Football : Vincent Labrune fragilisé, Cyril Linette et Karl Olive aux aguets... La guerre pour la présidence de la LFP est déclarée
La Ligue de football professionnel (LFP) a tout prévu. Alors qu'un risque d'invisibilisation plane sur la Ligue 1 à l'issue d'un interminable appel d'offres, elle lance un nouveau feuilleton : celui de l'élection de son président. Celle-ci doit se tenir mardi 10 septembre, à l'occasion de l'assemblée générale de l'instance.
Si Vincent Labrune s'avançait jusqu'à récemment avec confiance vers sa réélection, ce scrutin crucial pour l'avenir du football français s'annonce plus incertain que prévu. Fragilisé par l'attribution pénible des droits TV de la Ligue 1 à DAZN – dont le prix des abonnements scandalise les amoureux de ballon rond – l'ancien président de l'Olympique de Marseille ne cède pas à la panique, même si le casting des adversaires s'est renforcé ces derniers jours, avec l'ancien journaliste Cyril Linette, le député Karl Olive et un autre ancien patron de l'OM, Christophe Bouchet.
Labrune, de sauveur à fossoyeur ?
Elu à la surprise générale en 2020 face à Michel Denisot, Vincent Labrune avait alors bénéficié du soutien des petits clubs, avant de mener une politique favorable aux grandes écuries européennes une fois élu. Quatre ans plus tard, le président de la LFP reste, pour le moment, soutenu par ses amis de longue date. Cette confiance tient sans doute à son premier coup d'éclat : avant le fiasco du dernier appel d'offres, pour lequel il visait 1 milliard d'euros, l'ancien président de l'OM a été un héros pour sa gestion du dossier Mediapro.
Peu de temps après son élection, Vincent Labrune avait en effet dû gérer avec le désengagement de l'éphémère diffuseur, et la crise qui en découlait pour le football français. Il avait alors réussi à revendre les droits abandonnés par Mediapro à Amazon, passant ainsi pour un sauveur. Détail d'importance : il avait alors refusé de renégocier le reste des droits, détenus par Canal+, ce que la chaîne cryptée, diffuseur historique de la Ligue 1, n'a jamais digéré.
"Labrune n'a eu à gérer que des emmerdes depuis son élection. Le vrai fossoyeur du foot français, c'est Canal+, pas lui. Lui essaye de sauver les meubles."
Un président de Ligue 1à franceinfo: sport
Pour preuve, trois ans plus tard, Canal+ s'est tenue éloignée du dernier appel d'offres, au grand dam de plusieurs présidents de clubs de Ligue 1. Car, sans la chaîne cryptée dans la balance, le milliard d'euros espéré par la LFP a vite tourné au mirage, alors que beIN Sports n'a jamais saisi la main tendue par Vincent Labrune. Après des mois de négociations incertaines, les droits TV de la Ligue 1 ont ainsi été vendus pour 500 millions d'euros à DAZN (sept matchs pour 400 millions d'euros) et beIN Sports (un match pour 100 millions d'euros).
Un montant dont 13% reviennent directement au fonds d'investissement CVC, après l'injection de 1,5 milliard d'euros dans la société commerciale de la LFP. Un accord alors présenté par Vincent Labrune comme celui qui "sauverait le foot français", qui lui a valu depuis d'être entendu par le Sénat dans le cadre d'une mission d'information, alors que le parquet national financier a ouvert une enquête sur cet accord. En cause, notamment, la commission de 3 millions d'euros reçue par Vincent Labrune à la signature avec CVC, qui a poussé l'association anticorruption AC !! à déposer plainte en 2023.
Cyril Linette en sérieux prétendant
Malgré ce passif, le président sortant reste toutefois favori à sa propre succession. Pourtant, des voix s'élèvent pour demander le report du scrutin (qui peut avoir lieu jusqu'au 31 décembre, selon les statuts de la LFP), alors qu'il intervient moins de deux semaines après la clôture du mercato, qui accapare l'attention des dirigeants des clubs français. Ces derniers sont dans l'urgence après avoir longtemps attendu pour savoir combien les droits TV allaient leur rapporter. Ils ne connaissent d'ailleurs toujours pas la répartition exacte de cette manne.
Dans ce contexte délicat, les familles du football français, à savoir la Fédération française de football (FFF), Foot unis (le syndicat des clubs pros) et l'Union des acteurs du football (qui regroupe les associations et syndicats professionnels représentatifs de l'ensemble des acteurs du football français), doivent parrainer chacun un membre indépendant du CA, où siègent également les présidents des clubs professionnels.
Traditionnellement, le président de la LFP est issu de ces sièges d'indépendants. Déjà représentant de la Fédération lors de la précédente mandature, le député Renaissance Karl Olive sera l'un de ces trois candidats, même s'il ne brigue pas réellement la présidence de la LFP selon nos informations, alors que son nom revient fréquemment du côte du ministère des sports. Lui aussi ancien président de l'OM (de 2002 à 2004), Christophe Bouchet s'est lancé dans la course en début de semaine, ainsi que Stephane Martin (ex-président des Girondins de Bordeaux) et Alain Guerrini (président de Panini).
Mais celui qui pourrait vraiment inquiéter Vincent Labrune, c'est Cyril Linette. L'ancien journaliste de 53 ans a en effet officialisé sa candidature mardi 20 août dans les colonnes du Monde. Et son CV a de quoi séduire un microcosme fracturé par les derniers feuilletons autour des droits TV. Cyril Linette a, entre autres, dirigé la rédaction des sports de Canal+ (2008-2015), avant d'être directeur général de L'Equipe (2015-2018), puis du PMU (2018-2021).
Fin connaisseur du milieu, il a martelé son ambition de ramener le prix des abonnements télé "entre 15 et 20 euros" mensuels, tout en rouvrant la porte à Canal+, où il a passé dix-neuf ans. Si les bénéficiaires des trois parrainages ne doivent être connus qu'en fin de semaine, le duel entre Vincent Labrune et Cyril Linette pourrait bien avoir lieu, à condition que ce dernier obtienne un parrainage. Un nouveau feuilleton après celui des droits TV, qui occupera celles et ceux qui ne veulent pas débourser 40 euros par mois pour regarder la Ligue 1.
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