Logement : les propriétaires ont-ils du souci à se faire ?
Le projet de loi présenté par Cécile Duflot mercredi vise notamment à renforcer les droits des locataires. Au détriment de ceux des propriétaires ?
La question du logement préoccupe davantage les Français que la sécurité, la nourriture ou l'environnement, selon un baromètre TNS-Sofres publié en décembre. Pour répondre aux attentes et lutter contre les abus, la ministre du Logement, Cécile Duflot, a présenté en Conseil des ministres, mercredi 26 juin, son projet de loi pour l'Accès au logement et un urbanisme rénové (Alur).
Le texte a soulevé de nombreuses critiques de la part des professionnels du secteur, qui reprochent notamment à la ministre de trop "ponctionner" les propriétaires, notamment ceux qui possèdent des appartements qu'ils louent. Ces derniers ont-ils du souci à se faire ? Décryptage.
Oui, car il y aura des contraintes supplémentaires...
• Sur le prix des loyers. Selon le projet de loi Alur, les préfets devront chaque année fixer un loyer médian de référence dans les zones dites "tendues", c'est-à-dire là où la demande est nettement supérieure à l'offre de logement. Le propriétaire ne pourra pas louer son bien plus cher de 20% que ce loyer de référence. A Paris, par exemple, près d'un quart des bailleurs pourraient être obligés de baisser leur loyer, nous indique le site spécialisé MeilleursAgents.com.
• Sur le dépôt de garantie. Le bailleur devra prendre en charge la totalité des frais liés à la mise en location de son bien, à l'exception des frais de réalisation de l'état des lieux et de rédaction du bail, partagés à 50/50 entre le bailleur et son locataire. "On charge trop la barque des propriétaires", dénonce Jean-François Buet, le président de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim), contacté par francetv info. "Cette mesure ne va pas rassurer les bailleurs. Additionnée aux autres prévues par la loi Alur, elle pourrait relancer les pratiques non vertueuses de certains propriétaires, voire illicites", prévient-il. La Fnaim appelle ainsi à signer une pétition pour retirer le projet de loi.
• Sur la "garantie des risques locatifs". Représentants des propriétaires et agents immobiliers sont très réticents à la mise en place de la garantie des risques locatifs (GURL), prévue par la loi Alur. Les bailleurs, et seulement eux, seraient contraints de souscrire à une assurance contre les loyers impayés. "Pourquoi ne pas associer le locataire ? s'interroge Sébastien de Lafond, président de MeilleursTaux.com. On risque de déresponsabiliser les locataires et de faire fuir certains investisseurs."
• Sur l'information du locataire. C'est un petit détail, mais qui devrait changer les habitudes de nombreux propriétaires. Dans le contrat de location, le loyer médian de référence ainsi que le loyer appliqué au locataire précédent devront être indiqués. Par ailleurs, une liste exhaustive des documents que le bailleur pourra exiger du locataire sera définie par décret, ainsi qu'un bail type et un modèle type d'état des lieux. Une standardisation qui vise à lisser les pratiques dans le secteur et à garantir, là encore, plus de sécurité pour le locataire.
En résumé, "la complexité extrême des nouveaux rapports locatifs, notamment concernant le mode de fixation des loyers, et la suppression de toute liberté contractuelle, provoqueront la disparition des investisseurs dans le secteur locatif privé", juge l’Union nationale de la propriété immobilière (UNPI). Cette fédération n'hésite pas à qualifier la garantie des risques locatifs de "véritable bombe sur le plan financier".
Non, car il y a des raisons de garder le moral
• Un meilleur encadrement des syndics. Afin de mieux protéger les copropriétaires contre les abus tarifaires des syndics, l’Alur entend limiter les services qui entrent dans le cadre d’une tarification supplémentaire. Les syndics devront créer des comptes bancaires distincts pour chaque copropriété afin de garantir une réelle transparence de la gestion des fonds. "C'est une mesure de bon sens, une très bonne nouvelle, commente Sébastien de Lafond, de MeilleursAgents.com. Il faudrait néanmoins une réforme plus profonde du métier de syndic, de plus en plus ingrat et stigmatisé."
• Des taux historiquement bas. Le législateur ne prévoyant pas de modifier les taux d'intérêts, la conjoncture reste favorable pour les primo-accédants. Les taux d'intérêt des crédits immobiliers accordés aux particuliers par les banques françaises ont atteint un nouveau plus bas historique en avril, à 3%, selon une étude de l'Observatoire crédit logement-CSA. "Du jamais vu depuis 1945", précise Christian Tutin, professeur d'économie à l'université de Paris Est-Créteil. "Ce serait une catastrophe pour les finances publiques que les taux d'intérêts remontent, poursuit cet enseignant. On peut s'attendre à ce qu'ils restent très bas pendant encore un certain temps." Et qui dit taux d'intérêts bas, dit possibilités d'emprunt accrues.
• Une réduction fiscale pour les acheteurs qui veulent louer. Depuis le 1er janvier, la loi Scellier a été remplacée par un texte similaire, à la fois avantageux et contraignant. Comme son prédécesseur, ce dispositif fiscal est destiné aux investisseurs qui achètent des logements neufs pour les louer. Le taux de réduction d'impôt est de 18% pour une durée de neuf ans. S'il peine encore à trouver son public, selon les professionnels du secteur, il reste très attractif sur le plan financier. "En réalité, il s'agit d'un super-Scellier", raille Eddie Jacquemart, de la Confédération nationale du logement. Il déplore que la ministre du Logement ait fait ce "cadeau fiscal aux propriétaires privés, alors que l'argent aurait pu être alloué à d'autres chantiers".
• Un abattement exceptionnel sur les plus-values immobilières. Enfin, il y a deux semaines, François Hollande a annoncé la mise en place d'un abattement exceptionnel pour 2014 sur les plus-values de cessions immobilières (qui ne concerne pas la vente de la résidence principale, non fiscalisée, mais d'autres types de cessions, notamment la vente d'une résidence secondaire). Le chef de l'Etat souhaite ainsi redonner de la fluidité au marché du logement. "On n'aura plus besoin d'attendre trente ans pour être exonéré d'impôt" lors d'une cession immobilière, rassure-t-il. "On va ramener ça à vingt-deux ans." Le chef de l'Etat indique que cette mesure sera inscrite dans la prochaine loi de finances. "Et si le gouvernement informe correctement le Parlement, on pourra même avoir une application dès le 1er septembre 2014."
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