"Sparadrap", "exercice de communication"... Les annonces de Gabriel Attal aux agriculteurs étrillées par les écologistes et la gauche

La gauche reproche notamment aux mesures proposées par le Premier ministre de passer à côté de la problématique sociale.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Le Premier ministre Gabriel Attal en visite dans une ferme à Montrastruc-de-Salies (Haute-Garonne) pour annoncer des mesures pour faire face à la grogne des agriculteurs, le 26 janvier 2024. (JEAN-MARC BARRERE / HANS LUCAS / AFP)

L'environnement, grand perdant des mesures annoncées par Gabriel Attal ? Plusieurs personnalités du camp écologiste et de la gauche ont critiqué les annonces faites par le Premier ministre, vendredi 26 janvier en Haute-Garonne, destinées à apaiser la colère des agriculteurs

Elles jugent ces mesures insuffisantes, et estiment qu'elles ne suffiront pas à régler la question de la rémunération des agriculteurs. Franceinfo fait le point sur les réactions suscitées par ces annonces.

"Il n'a entendu que le discours productiviste de la FNSEA"

"L'ensemble des réponses que Gabriel Attal apporte sont des régressions sur les questions environnementales et ne concernent que l'agriculture industrielle", a regretté Antoine Gatet, vendredi au micro de franceinfo.

Le président de l'association France Nature Environnement a estimé que le Premier ministre manquait d'expertise sur ce dossier. "Il a découvert en quatre jours le sujet et je pense que c'est un peu court. C'est d'autant plus court qu'apparemment, il n'a entendu que le discours du syndicat productiviste de la FNSEA qui porte uniquement les intérêts de l'agriculture industrielle", a-t-il déploré.

Alors que Gabriel Attal a annoncé que l'Office français de la biodiversité, qui fait notamment respecter les règles en matière de pesticides, serait désormais placé "sous la tutelle des préfets" pour "faire baisser la pression" des contrôles, Antoine Gatet a regretté que le Premier ministre "stigmatise assez gravement les protecteurs de l'environnement"

Désaccord sur la "pression" exercée sur la grande distribution

"J'ai quand même bien vu qu'il n'avait aucun intérêt pour les problématiques environnementales et une très mauvaise compréhension des problématiques sociales", a estimé de son côté Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes (ex-EELV), auprès de France Inter.

L'annonce de la mise en place par les services de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) d'une "pression maximale" sur les distributeurs, comme les sanctions accrues pour les entreprises ne respectant pas la loi Egalim n'ont visiblement pas convaincu les écologistes. Pour Marine Tondelier, résoudre ces problématiques "nécessite de faire pression sur la grande distribution, sur l'agro-alimentaire. Je n'ai pas l'impression que monsieur Attal et que ce gouvernement soient déterminés à le faire" a-t-elle souligné.

Interrogée par franceinfo dans la foulée de la prise de parole de Gabriel Attal, Sandrine Rousseau, députée Ecologiste-Nupes à Paris, a taxé les annonces de l'exécutif d'"exercice de communication", estimant qu'aucun effort n'avait été consenti sur la garantie d'un revenu décent aux agriculteurs. "Il y avait quand même une revendication forte qui était le revenu des agriculteurs, la garantie des prix, le changement de rapport de force vis-à-vis des industriels… Il n'y a pas eu une annonce de ce point de vue là", a fustigé l'élue écologiste.

"Ça n'est pas en diminuant et en pointant l'ensemble des normes environnementales qu'on va gérer le problème. Là, on a un problème de revenus. On a des gens qui ne mangent pas. On a des gens qui sont en train de se suicider", a-t-elle également souligné. "Ce ne sont pas les annonces qui viennent d'être faites qui vont diminuer le taux de suicide chez les agriculteurs."

Une concurrence internationale "mal régulée" pointée du doigt

"Il y a simplification [des normes environnementales], ça, c'est très bien", s'est de son côté félicitée Corinne Lepage au micro de franceinfo. L'ancienne ministre de l'Environnement de Jacques Chirac, qui estime que l'agriculture française n'a "pas commencé sa transition écologique", juge que les difficultés du secteur proviennent moins des règles adoptées pour protéger le climat que d'une concurrence internationale "mal régulée". "Il est inadmissible que des produits interdits en Europe et en France puissent être vendus par importation", a-t-elle martelé.

En déplacement à Nîmes (Gard) pour rencontrer des agriculteurs en colère, le député LFI de la Somme François Ruffin a de son côté pointé le tiraillement de l'agriculture française entre deux objectifs incompatibles. "Il faut donner un cap à l'agriculture française. Son objectif est-il d'être concurrentielle avec les fermes-usines du Brésil ou d'Ukraine, ou son but est-il de nourrir comme il faut les Français ?", a interrogé le député.

"Là, [Gabriel] Attal met un sparadrap, de la pommade et un cachet de Doliprane pour l'agriculture, mais c'est une chirurgie qu'il faut, une thérapie."

François Ruffin, député LFI de la Somme

à l'AFP

Une position rejointe par Manon Aubry, cheffe de file des insoumis au Parlement européen. "Tant qu'on continuera à les soumettre à une concurrence déloyale, des immenses fermes usines au Brésil, en Ukraine, en Nouvelle-Zélande, ils ne seront pas rémunérés décemment", a estimé l'élue sur France Inter ajoutant que "Gabriel Attal est venu faire de la mousse, mais sans prendre en compte le malaise très profond du monde agricole".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.