Grève du 9 décembre : Philippe Martinez, Jean-Paul Delevoye… Qui sont les acteurs clés qui peuvent influer sur la réforme des retraites ?
La semaine s'annonce cruciale pour le gouvernement et les partenaires sociaux dans le dossier de la réforme des retraites. Alors que la grève dans les transports se poursuit, le Premier ministre doit annoncer mercredi les contours de cette réforme.
Le lever de rideau approche. Le Premier ministre, Edouard Philippe, doit présenter mercredi "l'intégralité du projet" de réforme des retraites. En attendant, à la veille d'une deuxième journée de mobilisation interprofessionnelle, mardi 10 décembre, le haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye, reçoit les partenaires sociaux, aux côtés de la ministre des Solidarités, Agnès Buzyn, afin de "tirer les conclusions" de la concertation relancée en septembre.
Alors que la semaine s'annonce décisive pour le gouvernement comme pour les partenaires sociaux, franceinfo revient sur les principaux acteurs de ce dossier.
Philippe Martinez : celui qui veut tenir "jusqu'au retrait" de la réforme
Qui est-il ? Philippe Martinez, 58 ans, est à la tête de la CGT (Confédération générale du travail) depuis 2015. Il a travaillé chez Renault comme technicien de la métallurgie, puis est devenu en 2008 secrétaire général de la Fédération des travailleurs de la métallurgie de la CGT. Attaché à une stratégie syndicale traditionnelle, Philippe Martinez tente de faire évoluer sa structure afin de trouver un équilibre entre contestation et force de proposition, comme le détaille Libération. La CGT, qui a perdu la place de premier syndicat de France au profit de la CFDT, voit aussi dans la réforme des retraites une occasion de reconstruire une dynamique.
Quelle est sa position ? Le secrétaire général de la CGT se montre déterminé à faire obstacle à la réforme des retraites, dans laquelle "il n'y a rien de bon", estime-t-il dans les colonnes du JDD. Il souhaite conserver le système de retraite en vigueur, "le meilleur du monde", selon lui. "Nous tiendrons jusqu'au retrait" de la réforme, prévient-il. "En 1995, au début de la première manifestation, le Premier ministre, Alain Juppé, avait dit que jamais il ne retirerait son projet. Les choses évoluent vite. Et la colère est grande. Le gouvernement devrait être attentif."
La balle est dans le camp du gouvernement (...). Qu’il entende la colère. Qu’il dise qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Qu’il remette les compteurs à zéro.
Philippe Martinezau "JDD"
Comment peut-il participer au règlement du conflit ? Inscrit dans une stratégie d'opposition radicale, Philippe Martinez assume la conflictualité des rapports avec le gouvernement. Le dialogue semble rompu avec l'exécutif : "Pas de son, pas d'image." De son côté, le gouvernement n'a pas choisi d'en faire son interlocuteur privilégié. "Je ne pense pas que ce soit avec la CGT qu'on trouvera le chemin de la sortie de ce conflit", estime la ministre des Transports, Elisabeth Borne.
Jean-Paul Delevoye : celui qui a élaboré le nouveau système
Qui est-il ? Jean-Paul Delevoye, 72 ans, est le "monsieur retraites" du gouvernement. En septembre 2017, ce chiraquien historique tendance gaulliste social a été nommé haut-commissaire à la réforme des retraites pour piloter la consultation sur cette réforme promise par le candidat Macron. Deux ans plus tard, il entre au gouvernement en tant que haut-commissaire aux retraites. Reconnu comme un interlocuteur fiable par les syndicats, l'ancien président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) voit sa position affaiblie après avoir enchaîné quelques maladresses. Le doyen du gouvernement a ainsi oublié de déclarer sa fonction d'administrateur dans un institut de formation de l'assurance à la Haute Autorité pour la transparence de la vie politique. "C'est une omission par oubli", a-t-il expliqué au Parisien. "Je reconnais que ce n'est pas responsable. J'ai fait une erreur." Dans un communiqué publié lundi 9 décembre, il a annoncé avoir démissionné de ces fonctions.
Quelle est sa position ? Jean-Paul Delevoye cherche désormais à aller au bout de cette réforme des retraites. Il est à l'origine de l'architecture du nouveau système que doit présenter le Premier ministre mercredi : fin des régimes spéciaux, système à points, allongement de la durée du travail, création d’un âge pivot… Il n'hésite d'ailleurs pas à hausser la voix quand le gouvernement semble prêt à lâcher du lest sur certains points, à l'image de la "clause du grand-père". Cette idée, qui consisterait à appliquer le changement de règles aux seuls nouveaux entrants dans le monde du travail, à partir de 2025, n'a pas plu au haut-commissaire. "Cela reviendrait à créer un 43e régime. C’est impossible !"
