Conférence sociale : comment Hollande a perdu la confiance des syndicats
Le gouvernement ouvre, lundi, sa quatrième conférence sociale. La CGT a pourtant décidé de boycotter une nouvelle fois ce grand rendez-vous du quinquennat.
Pour la quatrième fois de son quinquennat, François Hollande ouvre une nouvelle conférence sociale au Conseil économique, social et environnemental (CES), à Paris. Dans un contexte plombé par le conflit à Air France, la journée est marquée par l'absence de la CGT. Le premier syndicat de France a adopté la politique de la chaise vide pour la seconde fois, et conteste la mise en examen des salariés d'Air France.
Pourtant, dès son arrivée à l'Elysée, François Hollande avait présenté la conférence sociale comme le signe du retour en force du "dialogue social". Si de nombreuses réformes - contrat de génération, emplois d'avenir - y ont été initiées, ces rendez-vous sont devenus le symbole de désaccords entre les syndicats et le gouvernement. Francetv info revient sur la façon dont François Hollande a perdu la confiance des syndicats.
Etape 1 : le gouvernement affiche sa volonté de renouer le dialogue social
"Moi président de la République, je ferai en sorte que les partenaires sociaux puissent être considérés aussi bien que les organisations professionnelles." En 2012, lors de sa campagne présidentielle, François Hollande érige le dialogue social comme totem de son quinquennat, affirmant que la France n'avait jamais vraiment "développé une culture de dialogue social".
Après le quinquennat de Nicolas Sarkozy, marqué par la brûlante réforme des retraites et une défiance envers les syndicats, François Hollande s'engage à inscrire dans la Constitution l'obligation de consulter les partenaires sociaux pour les textes qui les concernent, rappelle Le Monde.
A l'été 2012, le gouvernement les réunit tous avec une méthode fondée sur trois principes : "Aborder l'ensemble des sujets", "fixer un agenda cohérent et partagé permettant d’avancer en commun" et "s'inscrire dans la durée". De Bernard Thibault (CGT) à Laurence Parisot (Medef), les syndicats saluent cette volonté de concertation. "Discuter avec les autres organisations syndicales, envisager des négociations, oui, cela peut être une bonne méthode. Nicolas Sarkozy avait affiché un grand mépris des partenaires sociaux. Là, il y a la volonté d'instaurer un dialogue", reconnaît à l'époque Eric Aubin, de la CGT, interrogé par francetv info.
Etape 2 : plusieurs réformes adoptées lors des conférences sociales
La première conférence sociale, organisée les 9 et 10 juillet 2012, est le point de départ de plusieurs réformes : les participants se mettent d'accord pour démarrer une négociation sur le contrat de génération. Afin de respecter son engagement de placer "la jeunesse" au centre de son quinquennat, la conférence sociale initie aussi les emplois d'avenir et la loi de sécurisation des parcours professionnels pour les salariés.
Les partenaires sociaux confient à Louis Gallois une mission sur la compétitivité des entreprises, qui débouche sur les principales réformes économiques du quinquennat de François Hollande, le CICE (Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) et le pacte de responsabilité. Dans un premier temps, ces annonces sont unanimement saluées. Les représentants du patronat retiennent le "rôle central des entreprises dans la création d'emplois", et ceux des salariés, la promesse de formation des chômeurs.
Un an plus tard, lors de la deuxième conférence sociale, les 20 et 21 juin 2013, l'entente commence à s'effriter. François Hollande se prononce pour "l'allongement de la durée de cotisations" et provoque la colère de la CGT et de FO. La conférence s'achève sur le mécontentement des syndicats, la faiblesse des annonces pour l'emploi, et l'inquiétude des patrons qui n'ont pas obtenu le report de l'âge légal de départ à la retraite. Elle souligne l'inflexion du gouvernement vers une "flexisécurité" de l'emploi et marque les prémices d'une rupture entre les partenaires sociaux et le gouvernement, pointe Le Monde.
Etape 3 : les syndicats dénoncent l'orientation "pro-entreprises" du gouvernement
L'impulsion de ces réformes ne satisfait pas les syndicats majoritaires. Ils dénoncent des réformes où les innovations sociales sont quasi absentes, et ils les jugent sans effet sur le chômage. Ils pointent du doigt aussi le parti pris du gouvernement pour les intérêts du patronat.
Le pacte de responsabilité, présenté par François Hollande lors de ses vœux en 2014, cristallise ces tensions, et met au jour les divisions au sein des syndicats où seuls les réformistes (CFDT, CFE-CGC et CFTC) et le Medef signent le pacte, alors que FO et CGT s'opposent à la baisse de prélèvements sur les entreprises et le rebaptisent "pacte d'austérité". "Il ne s’agit pas de lancer des mots durs, mais de reconnaître qu’il y a des positionnements franchement opposés", explique Annick Coupé de Solidaires, à La Croix. En mars, ils appellent à une grande mobilisation nationale contre cet accord.
"Le patronat n'est prêt à aucun effort, il veut des aides publiques sans aucun contrôle", explique Laurence Bertrand, pour la CGT, au Monde. Il existe un véritable "bug dans le dialogue social", surenchérit Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière. L'échec de la grève à la SNCF contre la réforme ferroviaire, et celle des intermittents la même année, finissent par éloigner définitivement les syndicats du gouvernement. "Nous ne sommes pas entendus, pas écoutés", souffle Thierry Lepaon, alors responsable de la CGT.
Etape 4 : ils boycottent le rendez-vous
La rupture s'officialise lors de la troisième conférence sociale, en juillet 2014. Les responsables syndicaux protestent contre la décision du Premier ministre, Manuel Valls, de reporter partiellement la mise en place du compte pénibilité, sous la pression du Medef. Quatre syndicats - CGT, FO, FSU et Solidaires - claquent alors la porte le deuxième jour.
Le leader de FO, Jean-Claude Mailly, fustige les "déclarations intempestives du Premier ministre" sur la simplification du Code du travail.
Bousculé sur sa méthode de "respect des partenaires", François Hollande rappelle que le dialogue social ne peut "pas être une perpétuelle surenchère" et évoque les réformes initiées par les conférences sociales. Un an plus tard, le 14 octobre 2015, la CGT annonce qu'elle boycotte une nouvelle fois la conférence, en réponse au conflit à Air France.
Face à autant de divisions, ce quatrième grand rendez-vous est-il déjà voué à l'échec ? Si Jean-Claude Mailly assure "s'y emmerder", Stéphane Lardy, de FO, dénonce un "exercice de communication, qui permet à des ministres de faire des annonces". D'autres syndicats soulignent, eux, la pertinence des réunions, et l'occasion de discuter avec le patronat : "C'est la manière dont elle est organisée et les orientations portées par le gouvernement qui posent problème", estime Bernadette Groison de la FSU, citée par Le Monde.
François Chérèque, ancien secrétaire général de la CFDT, avait anticipé, dès 2012, cette situation de blocage. "Au début d'un quinquennat, les relations sont toujours très bonnes [entre les syndicats et gouvernement], c'est en général après que ça se gâte", avait-il glissé.
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