Vrai ou faux Périphérique parisien à 50 km/h : on a vérifié les arguments pour et contre

La maire de Paris va abaisser la vitesse du périphérique parisien dès le 1er octobre. Une décision contestée par les détracteurs d'Anne Hidalgo, qui redoutent entre autres une congestion du trafic.
Article rédigé par Linh-Lan Dao
France Télévisions
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Le périphérique parisien pendant les Jeux de Paris 2024, le 18 juillet 2024. (BRUNO DE HOGUES / ONLY FRANCE / AFP)

Une décision qui ne fait pas consensus. A partir du mardi 1er octobre, la mairie de Paris va abaisser la vitesse maximale du boulevard périphérique parisien de 70 à 50 km/h, trois ans après avoir limité la vitesse à 30 km/h dans Paris intra-muros. Pendant la campagne des élections municipales de 2020, Anne Hidalgo et son colistier David Belliard (Les Ecologistes-EELV) avaient promis de transformer le périphérique en "un boulevard urbain apaisé" limité à 50 km/h.

Cette route communale de 35 km, gérée par la ville de Paris, draine près de 1,2 million de déplacements par jour, selon une étude des cabinets de conseil Kisio et Roland Berger. Depuis l'annonce de la mesure, les critiques ont fusé. L'ex-ministre des Transports Clément Beaune avait indiqué fin 2023 qu'il ne la validerait pas. "Je pense que ce n'est pas une bonne idée à court terme", avait-il avancé. De son côté, la région Ile-de-France a fait part de sa volonté de déposer une motion mercredi, pour "proposer à la mairie de renoncer à ce projet". Franceinfo a étudié les arguments pour et contre cette mesure.

"Ça va principalement affecter les non-Parisiens" : vrai

Il est reproché à la mairie de Paris d'avoir pris une décision unilatérale, pénalisant les usagers non parisiens. Le vice-président LR de la région Ile-de-France Othman Nasrou a rappelé sur franceinfo que "80% des usagers du périphérique sont des gens qui n'habitent pas Paris". Cette mesure "viendra une nouvelle fois pénaliser la France de l'autre côté du périphérique qui ne peut pas se passer de son véhicule pour ses trajets quotidiens", s'est indigné de son côté Philippe Nozière, président de l'association 40 millions d'automobilistes, dans un communiqué (PDF).

Selon une enquête régionale sur la mobilité des Franciliens de l'Institut Paris Région, parue en avril, "80% des usagers du boulevard périphérique habitent en dehors de Paris" : un chiffre qui donne raison à Othman Nasrou. L'étude révèle par ailleurs que 59% des déplacements se font entre Paris et la banlieue, et que 35% se font de banlieue à banlieue. Seuls 6% sont internes à Paris.

"Ça va réduire le bruit" : plutôt vrai

C'est l'un des principaux arguments de la mairie de Paris. Anne Hidalgo évoquait samedi 31 août auprès de Ouest-France une "mesure de santé publique pour les 500 000 personnes qui vivent aux abords du périphérique". Auprès de franceinfo, David Belliard, adjoint à la maire de Paris en charge de la transformation de l’espace public, des transports, des mobilités, du code de la rue et de la voirie, a mis en avant les résultats d'une étude canadienne publiée dans The Lancet, selon laquelle vivre près de grands axes routiers accroît les risques de démence, avec la pollution et le bruit comme possibles facteurs.

"Baisser la vitesse maximale représente un gain en termes de baisse de nuisances sonores (...) C'est particulièrement vrai pendant la nuit, car le jour, la vitesse moyenne est inférieure à 50 km/h", constate l'élu écologiste. Selon Bruitparif (PDF), observatoire du bruit en Ile-de-France, l'abaissement de la vitesse maximale du périphérique de 80 km/h à 70 km/h en 2014 a permis une baisse du bruit de 1,2 décibel la nuit et 0,5 décibel le jour pour les riverains. Un gain qui équivaut à une réduction du volume du trafic de respectivement 25% et 10%, selon l'observatoire.

