JO 2024 : des médailles de bronze s'abîment-elles au bout de quelques jours, comme l'ont relevé le skateur Nyjah Huston et le nageur Maxime Grousset ?

Le skateur américain s'est plaint de la qualité de sa décoration sur les réseaux sociaux. Rien d'inédit, puisque de nombreux athlètes ont déjà fait part de problèmes similaires lors des JO de Rio et de Tokyo.
Article rédigé par Linh-Lan Dao
France Télévisions
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Temps de lecture : 6 min
Le skateur américain Nyjah Huston, après l'épreuve de street skateboard masculin, à la Concorde, le 29 juillet 2024. (ODD ANDERSEN / AFP)

Après les joies du podium, la déception. "Regardez ça ! Même le devant commence à s'écailler un petit peu." Médaillé de bronze en skateboard street masculin aux JO de Paris 2024, le skateur américain Nyjah Huston a fustigé l'aspect dégradé de sa décoration seulement dix jours après son obtention, dans une vidéo publiée sur Instagram jeudi 8 août. "La médaille donne l'impression d'avoir fait la guerre et d'en être revenue", a commenté l'athlète sur une photo de sa médaille abîmée.

"Ces médailles olympiques ont l'air géniales quand elles sont toutes neuves, mais après l'avoir portée contre ma peau et avoir transpiré un peu, ou en ayant laissé mes amis la porter le week-end, elles ne sont visiblement pas d'aussi bonne qualité qu'on pourrait le croire", a-t-il déploré.

En effet, sur le revers de la médaille, où figurent l'Acropole et Athéna Nikè, déesse de la victoire, le revêtement couleur bronze a commencé à s'écailler, laissant deviner la couleur grise du bijou. La face avant présente également quelques imperfections. "Il faudrait peut-être améliorer un peu la qualité des médailles olympiques", a suggéré le skateur, suivi par plus de cinq millions d'internautes sur Instagram.

L'athlète n'est pas le seul à avoir fait ce constat, relève le Huffington Post. Sur Twitch, le nageur Maxime Grousset, médaillé de bronze avec le relais français sur 4x100 mètres 4 nages, a déclaré vendredi 9 août que sa médaille "s'effrite" sur les côtés. "On dirait qu'elle est défoncée, oxydée un peu", a-t-il détaillé auprès du streamer Pierre-Alexis Bizot, alias Domingo. Le nageur était interviewé cinq jours après être monté sur le podium, dimanche 4 août.

Argent massif et métaux recyclés

Certaines médailles distribuées lors des JO de Paris 2024 sont-elles de mauvaise qualité ? Elles sont pourtant associées à des noms prestigieux : le joaillier Chaumet pour la conception et l'hôtel de la Monnaie pour la manufacture. En tout, 5 084 médailles ont été produites, avec une moyenne de 15 jours de travail pour une seule médaille. Chaque décoration est notamment sertie d'un morceau d'origine de la tour Eiffel (18 grammes), issu de l'une des rénovations du monument.

Si le coût de fabrication n'a pas été officiellement communiqué, la composition des précieuses récompenses est connue. La médaille d'or, qui pèse 529 grammes, est composée très majoritairement d'argent massif (92,5%) et plaquée d'une fine couche d'or pur d'environ 6 grammes, comme le requiert le règlement du CIO. Cet argent massif, également utilisé pour les médailles dédiées aux 2es places, est certifié 100% recyclé par le Responsible Jewellery Council (RJC), l'un des principaux organes de contrôle des bonnes pratiques d'approvisionnement en or et en métaux précieux, précisait le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) dans sa présentation sur le sujet en février (PDF).

Quant aux médailles de bronze, elles sont faites à partir d'un alliage de métaux (le bronze étant un alliage de cuivre et d'étain). Dans sa communication en février, Paris 2024 précisait que cette médaille réservée aux 3es places était un "alliage de cuivre, d'étain et de zinc provenant du recyclage de chutes de métal issues d'autres productions de la Monnaie de Paris".

Si l'or est peu sujet à l'oxydation, le cuivre et le zinc s'oxydent naturellement au contact de l'air et de l'eau. Le cuivre va se recouvrir d'une couche d'oxyde de cuivre, de couleur verdâtre, que l'on nomme "vert-de-gris". La corrosion reste à la surface, mais n'atteint pas le cœur du métal. Même chose pour le zinc, dont la corrosion reste superficielle et rend le métal plus terne.

Des médailles "systématiquement remplacées"

Il est donc possible que le cuivre composant la médaille du skateur Nyjah Huston ait commencé à s'oxyder, ou du moins à perdre son revêtement. Contacté par franceinfo, l'hôtel de la Monnaie a fait savoir que "Paris 2024 a pris connaissance du témoignage sur les réseaux sociaux d'un athlète [Nyjah Huston] dont la médaille a été endommagée quelques jours après sa remise". De son côté, la maison Chaumet, qui a dessiné les médailles mais ne les a pas produites, "n'a aucun commentaire à faire dans la mesure où ce sujet ne la concerne pas."

Quant au Cojop, il n'a pas répondu aux sollicitations de franceinfo, se contentant de rappeler qu'il est "en lien étroit avec la Monnaie de Paris, chargée de la production et du contrôle qualité des médailles, et avec le comité national olympique de l'athlète concerné [Nyjah Huston], afin d'expertiser la médaille pour comprendre les circonstances et la cause de ces dommages".

"Les médailles endommagées seront systématiquement remplacées par la Monnaie de Paris et gravées à l’identique."

La Monnaie de Paris

à franceinfo

Reste que ce n'est pas la première fois que la qualité des médailles olympiques est remise en question. A Tokyo, deux athlètes chinois s'en étaient plaints. Zhu Xueying, parée d'or en trampoline féminin, avait constaté une "petite marque" sur sa décoration et pensé "que c'était probablement juste de la saleté". "Je l'ai grattée et la marque est devenue plus grande", avait commenté l'athlète sur des photos postées sur le réseau social Weibo, rapportait à l'époque le quotidien chinois Global Times.

Près de 130 médailles renvoyées en 2016

Le CIO a répondu au média que la partie s'étant détachée n'était pas le placage or, mais le revêtement protecteur de la médaille. "Cela n'affecte pas la qualité de la médaille elle-même", avait fait savoir le comité. Le nageur Wang Shun avait également déclaré que sa médaille d'or du 200 mètres 4 nages commençait à "s'effriter", au point qu'il "n'osait plus la toucher", rapportait Business Insider.

Le mécontentement était beaucoup plus marqué lors des JO de Rio, en 2016, relevait en 2017 le quotidien britannique The Independent. Près de 130 athlètes, dont plus de 80 Américains, avaient renvoyé leurs médailles aux organisateurs des Jeux afin que celles-ci soient remplacées. A l'époque, le porte-parole de la compétition internationale, Mario Andrada, avait admis des problèmes avec le revêtement pour "six à sept pour cent des médailles", évoquant un potentiel souci de "différence de température" auprès de l'AFP.

"Le problème le plus courant est qu'elles sont tombées ou ont été mal manipulées, et le vernis s'est détaché, puis elles ont rouillé ou sont devenues noires à l'endroit où elles ont été endommagées", avait-il déclaré, s'engageant à "réparer ou remplacer" les médailles défectueuses. Le kayakiste français Matthieu Péché avait par exemple renvoyé sa médaille de bronze en canoë slalom biplace. Le sportif, dévoilant des photos de sa décoration endommagée, a justement plaisanté à ce sujet vendredi sur son compte X : "Le bronze de Rio 2016, bon état général mais ce n'est pas la médaille qu’on a reçue sur le podium."

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