaincre l'ensemble du monde du football que venir en sélection est un honneur", a-t-il reconnu.

Il en faudra plus pour que Didier Deschamps se sente sous pression. En dix ans de mandat, il a connu des creux et quelques crises extra-sportives gratinées (l'affaire de la sextape, la chute de Noël Le Graët...) et a toujours su rebondir : "La fonction que j'ai est toujours exposée, reconnaissait-il il y a quelques jours. Je vis avec. Il y a des choses qui peuvent être agréables, d'autres moins quand ce ne sont pas des choses factuelles qui ne sont pas la réalité, mais je ne vais pas perdre d'énergie avec ça."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.