Cependant, selon une étude de l'Ademe (agence de la transition écologique) de 2014 (PDF), mesurant l'impact des limitations de vitesse sur la qualité de l'air, du climat, de l'énergie et du bruit, il est indiqué que "la limitation de vitesse ne conduit pas toujours à une baisse du niveau de bruit". L'agence a mesuré les effets d'une réduction de vitesse sur plusieurs types de voies, rapides et urbaines. "L’ensemble des études concluent à une réduction généralement faible des émissions sonores avec les vitesses", avec une baisse comprise entre 1 et 1,5 décibel en moyenne pour des réductions de vitesse entre 50 et 90 km/h.

L'étude souligne que pour des faibles vitesses de circulation, d'autres facteurs peuvent être générateurs de bruit : "aménagement, revêtements de chaussées, débit élevé et nature du trafic". Autrement dit, si la réduction de la vitesse maximale débouche sur une décongestion du trafic, couplée à de bons équipements, les nuisances sonores vont effectivement diminuer. "Les enrobés [revêtement de la chaussée] du périphérique n’ont pas été refaits depuis des années, alors qu’il y a de nouveaux matériaux qui permettent d’atténuer les nuisances sonores. Quant aux projets [proposés par Les Républicains] de couverture du boulevard, la ville n’a jamais donné de suite", a d'ailleurs taclé Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France, le 3 septembre dans Le Parisien.

"Il n'y a pas eu d'étude d'impact" : vrai

Dans son communiqué, l'association 40 millions d'automobilistes insiste sur "l'absence d'études de report de trafic et d'impact sur la circulation". Un argument également repris du côté des Républicains, Othman Nasrou dénonçant sur franceinfo une décision prise "seule contre tous", "sans étude d'impact ni concertation". Pierre Chasserey, porte-parole de 40 millions d'automobilistes, interrogé par franceinfo, se dit lui aussi "très intéressé par une étude d'impact sur le report de circulation" qu'entraînerait cette mesure.

Effectivement, la mairie de Paris n'a pas mené d'étude d'impact en amont de sa mesure. Elle n'y est toutefois pas contrainte. Par ailleurs, sur le plan légal, la municipalité peut décider seule de la vitesse maximale autorisée sur le périphérique, mais il lui faudra tout de même compter sur le soutien de l'Etat, qui gère les radars automatiques. Valérie Pécresse avait proposé en 2021 que la région récupère la gestion du périphérique, s'attirant les foudres de la ville de Paris.

"Ça va congestionner le trafic" : à nuancer

Dans Le Parisien, Valérie Pécresse anticipe déjà un scénario catastrophe. "Les voitures seront bloquées sur le boulevard [périphérique] et iront emprunter les petites rues alentour", estime-t-elle. "Lorsque vous baissez la vitesse maximale, vous diminuez les effets d’accordéon, c’est-à-dire d’accélération et de décélération. De facto, vous améliorez la fluidité du trafic", rétorque David Belliard. En 2015, la mairie de Paris et la préfecture de police tiraient un bilan positif du périphérique parisien à 70 km/h, avec une "amélioration des vitesses moyennes de circulation" de 18% aux heures de pointe le matin et de 12% le soir.

"La vitesse rendue plus régulière (...) facilite l'insertion des véhicules sur le boulevard périphérique", expliquaient la municipalité et la police parisienne. Un gain était aussi constaté sur la durée des trajets. L'étude de l'Ademe de 2014 va dans le même sens : "Le passage de 80 à 70 km/h d’une voie congestionnée favorise généralement la fluidité du trafic". Mais qu'en est-il pour un passage de 70 km/h à 50 km/h ? Cette configuration n'est pas étudiée par l'agence de transition écologique. 

