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Roman Polanski, Ladj Ly, Nicolas Bedos et Céline Sciamma en tête de la sélection des César : la riche année du cinéma français

Douze nominations pour "J'accuse" de Roman Polanski, onze pour "Les Misérables" de Ladj Ly et pour "La Belle époque" de Nicolas Bedos, et enfin dix pour "Portrait de la jeune fille en feu" de Céline Sciamma : la qualité est au rendez-vous des 45e César.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Une statuette de César. (VILLARD/NIVIERE/SIPA)

Avec 12 nominations pour J’accuse de Roman Polanski, 11 pour Les Misérables de Ladj Ly et pour La Belle époque de Nicolas Bedos, et enfin 10 pour Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma, la sélection de la 45e cérémonie des César, révélée mercredi 29 janvier, reflète la grande qualité des films français sortis en 2019.

Rarement tant de films se sont retrouvés avec une dizaine de nominations chacun, dans la sélection finalisée des César. Les années précédentes, un titre se distinguait souvent des autres, avec l’assurance de remporter la mise. Cette 45e sélection se caractérise par l’originalité des films, leur diversité de sujets et de traitements. On peut donc imaginer un palmarès final qui récompenserait plusieurs films, plutôt qu’un titre écrasant tous les autres. Résultat des courses : samedi 28 février.

"J’accuse" : le film de tête

La sélection dans 12 catégories de J’accuse de Roman Polanski n’a certainement pas fini de faire gloser. Le réalisateur franco-polonais, qui a déjà remporté le prix du meilleur réalisateur à la cérémonie des Lumières de la critique internationale lundi 27 janvier, voit son J’accuse notamment nommé dans les catégories reines de la meilleure réalisation et du meilleur film. Son interprète principal, Jean Dujardin, est par ailleurs dans celle de meilleur acteur.

Pour prévenir la polémique, le président de l’académie des César, Alain Terzian, a d’ores et déjà affirmé que l’institution n’est "pas une instance qui doit avoir des positions morales", faisant ainsi référence aux accusations de viol contre le réalisateur portées par la photographe française Valentine Monnier. Mais la lourde responsabilité de faire ou non la différence entre l’homme et son œuvre n’a pas fini de tarauder tout un chacun. La porte-parole de l'association Osez le féminisme, Céline Piques, a d'ailleurs réagi spontanément à cette annonce.

Reste que l’angle choisi par Polanski d’adapter l’ouvrage de Robert Harris, qui traite de l’affaire Dreyfus par le prisme du colonel Picquart, qui entraîna sa réhabilitation, est des plus originaux, doublé d’une magnifique contribution, avec des interprètes remarquables.

"Les Misérables" : la révélation

Le jeune réalisateur Ladj Ly avait créé la surprise au dernier festival de Cannes. Son film Les Misérables y avait d’ailleurs remporté le Prix du jury et il vient de rafler trois prix à la cérémonie des Lumières de la critique internationale, dont celui du meilleur film.

Coécrit par trois scénaristes, Ladj Ly, Giordanno Gederlini et Alexis Manenti (également interprète), Les Misérables (11 nominations) s’inspire largement de la jeunesse du réalisateur vécue à Montfermeil (Seine-Saint-Denis), dans la banlieue parisienne. Si les qualités d’écriture sont indéniables, il en va de même pour la mise en scène. Ladj Ly mène de main de maître un thriller opposant les habitants d’une cité aux forces de l’ordre, sans tomber dans un manichéisme primaire. Le climax final dans les escaliers d’un immeuble, où CRS et jeunes banlieusards s’affrontent, est anthologique.

"La Belle époque" : la bonne surprise

En passant à la réalisation en 2016 avec Monsieur et madame Adelman, Nicolas Bedos faisait preuve d’une belle plume et d’une grande sensibilité dans la mise en scène. Essai transformé avec La Belle époque (11 nominations).

