Energie : que va changer l'accord conclu sur les prix de l'électricité nucléaire pour les ménages français ?
Au terme d'âpres négociations, le gouvernement a annoncé la conclusion d'un accord avec EDF, mardi 14 novembre. Il garantit un niveau de prix moyen de l'électricité nucléaire "autour de 70 euros" le mégawattheure (MWh), à partir de 2026, pour les quinze années suivantes. Dans les faits, "il y a pas mal de confusion" et les foyers ne paieront pas 70 euros le MWh, explique Anna Creti, professeure à l'université Paris Dauphine. "Ce montant n'a pas vocation à être lié aux factures."
Dans les faits, plusieurs ajustements et paramètres sont à prendre en compte avant de parvenir à la somme finale payée par les consommateurs. Par exemple, ce prix de référence ne concernera que l'électricité d'origine nucléaire et pas celle produite à partir du gaz, du charbon ou de l'hydraulique. La facture des Français va-t-elle donc s'alourdir ou s'alléger dans deux ans, avec ce nouveau mécanisme censé mieux réguler le marché énergétique français ?
Pour tenter de comprendre l'impact de cet accord de long terme sur le prix de l'électricité payée chaque mois par les foyers, il faut d'abord se pencher sur la manière dont il est fixé aujourd'hui. Jusqu'à la fin de l'année 2025, l'Etat impose à EDF de vendre à ses concurrents, fournisseurs alternatifs, une partie de l'électricité qu'elle produit dans le cadre de l'Arenh (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique). Cela ne concerne qu'environ un tiers de la production d'électricité d'EDF, vendue au prix bas de 42 euros le MWh. Ce dispositif est censé limiter l'impact de la hausse des tarifs sur la facture finale des ménages, mais il représente un manque à gagner pour EDF.
L'objectif d'un prix plus stable
Par ailleurs, les ménages qui ont souscrit au tarif réglementé (TRVe), le fameux "tarif bleu" d'EDF, ont vu le prix du kilowattheure (kWh) atteindre des niveaux très hauts ces dernières années. Pourtant, l'Etat a mis en place, en février 2022, un bouclier tarifaire qui a effectivement permis de contenir l'envolée des prix sur les marchés de gros, où l'électricité est négociée avant d'être revendue aux clients. "Au cours des deux dernières années, les prix de l'électricité ont augmenté de 80%, 90%, 100%, 110%. Ce bouclier tarifaire aura coûté près de 40 milliards d'euros", a estimé Bruno Le Maire, mardi, en conférence de presse.
Avec le nouvel accord annoncé mardi, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2026, si la Commission européenne le valide, c'est toute la production d'électricité d'origine nucléaire par EDF en France qui sera concernée, et non plus une seule partie comme c'était le cas avec l'Arenh. L'objectif affiché par le gouvernement est la stabilité des tarifs, selon le ministre de l'Economie. "Le plus grand avantage pour les ménages, c'est un prix stable", a-t-il martelé, mardi, en conférence de presse.
"Il fallait trouver un autre moyen de garantir la stabilité des prix, moins coûteux que le bouclier tarifaire. Ce sera le cas avec l'accord conclu avec EDF."
Bruno Le Maire, ministre de l'Economieen conférence de presse
Par ailleurs, l'accord prévoit une disposition spéciale. Lorsque les prix du marché dépassent un certain montant, l'Etat ponctionne les revenus d'EDF. Plus précisément, dès que le prix moyen dépassera les 78 à 80 euros le MWh, 50% des revenus supplémentaires engrangés par EDF iront "à la collectivité". Donc aux consommateurs. Et si ce prix dépasse 110 euros, la proportion ponctionnée grimpera à 90%.
Un flou sur la redistribution des revenus supplémentaires d'EDF
Néanmoins, le flou demeure sur les modalités pratiques de ces ristournes, selon les spécialistes. "Je n'ai pas totalement compris le système par lequel on va garantir un retour au consommateur et une façon pour lui de profiter de l'électricité nucléaire régulée", pointe sur franceinfo Nicolas Goldberg, expert du marché énergétique chez Colombus Consulting.
"On ne sait pas encore si cette redistribution concerne seulement les consommateurs résidentiels ou si on intègre les petites et moyennes entreprises, par exemple."
Anna Creti, professeure à l'université Paris-Dauphineà franceinfo
A l'heure actuelle, il est donc encore trop tôt pour savoir quels seront les effets concrets sur la facture des particuliers. Mais "nous serons ainsi dotés d'un mécanisme anti-crise permettant d'éviter une explosion des prix similaire à celle de 2022", assure la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.
"Il y aura peut-être moins de pics, mais il y aura structurellement des tarifs élevés et toujours des problèmes de pouvoir d'achat", redoute de son côté Antoine Autier, responsable des études chez UFC-Que Choisir. "L'objectif, c'est d'avoir un marché qui fonctionne, tout en réalisant des engagements contractuels pour protéger le consommateur", estime Anna Creti à propos de cet équilibre, qui s'annonce difficile à réaliser pour EDF et l'Etat.
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