Vrai ou faux Y a-t-il plus d'usines qui ouvrent que d'usines qui ferment, comme l'affirme Gabriel Attal ?

Si l'on fait la différence entre les ouvertures et les fermetures de sites, la France a en effet compté 57 nouvelles usines en 2023, selon le baromètre industriel de l'Etat, publié fin mars.
Article rédigé par Linh-Lan Dao
France Télévisions
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Temps de lecture : 6min
Inauguration de l'usine canadienne Manikheir, fabricant de gants en nitrile, le 18 avril 2024 à Bessé-sur-Braye (Sarthe). (JEAN-MICHEL DELAGE / HANS LUCAS / AFP)

En campagne pour la majorité présidentielle aux élections législatives, le Premier ministre a tenu à défendre le bilan économique du gouvernement : "Je vois que la France depuis trois ans ou quatre ans est redevenue (...) le pays le plus attractif d'Europe pour les investissements étrangers, (...) qu'il y a plus d'usines qui ouvrent que d'usines qui ferment", a-t-il assuré sur franceinfo, mardi 18 juin. Dans son programme pour le prochain scrutin, dévoilé auprès du Parisien, la majorité a d'ailleurs promis "la création de 200 000 emplois industriels, l'ouverture de 400 usines dans le même laps de temps".

Gabriel Attal a également prédit sur franceinfo "un carnage économique" en cas d'arrivée des "extrêmes" au pouvoir : "On replongerait la France dans un chômage de masse", a-t-il avancé. Selon un rapport de France Stratégie de 2020, la France est le pays ayant subi "la plus forte désindustrialisation durant les dernières décennies, avec le Royaume-Uni", parmi les pays du G7. Alors, le Premier ministre dit-il vrai ? Les créations de sites industriels ont-elles aujourd'hui le vent en poupe, signe de réindustrialisation du pays ? Franceinfo est allé à la chasse aux chiffres.

Une dynamique à la hausse

La France compte en effet 201 créations ou extensions de sites industriels en 2023, dont 57 nouvelles usines, selon le premier baromètre industriel de l'Etat, publié fin mars par le ministère de l'Economie et des Finances. Il s'agit du nombre net d'ouvertures, "c’est-à-dire le nombre total d’ouvertures de sites industriels auquel on soustrait le nombre de fermetures", précise le baromètre. Un chiffre en augmentation de 14% par rapport à 2022. Ce nouvel indicateur mesure chaque semestre "l'évolution industrielle du pays". L'agroalimentaire est le secteur bénéficiant le plus de cette dynamique, avec 47 nouveaux sites, devant les industries vertes et l'économie circulaire (+29), les transports (+22), la santé (+20) et le textile (+19). Sur le plan territorial, la région Auvergne-Rhône-Alpes est la plus attractive avec 73 nouveaux sites, devant la Nouvelle-Aquitaine (+30). Elles concentrent à elles deux la moitié des nouveaux sites.

Dans son Observatoire des startups, PME et ETI [entreprises de 250 à 4 999 salariés] industrielles innovantes françaises publié en mars, la Banque publique d'investissement BPI France constate une dynamique à la hausse en 2023, avec 118 inaugurations de sites industriels, à l'origine de la création de 7 600 emplois. Parmi ces inaugurations, 67 nouvelles usines, soit un ordre de grandeur similaire à celui donné par le ministère de l'Economie.

Dans un document dont franceinfo a pris connaissance, le cabinet de veille économique Trendeo répertorie 34 créations nettes d'usines en 2023, un chiffre presque divisé par trois comparé à 2022 (92). Comment expliquer cette différence avec les chiffres du baromètre industriel de l'Etat ? Trendeo se base sur les annonces faites dans la presse, là où le ministère table sur l'ouverture effective des usines, est-il précisé dans la méthodologie du ministère. Par ailleurs, les sites observés ne sont pas les mêmes : l'indicateur Trendeo prend en compte ceux où sont exercées "des activités de fabrication, de production/distribution d'énergie, ou de traitement des déchets/recyclage", là où le ministère "exclut les activités connexes (déchetterie, logistique) ou l'artisanat".

La France, pays très attractif pour les investisseurs

Hormis les créations d'usines, d'autres indicateurs permettent de prendre le pouls de l'industrie française, comme le niveau d'investissement. Selon le rapport 2023 de l'ONU sur l'investissement dans le monde, la France figurait à la 12e place au classement mondial des pays destinataires, avec 36 milliards de dollars d'investissements directs étrangers (IDE) en 2022. Et comme l'a évoqué Gabriel Attal, la France est le pays le plus attractif d'Europe pour les investisseurs étrangers pour la cinquième année consécutive, selon le baromètre EY 2024 publié en mai.

L'étude se base sur le nombre de projets de créations et d'extensions de sites annoncés par les investisseurs : 1 194 pour la France en 2023. Selon le baromètre, "l’Hexagone bénéficie du triple effet des réformes, du rattrapage des investissements qui ne s’étaient pas réalisés pendant deux décennies et de la situation encore plus complexe de [ses] concurrents"

Interrogé par franceinfo, Marc Lhermitte, associé au sein du cabinet de conseil EY et auteur du baromètre, confirme le phénomène de réindustrialisation de la France : "Il y a beaucoup de projets industriels, beaucoup de réinvestissement dans des usines ou de création de nouvelles usines", constate-t-il. Pour le consultant, cette attractivité s'explique par le fait que la France représente "un bassin d'emplois avec des compétences très formées". Mais, selon un baromètre EY précédent, la France créait 38 emplois par implantation, contre 45 en Allemagne et 68 au Royaume-Uni.

"Il y a une vraie reprise de l’industrie en France depuis 2016", observe également David Cousquer, fondateur de Trendeo. "Mais elle n’est pas assez forte pour que remontent sensiblement des indicateurs comme la part de l’industrie dans le PIB, ou le déficit de la balance commerciale [différence entre les exportations et les importations]", tempère-t-il. En effet, entre 1980 et 2018, les branches industrielles ont perdu "la moitié de leurs effectifs", et la part de l'industrie dans le PIB a reculé de 10 points pour s'établir à 13,4% en 2018, selon le rapport sur les politiques industrielles françaises de France Stratégie. Aussi, la France importe plus qu'elle n'exporte, avec un solde de -163,2 milliards d'euros en 2022, selon l'Insee.

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