Le cinéaste peaufine son écriture dans le portrait de Victor (Daniel Auteuil) dont le fils (Guillaume Canet) lui offre l’occasion de revivre sa rencontre en 1973 avec sa future femme (Dora Tillier) dans le cadre d’une reconstitution ludique. Extrêmement original dans son sujet, La Belle époque est doublé d’un art de la mise en scène qui témoigne de la naissance, en Nicolas Bedos, d’un vrai cinéaste de talent. Rien n’est approximatif dans ce film drôle, sensible et poétique, tant dans son écriture, sa mise en images que son interprétation.

"Portrait de la jeune fille en feu" : le film d’art

Réalisatrice confirmée depuis Naissance des pieuvres (2007), et couronnée d’un joli succès avec Bande filles (2015), Céline Sciamma a remporté le Prix du scénario avec Portrait de la jeune fille en feu (10 nomination) qu’elle a écrit. Le film a également été distingué à la cérémonie des Lumières en remportant les prix de la meilleure photographie (Claire Mathon) et de la meilleure actrice (Noémie Merlant).

S’agissant d’un scénario original (et non d’une adaptation), Portrait de la jeune fille en feu reflète l’exigence d’écriture de Céline Sciamma. Son film traite de la création artistique, s’agissant de l’histoire d’une peintre au XVIIIe siècle amenée à faire le portrait d’une femme dont elle tombe amoureuse. La première partie domine ce beau film, dans le subterfuge que trouve l’artiste pour faire secrètement le portrait de son modèle qui refuse de poser. La seconde est plus attendue, dans la relation amoureuse entre les deux femmes. Mais l’élégance de la mise en scène et l’interprétation de Noémie Merlant et de Adèle Haenel vont largement au bénéfice du film.

"Grâce à Dieu", "Hors normes" et "Roubaix, une lumière" : les outsiders

Le trio de long métrages qui boucle le septuor de tête de cette 45e cérémonie des César confirme la haute tenue des films français sortis en 2019.

Grâce à Dieu (8 nomination) de François Ozon reconstitue avec tact la délicate affaire de pédophilie qui a secoué l’église catholique dans le diocèse de Lyon, avec la mise en accusation du père Preynat pour agressions sexuelles sur mineurs, et du cardinal Barbarin pour non-dénonciation d'abus sexuels. La grande réussite du film est d’exposer le sujet du point de vue des victimes, via la création de l’association La Parole libérée, dont le but est de recueillir leurs témoignages. Mais sa principale qualité est d’exposer avec beaucoup de délicatesse la complexité psychologique des agressés, le processus menant à leur mutisme, et ses conséquences à long terme. Sobriété de la mise en scène, et interprétation sans faille de tous les acteurs servent également un film remarquable.

Hors normes de Olivier Nakache et Eric Toledano vaut surtout pour son sujet : le dévouement de Stéphane Benhamou (fondateur de l’association Le Silence des justes), et de Daoud Tatou, (créateur du Relais Ile-de-France), qui se consacre à l’insertion dans la société de jeunes autistes. Si leurs noms changent dans le film, il s’inspire de faits bien réels, auxquels la fiction apporte dramaturgie et humour. Le film demeure toutefois un peu pauvre dans ses qualités cinématographiques, hormis son interprétation par Vincent Cassel et Reda Kateb.

Roubaix, une lumière (7 nominations) voit pour la première fois Arnaud Desplechin s’attaquer au film de genre. Polar nocturne et social, quasi-poème visuel dédié à sa ville natale, Roubaix, une lumière fait le portrait du commissaire Daoud, à travers son enquête sur le meurtre d’une femme âgée.

Roshdy Zem y est magnifique, ce qui lui a valu le prix du meilleur acteur à la cérémonie des Lumières. Léa Seydoux et Sara Forestier lui donne la réplique dans les nombreux interrogatoires qui jalonnent le film, et où transparaît l’humanité profonde de Daoud qui donne toute le sens à la "lumière" du titre.

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