Loi Macron : après le 49.3, Valls et Hollande ont-ils encore les moyens de gouverner ?
Le passage en force du Premier ministre sur le texte pour la croissance et l'activité pourrait avoir de lourdes conséquences sur le déroulé du calendrier parlementaire. Analyse.
"Je n'allais pas jouer le sort de la loi Macron à la roulette !" Voilà comment François Hollande justifie, selon Le Parisien, le passage en force de l'exécutif sur le texte, mardi 17 février. Pour la première fois depuis l'élection du socialiste à la tête du pays, le Premier ministre a eu recours à l'article 49.3 de la Constitution, craignant l'absence de majorité pour voter la loi à l'Assemblée nationale. La majorité présidentielle signifie-t-elle encore quelque chose ? L'exécutif pourra-t-il éviter la paralysie pour les mois à venir ?
Non, la majorité est plus que jamais divisée
Manuel Valls et Emmanuel Macron ont beau avoir cédé sur certains points de la loi, cela n'a pas empêché les députés dits "frondeurs" de faire entendre leur voix. "En l'absence d'une majorité alternative, on est bien face à un risque de paralysie", juge Gérard Grunberg, chercheur au CNRS. Pour le politologue, le Premier ministre est au cœur de la bataille. "Une partie des socialistes, petite mais pas négligeable, donne la priorité au fait de voir Manuel Valls échouer, voire de l'expulser du gouvernement. Ils ont pris un énorme risque, à un mois des élections départementales !"
Les responsables du blocage ont en tête le Congrès du Parti socialiste, en juin. "Le conflit est vraiment fort au sein du PS, et le restera jusqu'au Congrès, poursuit Gérard Grunberg. La bataille sera encore plus aiguisée après ce qui vient de se passer, à moins que les frondeurs abandonnent leur combat. Mais je n'y crois pas."
Non, ce recours au 49.3 est un aveu de faiblesse
Le recours à l'article 49.3 n'a rien d'exceptionnel pour la Ve République, même pour un gouvernement de gauche. Michel Rocard l'avait employé treize fois, par exemple, lorsqu'il était Premier ministre, entre 1988 et 1991. Mais la configuration actuelle est inédite, puisque le gouvernement y a eu recours contre sa propre majorité. "On constate un jeu de duplicité chez une partie de la majorité, qui a accepté de faire le travail de fond en session et à la dernière minute semble avoir décidé de mettre en difficulté le gouvernement", avance Martial Foucault, directeur du Cevipof, le Centre de recherches politiques de Science Po, auprès de francetv info.
Que François Hollande échoue à rassembler une majorité sur un thème qu'il défend fermement depuis fin 2013 est "un aveu de faiblesse", selon Gérard Grunberg, qui nuance toutefois : "Ce n'est pas une rupture, c'est la même bataille qui continue avec une partie de la gauche."
Non, le gouvernement a usé sa dernière cartouche
Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, l'article 49.3 ne peut être utilisé qu'une fois par session parlementaire. "La prochaine menace d'opposition qui pourrait prendre la forme d'un vote contre un texte va immédiatement impliquer la chute du gouvernement, indique Martial Foucault. L'art du compromis va devenir la feuille de route de Manuel Valls."
Oui, la majorité va tenir jusqu'aux départementales
Malgré le recours au 49.3, les frondeurs ne s'associeront pas à la motion de censure contre le gouvernement. "Evidemment que nous ne la voterons pas, nous sommes des députés socialistes", a précisé le socialiste Christian Paul, député de la Nièvre et tête de pont des frondeurs. Il leur sera difficile, cependant, de justifier leur soutien à un exécutif qu'ils ont délibérément affaibli. "Les parlementaires frondeurs ont vraiment instrumentalisé la loi Macron. On peut imaginer une forme de fatigue de la part des électeurs autour de ces tensions", anticipe Martial Foucault. D'autant que, dans les sondages, une majorité des Français s'était prononcée pour le vote de la loi.
Les résultats des départementales, en mars, seront l'occasion pour l'exécutif d'évaluer les retombées électorales de la crise qu'il traverse. Aucun remaniement n'aura lieu avant cette échéance. Et après ? Emmanuel Macron "n'a pas commis de faute, il s'est montré engagé, impliqué", selon Martial Foucault. L'évincer du gouvernement serait "un nouvel aveu de faiblesse" de Manuel Valls et de la ligne politique du gouvernement.
Oui, il reste une majorité sur la plupart des textes
Après avoir chahuté le gouvernement sur certains textes, notamment budgétaires, les frondeurs ont focalisé leurs critiques sur la loi Macron, jugée trop libérale à leurs yeux. Mais tous les textes ne sont pas dans leur collimateur. "Ils sont prêts à suivre le gouvernement sur un certain nombre de projets de loi, analyse Martial Foucault. Le gouvernement dispose toujours d'une majorité absolue. De nouveaux blocages risquent en revanche de surgir sur des lois sociales, comme celles défendues par Marisol Touraine, voire environnementales."
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