Arrêt des matchs de foot, billets nominatifs... Après de nouveaux incidents homophobes, on vous explique les mesures du gouvernement contre les violences dans les stades

Les ministres des Sports et de l'Intérieur ont rencontré jeudi les instances du football français pour évoquer leurs mesures. Mais celles-ci divisent les associations... et le gouvernement.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
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Des supporters du Paris Saint-Germain au Parc des Princes, à Paris, le 27 octobre 2019. (MARTIN BUREAU / AFP)

Les autorités sortent le carton rouge face aux violences et à l'homophobie dans les stades de football. Après de nouveaux incidents, notamment samedi 19 octobre au Parc des Princes, à Paris, le gouvernement a annoncé une nouvelle série de mesures, jeudi 24 octobre, après une réunion avec la Fédération française de football (FFF) et la Ligue de football professionnel (LFP). Arrêts des matchs après des chants homophobes, billets nominatifs pour les supporters, présence de policiers en civil dans les tribunes... Franceinfo vous détaille ces propositions qui divisent au sein même du gouvernement.

L'arrêt des matchs en cas de chants homophobes répétés

Le ministre des Sports, Gil Avérous, a demandé "d'appliquer strictement le protocole Fifa dès qu'il y a un chant homophobe". Il s'agit d'une gradation allant de la "suspension du match", puis son "interruption" et jusqu'au match déclaré perdu pour l'équipe qui reçoit en cas de chants homophobes répétés. Cette mesure n'est pas nouvelle. Les deux ministres qui l'ont précédé, Amélie Oudéa-Castéra et Roxana Maracineanu, avaient adressé la même demande aux instances.

Pourtant, ces mesures n'ont pas été mises en place, samedi 19 octobre, au Parc des Princes. Alors que le Paris Saint-Germain recevait Strasbourg, des supporters parisiens ont entonné des chants homophobes en direction de leurs rivaux marseillais, qu'ils doivent rencontrer ce dimanche. Dans les tribunes, le speaker a tenté de rappeler à l'ordre les supporters "contre l'homophobie, le racisme et toutes formes de discrimination". De quoi lui valoir un concert de sifflets. Le match, lui, n'a pas été interrompu, mais "deux meneurs" ont été identifiés et doivent être sanctionnés, a souligné jeudi matin le ministre de l'Intérieur.

Si le ministre des Sports plaide pour aller jusqu'à l'arrêt des matchs, son collègue de la place Beauvau n'est pas exactement sur la même ligne. "Arrêter des matchs est très compliqué, ce n'est pas la bonne solution. Mais il faut une interruption provisoire, éventuellement des exfiltrations, même si c'est compliqué au sein d'une tribune", a soutenu Bruno Retailleau sur RMC, jeudi.

Au sein des associations, ces mesures font également débat. Le collectif Rouge direct demande ainsi que les matchs soient arrêtés de manière systématique en cas de chants homophobes, alors que l'association Foot ensemble n'est pas convaincue de l'efficacité de la mesure, estimant que les résultats obtenus en 2019 n'ont pas été concluants. "On s'est rendu compte qu'il y a eu un gros bazar pendant plusieurs mois parce que tous les matchs étaient arrêtés, les supporters faisaient exprès de chanter des chants homophobes pour arrêter la rencontre, simplement par provocation", a expliqué à France Télévisions l'ancien footballeur Yoann Lemaire, le président de cette association qui lutte contre l'homophobie dans le football.

Des billets nominatifs pour les supporters

Une autre mesure pourrait bientôt changer les contrôles aux abords des stades. Pour cela, le ministre des Sports a annoncé, jeudi, qu'il allait "signer un arrêté" d'ici le 31 décembre pour "activer la billetterie nominative" pour l'Olympique lyonnais, l'Olympique de Marseille et le PSG. Ce dispositif, déjà utilisé pour certaines rencontres, s'étendra dans un second  temps aux autres clubs de Ligue 1 et de Ligue 2.

L'objectif est de pouvoir identifier et sanctionner des supporters violents. "On souhaite que les meneurs, ceux qui poussent une foule à chanter des chants homophobes ou d'autres discriminations comme le racisme, soient identifiés", a appuyé le président de la FFF Philippe Diallo. Une "bonne chose", selon l'association Foot ensemble. "Le ministre de l'Intérieur a sorti les gros bras, c'est bien, c'est positif !"

Mais qui dit billet nominatif, dit également contrôle d'identité à l'entrée des enceintes sportives. "Déjà qu'on met pas mal de temps pour rentrer dans le stade, si on doit venir une heure avant ça va être compliqué", a réagi un supporter lyonnais auprès de franceinfo, en marge de la rencontre entre l'OL et le Besiktas, où des incidents ont éclaté entre supporters, jeudi. Le député Sacha Houlié, co-auteur d'un rapport sur le supportérisme en 2020, se montre tout aussi sceptique. Le contrôle des cartes d'identité ne peut être effectué que par des policiers qui, selon lui, "ne seront jamais en nombre suffisant pour faire toutes ces tâches, puisqu'ils ont beaucoup d'autres missions d'ordre public à établir".

Des policiers en civil et des caméras algorithmiques dans les tribunes

Le ministre de l'Intérieur a par ailleurs dégainé une série de mesures de sécurité dans les stades, afin de lutter contre les violences. Sur RMC, Bruno Retailleau a assuré, jeudi, qu'il placerait "des policiers régulièrement en tenue de civils dans les stades pour repérer individuellement les fauteurs de troubles." "Ça existe déjà", rétorque Sacha Houlié. "Ce sont des unités qui ont été formées et déployées dans les stades de football. Ils sont en relation avec les référents supporters qui ont été créés il y a maintenant huit ans", explique le député.

Bruno Retailleau a également évoqué le recours à la technologie, avec des "caméras algorithmiques". Cette méthode, expérimentée pendant les Jeux olympiques de Paris, pourrait être prolongée par le gouvernement. Ces logiciels associés à des caméras de surveillance repèrent des événements jugés suspects ou à risque, avant d'alerter en temps réel un opérateur. Les associations de défense des libertés redoutent une surveillance généralisée malgré la ligne rouge jusque-là fixée par le gouvernement : l'utilisation de la reconnaissance faciale.

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