Abrogation de la réforme des retraites : pourquoi la proposition de loi du RN a du plomb dans l'aile avant même son examen dans l'hémicycle
Le Rassemblement national comptait sur cette journée pour faire voter l'abrogation de la réforme des retraites. Mais sa proposition de loi, discutée jeudi 31 octobre dans l'hémicycle, semble vouée à l'échec, avant même le début de son examen. Le groupe de Marine Le Pen avait coché cette date depuis plusieurs semaines, souhaitant profiter de sa "niche parlementaire" pour faire adopter son texte. Mais rien ne s'est passé comme prévu : les amendements du RN visant à ramener l'âge de départ à 62 ans et la durée de cotisation à 42 ans ont été jugés irrecevables par la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, mercredi, a appris franceinfo auprès de son entourage.
Ces mesures phares figuraient dans la proposition de loi portée par le député RN Thomas Ménagé. Mais les deux articles en question avaient été rejetés la semaine dernière en commission des affaires sociales par la droite et les macronistes, ainsi que trois élus de gauche. Le communiste Yannick Monnet avait en revanche voté pour, tout en reconnaissant des divisions dans son groupe.
Si le texte avait été totalement rejeté en commission, le RN aurait pu exploiter sa niche parlementaire de jeudi pour le proposer de nouveau, dans sa version initiale et intégrale. Plusieurs élus (macronistes, gauche, droite) présents ce jour-là ont donc imaginé une parade. Ils ont fait adopter plusieurs amendements opportuns, sous prétexte de réclamer une série de rapports sur le paritarisme ou la diversification des ressources. La proposition de loi a ainsi été adoptée en commission. C'est donc privée de ses deux articles initiaux et vidée de sa substance qu'elle va être examinée dans l'hémicycle jeudi.
Une coquille vide
Pour obtenir un vote sur l'âge de la retraite et la durée de cotisation, le RN était, par conséquent, contraint de déposer des amendements rétablissant ces deux demandes. Mais ces textes, envoyés et examinés en amont, ont été rejetés par la présidente de l'Assemblée nationale. Celle-ci s'est appuyée sur l'article 40 de la Constitution, qui interdit aux parlementaires de proposer des mesures ayant pour conséquence "la création ou l'aggravation d'une charge publique". Ce n'est pas la première fois qu'une telle décision est prise sur le dossier des retraites : en juin 2023, le groupe Liot avait déposé des amendements pour rétablir sa proposition initiale d'abrogation, mais ceux-ci avaient été écartés pour le même motif.
Pour autant, le RN a choisi de maintenir sa proposition de loi, même devenue une coquille vide. "Les gens ne comprendraient pas qu'on l'abandonne. On ne retire pas le texte, et même s'il faut débattre six heures, on prendra six heures", confie Thomas Ménagé à franceinfo, remonté contre les voix manquantes de la gauche lors de l'examen en commission. "A un moment, on doit montrer leur duplicité, l'alliance du parti unique", poursuit-il, bien décidé à exploiter politiquement ce qu'il interprète comme un reniement. "La gauche, avec le soutien des macronistes, a sciemment saboté cette proposition de loi", a estimé sur BFMTV Jean-Philippe Tanguy, président délégué des députés RN, ironisant sur la "petite politique" de ses adversaires.
La gauche mise sur son propre texte
Le passage en commission, le 23 octobre, a en effet de nouveau illustré les réticences de la gauche à voter un texte aux côtés du RN, alors que le Nouveau Front populaire avait fait campagne sur l'abrogation de la réforme des retraites. La gauche, qui entend livrer sa propre bataille, a soumis mardi des amendements sur le budget de la Sécurité sociale, visant à financer le coût d'un éventuel retour à 62 ans avec une surcotisation des hauts revenus. Mais cette mesure a été rejetée, y compris par le RN, lequel considérait que les amendements du NFP n'abrogeaient pas la réforme mais "augment[aient] juste les cotisations". "Rendez-vous jeudi", ont lancé les élus RN Thomas Ménagé et Laure Lavalette.
Comment interpréter ces votes divergents sur des objectifs communs ? "Nous n’avons jamais fait preuve d’hypocrisie, s'est défendu le président délégué des députés RN, Jean-Philippe Tanguy. L’hypocrisie, c’est de faire croire qu’en taxant quelques hauts salaires, nous allons réussir à financer les retraites."
Les députés LFI, de leur côté, ont déjà les yeux tournés vers le 28 novembre : cette journée, qui leur est réservée pour présenter des textes, doit être consacrée à leur propre proposition de loi abrogeant la réforme des retraites.
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