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Amendements en pagaille, menace du 49.3, motion de censure... La bataille parlementaire de la réforme des retraites en quatre étapes

Article par article, l'examen du projet qui doit mener à "un système universel à points" démarre ce lundi 3 février en commission, à l'Assemblée nationale. Plus de 22 000 amendements ont été déposés.

Article rédigé par franceinfo
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Le Premier ministre, Edouard Philippe, s'exprime pendant une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, le 14 janvier 2020. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Bataille parlementaire en perspective. Quelque 22 000 amendements ont été déposés sur la réforme des retraites, dont 19 000 par le groupe de La France insoumise. Et la bataille parlementaire s'annonce rude contre ce projet qui doit transformer l'actuel régime de retraite en un "système universel à points".

Composé en réalité de deux projets de loi, l'un organique, l'autre ordinaire, comprenant 64 articles, le texte devra franchir un véritable parcours du combattant, sous un déluge d'amendements. Il reste toujours la possibilité, pour l'exécutif, de recourir à l'article 49.3 pour le faire adopter d'un bloc, sans vote ni débat. Voici les quatre grandes étapes de la bataille parlementaire qui s'annonce.

1 Début février : la commission spéciale de
71 députés face aux 22 000 amendements

Première étape : l'examen du texte par une commission spéciale créée pour l'occasion. Composée de 71 députés (38 LREM, 13 LR, 6 MoDem, 4 socialistes, 3 UDI-Agir et Indépendants, 2 Libertés et Territoires, 2 LFI, 2 communistes et un RN), cette commission est présidée par la députée LREM Brigitte Bourguignon. Cette instance examinera chaque article, à partir du lundi 3 février, mais elle aura fort à faire avec les 22 000 amendements déposés.

A eux seuls, les députés de La France insoumise, qui assument de faire "obstruction", en ont déposé 19 000. Ils proposent ainsi la suppression de chaque alinéa de la réforme, avec un exposé des motifs souvent similaire : "Comme la majorité des Français·es, nous nous opposons totalement à l'ensemble de ce projet de loi." Autre exemple : dans l'amendement 20542, des députés communistes proposent de remplacer le mot "universel" par le mot "inéquitable" dans "l'intitulé du titre 1er" .

Amendement numéro 20542 : des députés communistes veulent substituer au mot "universel" le mot "inéquitable" dans l'intitulé du titre 1er du projet sur les retraites.  (ASSEMBLEE NATIONALE)

Les habituelles discussions de fond entre spécialistes en commission risquent donc de céder la place à une "guérilla" parlementaire" pour "transformer l'Assemblée nationale en ZAD", comme l'a dénoncé sur franceinfo le député LREM Olivier Véran. Comme les moyens d'accélérer les échanges sont limités, il n'est pas sûr que la commission puisse aller jusqu'au bout de l'examen des articles. 

2Mi-février : l'Assemblée nationale, où l'opposition va multiplier les amendements

Deuxième étape : à partir du 17 février, le texte sera examiné à l'Assemblée nationale en procédure accélérée. Pendant deux semaines, les oppositions devraient y démultiplier les amendements et recourir à toutes les astuces procédurales. Elles devraient aussi se nourrir largement du sévère avis rendu par le Conseil d'Etat, vendredi 24 janvier. La juridiction administrative avait pointé  "les projections financières lacunaires" de l'étude d'impact accompagnant le projet de loi et avait également critiqué le choix de recourir à 29 ordonnances, ce qui "fait perdre la visibilité d'ensemble'.

Reprenant les mêmes arguments, les différentes oppositions critiquent ce texte "à trous" qui montre un "mépris" du Parlement. "Nous voulons un texte complet, sans ordonnances", explique au Monde le député (LR) du Pas-de-Calais Pierre-Henri Dumont. Les trois groupes de gauche – PS, PCF et LFI – sont prêts à dégainer tous les outils, dont une motion de censure commune contre le gouvernement.

In fine, le gouvernement peut toujours recourir à l'article 49.3, qui permet l'adoption sans vote ni débat. En principe, le vote de la loi en première lecture est prévu le 3 mars, "l’Assemblée nationale se mettant en pause le 6 mars, à une semaine des élections municipales", rappelle Le Monde. 

3Jusqu'en avril : la conférence de financement qui pourrait modifier le texte

Le groupe Les Républicains se fait l'écho d'une autre critique : l'Assemblée devra voter le texte sans savoir de quelle façon le budget sera équilibré en 2027. En effet, cette partie du texte est remise à plus tard. Les éventuelles solutions de remise à l'équilibre sont examinées de février à avril par la conférence de financement réunissant les partenaires sociaux, comme l'avait demandé la CFDT.

Mais il appartiendra ensuite au gouvernement, selon l'article 57 du projet, de "prendre les mesures permettant d’assurer cet équilibre sans baisse des pensions ni hausse du coût du travail, au regard des propositions de cette conférence qui pourront être ainsi transcrites dans la loi". L'exécutif transcrirait alors ses propositions sous forme d'amendements avant la seconde lecture du projet de loi.

4En avril : le Sénat, qui s'oppose déjà à toute procédure accélérée

En bout de course, le texte n'arrivera au Sénat qu’après les élections municipales de mars. Mais le président du Sénat, Gérard Larcher (LR), a tenu déjà à faire entendre sa voix. Il demande notamment la levée de la procédure accélérée sur ce texte, comme cela a été voté cette semaine en conférence des présidents de la chambre haute. "Je tends la main au gouvernement pour qu'il se redonne du temps : il peut à tout moment lever la procédure accélérée", argumentait dans Le JDD le président du Sénat. 

Ce n'est pas à l'ordre du jour : mercredi 29 janvier, Edouard Philippe a assumé, devant le Sénat, le recours à une procédure accélérée, "qui a toujours été retenue s'agissant des réformes des retraites", car "à un moment, il faut adopter la loi". Et il a rappelé que l'objectif du gouvernement était toujours "une adoption du texte avant l'interruption estivale".

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