: Vidéo Est-il possible pour France Télévisions de produire une information libre en Russie ?
Luc Lacroix est un des envoyés spéciaux de France Télévisions en Russie. Il y suit la guerre en Ukraine et a récemment réalisé un reportage pour l'émission "Envoyé spécial" intitulé "La Russie malade de sa guerre". Il s'agit d'une plongée dans un pays fermé sur les traces des combattants qui mènent la guerre de Poutine depuis deux ans. Pour la première fois, la caméra de France Télévisions a pu entrer dans un hôpital où sont soignés les soldats russes, des blessés que le Kremlin aimerait ne pas voir. L'équipe a également rencontré des familles de combattants. Certaines soutiennent l’offensive russe en Ukraine, d’autres non.
Mais quelle marge de manœuvre a-t-on réellement à France Télévisions pour raconter ce qu'il se passe en Russie, depuis la Russie ? De passage à Paris, Luc Lacroix répond : "Aujourd'hui en Russie, le travail sur le terrain – le tournage – est contraint, mais il est plus essentiel que jamais pour raconter ce qu'il s'y passe et ce que pensent les Russes, quelle que soit leur opinion."
"Le premier obstacle quand on travaille en Russie, c'est de convaincre les gens de nous parler parce que nous sommes des médias occidentaux."
Luc Lacroix, envoyé spécial de France Télévisions à Moscouà franceinfo
"Ce que je leur explique, c'est que nous avons le droit de travailler, que nous sommes accrédités auprès du ministère des Affaires étrangères russe. Mais c'est vrai qu'il y a une pression permanente sur les journalistes, y compris les journalistes étrangers", poursuit le reporter.
"Il ne faut pas être naïf"
Luc Lacroix évoque comme exemple l'arrestation en mars 2023 de Evan Gershkovich, journaliste américain au Wall Street Journal. Accusé d'espionnage, le reporter de 32 ans risque jusqu'à 20 ans de prison. Sa détention a été maintenue le 20 février dernier. "Certains de mes confrères ont par exemple été suivis en reportage, raconte Luc Lacroix. Ça ne m'est jamais arrivé, ou en tout cas, je ne m'en suis pas rendu compte. Mais il ne faut pas être naïf. Les services russes ont la possibilité à tout instant de savoir ce que l'on fait."
"Il y a une loi en Russie qui punit de prison le fait de dénigrer l'armée russe. Ça nous force, nous journalistes, à revenir aux bases : à raconter uniquement ce que l'on voit ou ce que l'on nous raconte."
Luc Lacroix, envoyé spécial de France Télévisions à Moscouà franceinfo
Et de continuer : "Et puis on raconte à nos téléspectateurs la manière dont on travaille. Par exemple, si on est avec l'armée russe, on le dit. Si on n'a pas pu poser une question, on le raconte."
Luc Lacroix conclut en évoquant des "lignes rouges déontologiques" : "On ne montre jamais un reportage avant sa diffusion, ou alors on ne raconte jamais quelque chose de faux. On préférerait dans ce cas-là ne pas faire de reportage du tout."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.