Comment peut-il participer au règlement du conflit ? Malgré les divergences de points de vue, il est parvenu à conserver une fenêtre de dialogue ouverte avec tous les syndicats, même les plus radicaux. "Avec Jean-Paul Delevoye, ça se passe bien : la CGT l’a vu 22 fois depuis décembre 2017, confie Philippe Martinez dans Le JDD. Delevoye, c’est quelqu’un qui a un peu plus d’expérience et une vraie conception de la démocratie sociale, même si nous proposons un tout autre projet de réforme des retraites que le sien."
Laurent Berger : celui qui dirige le premier syndicat de France
Qui est-il ? A la tête de la CFDT (Confédération française démocratique du travail) depuis 2012, Laurent Berger, 51 ans, a travaillé dans sa jeunesse comme salarié dans une association d’insertion à Saint-Nazaire qui venait en aide à des chômeurs de longue durée. Dès ses premières années d'études, il a enchaîné les responsabilités syndicales, notamment comme responsable de la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne) à Paris, détaille Libération. La CFDT est devenue sous sa mandature le premier syndicat de France, public et privé confondus, en 2018.
Quelle est sa position ? La CFDT est le seul syndicat qui continue de soutenir l'idée d'un régime "universel", comme le souhaite le gouvernement. "Certains [considèrent] que le système actuel serait parfait. Je ne suis pas de ceux-là, je suis désolé, il n'est pas parfait, loin s'en faut, il est miné d'inégalités et ça met en cause la solidarité qui est absolument indispensable dans un système par répartition", a expliqué Laurent Berger sur France Culture. "On veut ce régime à une seule condition, c'est qu'on y instille des éléments de justice", parmi lesquels "la prise en compte de la pénibilité".
On peut résoudre les inégalités en créant un régime universel, en mettant des mécanismes de compensation pour ceux qui sont les plus pénalisés aujourd'hui.
Laurent Bergersur France Culture
Comment peut-il participer au règlement du conflit ? De par sa tradition syndicale, la CFDT s'inscrit dans le dialogue. Mais l'organisation réformiste se retrouve prise entre deux feux et regrette l'épreuve de force qui est en cours. "Je suis préoccupé parce que la logique qui prévaut, c'est quand même de se mettre un peu sur la figure avant de commencer à discuter", a déclaré Laurent Berger sur France Culture. "De l'autre côté, on a un gouvernement qui veut montrer les bras, les muscles, pour dire : 's'il y a un peu d'affrontement, ça voudra dire que j'ai fait cette réforme', c'est ridicule et c'est dangereux." Laurent Berger reste vu par le gouvernement comme le meilleur interlocuteur pour trouver un compromis sur cette réforme.
Edouard Philippe : celui qui veut aller au bout de cette réforme
Qui est-il ? Edouard Philippe, 49 ans, est Premier ministre depuis maintenant plus de deux ans. Partie prenante de la recomposition politique voulue par Emmanuel Macron, l'ancien membre des Républicains affronte avec la réforme des retraites le dossier le plus épineux depuis son arrivée à Matignon. L'ancien maire du Havre a pris les choses en main et se retrouve en première ligne. Il va devoir user de ses talents de négociateur et de persuasion pour gagner la bataille de l'opinion et trouver une sortie de crise.
Quelle est sa position ? Pour le chef du gouvernement, cette réforme est inévitable. Sinon, "ce qui se produirait, nous le savons tous : nous demanderions à nos enfants de payer, c’est totalement injuste, je m’y refuse", explique-t-il au Monde. "Je crois que nos compatriotes savent que dans tous les autres pays, un allongement progressif de la durée du travail se met en place, et c’est un élément sur lequel travailler." Conscient des difficultés pour faire accepter cette réforme, le Premier ministre tente aussi de séduire. "On pourra apporter des réponses extrêmement positives pour beaucoup de gens qui subissent des injustices dans le système actuel : les femmes, les agriculteurs, et ceux qui ont des parcours hachés, notamment", assure-t-il dans Le JDD.
Si on ne fait pas une réforme profonde, sérieuse, progressive aujourd'hui, quelqu'un d'autre en fera une demain brutale, vraiment brutale.
Edouard Philippeau "JDD"
Comment peut-il participer au règlement du conflit ? Pour le moment, à l'image de son mentor Alain Juppé en 1995, le Premier ministre n'hésite pas à montrer les muscles et se dit "déterminé" à aller au bout de cette réforme. Mais l'exécutif sait qu'il va devoir faire encore preuve de patience et de dialogue. "On ne change pas un contrat social brutalement", rappelle Edouard Philippe dans Le Monde. Le gouvernement compte donc encore sur le dialogue social pour trouver une porte de sortie. Il a d'ores et déjà intégré le fait que la discussion se poursuivra au-delà de la présentation de la réforme prévue mercredi.
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