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Parité euro-dollar : on vous explique pourquoi la monnaie européenne a chuté face au billet vert

La monnaie européenne a touché mardi la parité avec le dollar pour la première fois depuis 20 ans.

Article rédigé par franceinfo - Thomas Destelle
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Photo d'illustration de billet de un dollar et une pièce euro. (FRANK HOERMANN/SVEN SIMON / SVEN SIMON)

Un euro égale un dollar, la situation n'était pas réapparue depuis l'année de sa mise en circulation. La devise unique a brièvement touché la parité exacte, mardi 12 juillet, avec la monnaie américaine avant de remonter légèrement. Certains analystes s'attendent même à ce que l'euro passe sous la valeur d'un dollar dans les jours qui viennent, ce qui n'a plus été vu depuis décembre 2002. Pourquoi l'euro a brutalement chuté ces dernières semaines ? Quelles vont être les conséquences pour les entreprises et le pouvoir d'achat des ménages ? La situation va-t-elle durer ? Franceinfo répond à trois questions sur cette parité euro-dollar.

Pourquoi cette chute de l'euro face au dollar ?

L'euro est à son plus bas face au dollar depuis 20 ans car la conjoncture est, tout d'abord, peu reluisante pour le continent européen. La proximité de la zone euro avec la guerre en Ukraine inquiète les investisseurs. L'inflation en Europe a décollé avec la reprise de l'activité économique post-crise du Covid-19 et s'est accentuée avec l'invasion russe. Le taux d'inflation moyen de la zone euro a atteint 8,6% sur un an en juin, un record depuis le début de la publication de l'indicateur en 1997.

Cette inflation, qui dépasse par exemple les 20% dans les pays baltes, est liée principalement aux prix de l'énergie (électricité, pétrole, gaz...) qui s'envolent avec la guerre. La très forte dépendance des pays européens aux hydrocarbures russes alors que le Kremlin menace de couper son approvisionnement accentue la pression sur leur économie et les craintes de récession. Pour preuve, l’agence Standard and Poor’s place la croissance de l’économie en zone euro dans le secteur privé en juin au plus bas depuis 16 mois.

Et alors que l'euro est à la peine ces dernières semaines, c'est le billet vert américain qui devient attirant pour les investisseurs. "Si on regarde depuis le début de l'année, ce n'est pas tant l'euro qui est faible que le dollar qui est fort, traditionnellement parce que le dollar est une valeur refuge quand il y a des conflits internationaux. La preuve de ça, c'est que l'euro a plutôt monté contre d'autres devises comme le Yen japonais ou la livre britannique", explique François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, sur franceinfo mercredi. La remontée des taux directeurs par la Réserve fédérale des États-Unis (FED), a notamment stimulé le dollar. Une politique que la BCE doit elle aussi mettre en place mais seulement à partir de la mi-juillet, rappelle le journal Les Echos.

Quelles vont être les conséquences de cette parité ?

La principale conséquence, et la plus directe, est que cette chute de l'euro par rapport au dollar alimente l'inflation en particulier sur les prix des hydrocarbures. "C'est plutôt une mauvaise nouvelle car cela va nourrir l'inflation, explique sur franceinfo Jean-Paul Pollin, membre du Cercle des économistes. Par exemple, le prix du pétrole est fixé en dollar et si la monnaie européenne baisse par rapport à la monnaie américaine, cela veut dire que le prix en euros va être plus élevé." Si l'euro ne remonte pas rapidement, les prix à la pompe risquent donc de remonter. Un poids supplémentaire sur le portefeuille des ménages alors qu'ils viennent de passer sous les 2 euros le litre récemment en France.

De nombreuses entreprises françaises et européennes, notamment celle qui sont faiblement exportatrices, regardent aussi d'un mauvais œil cette dépréciation de l'euro. D'abord car elles aussi consomment des hydrocarbures et vont voir leur facture énergétique augmenter. Ensuite, quand ces entreprises vont importer, leur factures va s'alourdir. Les produits venant des États-Unis vont être plus chers, tout comme ceux venant d'autres parties du monde. Par exemple, de nombreux flux entre l'Asie et l'Europe sont libellés en dollar.

À contrario, cette baisse de l'euro "est plutôt une bonne nouvelle au niveau de l'activité car c'est un soutien aux exportateurs", souligne François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. Les entreprises vont pouvoir vendre moins cher leurs produits aux États-Unis ou dans d'autres parties du globe comme le Moyen-Orient ou l'Asie. Les secteurs du luxe, de l'agroalimentaire notamment le secteur du vin, l'aéronautique et le tourisme vont profiter de cet euro plus faible face au dollar. Ces secteurs "peuvent gagner des parts de marché, Mais les effets négatifs du dollar fort peuvent peser lourd malgré tout pour ces entreprises qui ne seront pas forcément si gagnantes que cela", explique Mathieu Plane, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) au journal Le Parisen (article réservé aux abonnés).

Cette parité va-t-elle durer ?

Impossible de déterminer l'avenir des taux de change avec certitude. Mais on peut se demander si les institutions monétaires vont agir face à cette chute de l'euro ? Pour l'instant, elles surveillent de près l'évolution sur le marché des changes explique le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau : "Ce n'est pas nous, les banques centrales, qui fixons le taux de change (…) mais nous suivons la situation parce que ça compte sur l'inflation." La politique monétaire mis en place par la Banque centrale européenne sera déterminante à l'image de ce que la Réserve fédérale américaine a mis en place.

Une série de hausse de ses taux directeurs a été annoncée par la BCE en juin. La fin d'une politique de taux faible historique, qui devrait déjà avoir un impact selon les spécialistes sur les taux de change. Mais l'institution financière européenne pourrait être prudente par la suite. "On a vu ces derniers temps que la Banque d'Angleterre ou encore la Banque du Canada ont relevé fortement et assez vite leurs taux d'intérêt, explique l'économiste Jean-Paul Pollin. On voit que la Banque centrale européenne hésite parce que cela peut mettre l'économie en récession mais surtout parce que la zone euro est hétérogène." Quand la BCE monte ses taux d'intérêt, elle désavantage les pays qui sont en difficulté alourdissant le poids de leur dette publique. "Si elle veut éviter une nouvelle crise des dettes souveraines comme en 2011, elle doit faire attention et ne peut pas lutter contre l'inflation comme peut être, elle aimerait le faire", décrypte Jean-Paul Pollin. Des marges de manœuvre réduites de la Banque centrale européenne qui pourraient à l'avenir accentuer les différences par rapport au billet vert.

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