"Ça va réduire la pollution" : à nuancer

Rouler moins vite signifie-t-il polluer moins ? Dans son Plan climat 2026-2030, la ville de Paris anticipe "une baisse de la pollution atmosphérique" grâce à sa mesure. "Il est généralement considéré que la diminution de la vitesse réduit les consommations de carburant et les émissions unitaires de polluant", confirme l'Ademe dans son étude, évoquant toutefois une relation "complexe" entre vitesse et pollution de l'air. "C'est bien le trafic routier qui est responsable du surplus de pollution. Mais le facteur premier n'est pas la vitesse", explique à franceinfo Pierre Pernot, ingénieur à Airparif, organisme qui mesure la qualité de l'air en France.

"Pour agir sur ce trafic, les facteurs d'influence les plus forts sont le nombre de véhicules qui passent, le type de véhicules, et la présence de congestion", détaille-t-il. "La baisse seule d’une limitation à 50 km/h au lieu de 70 aura un impact très limité sur la pollution de l’air", sauf pour les véhicules les plus anciens, tranche Catherine Léger, directrice d'Airparif auprès de Ouest-France. A Paris, aucune étude ne dresse le bilan de l'impact sur la qualité de l'air du passage à 70 km/h sur le périphérique parisien.

"Au-dessus de 70 km/h, les réductions de vitesse ont un effet plutôt positif sur les émissions de particules et d'oxyde d'azote. En dessous de 70 km/h, cet effet est plutôt négatif", relève même l'étude de 2014 de l'Ademe. Sur les voies urbaines (50 km/h à 30 km/h), l'Ademe constate des évolutions contrastées, allant de "-40% à +30% pour les concentrations de NO2 [dioxyde d'azote], de -45% à +100% pour les concentrations de benzène". Encore une fois, tout dépend du trafic.

En 2015, la mairie de Rennes et la préfecture ont expérimenté une diminution de la vitesse de 20 km/h sur différentes parties de la rocade rennaise. Les résultats sont aussi contrastés : si la métropole observe une "forte baisse de la pollution" grâce à la baisse de 110 à 90 km/h sur la rocade est et nord, ce n'est pas le cas avec celle de 90 à 70 km/h sur la rocade sud et ouest, rapporte La Dépêche. Ainsi, il a été choisi d'harmoniser l'ensemble de la rocade à 90 km/h.

"Ça va diminuer le nombre d'accidents" : plutôt vrai

David Belliard a évoqué auprès de franceinfo une volonté d'amélioration de la "sécurité routière" grâce à leur mesure. "Nous voulons considérer le périphérique comme une voie classique", a-t-il justifié. Avec le périphérique à 70 km/h, le nombre d'accidents a diminué de 15,5% (627 contre 742) en 2014 par rapport à 2013, selon le bilan de la mairie de Paris et de la préfecture de police. Mais les bilans plus récents semblent plus contrastés, d'après les chiffres obtenus par le site spécialisé Caradisiac : entre 2013 et 2018, le nombre d'accidents n'a baissé que de 7,82% (684 contre 742) et le nombre de morts est resté identique (4).

"En cas d’accident, la mortalité est d’autant plus grande que la vitesse est grande et que l’on est moins protégé", rappelle toutefois le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) dans une note de 2006 (PDF). "Si on attribue la valeur 1 à un choc à 50 km/h, elle sera de 2 à 70 km/h", précise la note. Autrement dit, en passant de 70 km/h à 50 km/h, la violence du choc sera divisée par deux.

Le Cerema cite l'exemple de deux pays où l'abaissement de la vitesse de 60 à 50 km/h en agglomération a eu un impact positif : la Suisse et le Danemark, qui ont diminué de 9% le nombre d'accidents, respectivement en 1982 et 1985. Par ailleurs, "une baisse de 1% de la vitesse moyenne fait baisser mécaniquement de 4% le taux d'accidents mortels", selon le site de la Sécurité routière. D'après celui-ci, la vitesse est la première cause de mortalité routière en France, étant responsable de 31% des accidents.

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