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Après le "match" de la réforme des retraites, quels sont les prochains combats des syndicats ?

Au lendemain de la 14e journée de mobilisation, l'intersyndicale entend disputer jusqu'au bout sa partie contre le gouvernement, tout en préparant quelques balles neuves sur la question des salaires ou du travail.
Article rédigé par franceinfo
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Laurent Berger (CFDT) et Sophie Binet (CGT) tiennent la banderole du cortège contre la réforme des retraites, le 6 juin 2023, à Paris. (JACQUES WITT / SIPA)

Jeu, set et match pour le gouvernement ? Pas si sûr. Après que le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a estimé que "le match" contre la réforme des retraites était "en train de se terminer", la patronne de la CGT, Sophie Binet, l'a renvoyé en fond de court, mercredi 7 juin, sur franceinfo. "Non", lui a-t-elle répondu. "En ce qui concerne l'intersyndicale, nous allons nous réunir la semaine prochaine et nous allons débattre ensemble des suites", a-t-elle souligné, évoquant l'entrée dans "une nouvelle phase". Les syndicats réfléchissent déjà à d'autres formes de combat contre la loi et s'organisent pour obtenir des "avancées concrètes" sur d'autres terrains. Voici comment ils entendent désormais monter au filet.

Des recours contre les décrets de la réforme des retraites

En dépit de la promulgation de la loi dès la mi-avril, les syndicats entendent contester le texte sur le front juridique. Les deux premiers décrets d'application parus dimanche sont "mal écrits" et "pas cohérents", a estimé le président de la CFE-CGC, François Hommeril, lundi, sur France Inter. "Nous ferons tout ce qu'il faut" pour que la loi "ne s'applique pas", a-t-il assuré, promettant que la contestation "ne sera jamais finie". Son homologue de Force ouvrière, Frédéric Souillot, prévoit ainsi d'"attaquer" devant le Conseil d'Etat ou les tribunaux les "31 décrets [qui] doivent sortir", comme il l'a déclaré, mardi, sur France 2.

"C'est totalement irresponsable de prétendre appliquer la loi au 1er septembre, puisque 29 décrets ne sont pas encore parus", a jugé Sophie Binet, dimanche, sur BFMTV. "Nous regarderons les 31 décrets et, dès qu'il y a une faille juridique qu'on identifiera, on les attaquera", a confirmé la secrétaire générale de la CGT. En attendant, l'intersyndicale garde l'espoir d'un abandon ou d'une abrogation de la réforme sur le terrain politique, malgré la détermination de la majorité à empêcher une telle issue

De "vraies" négociations pour des "avancées sociales"

Dans la manifestation parisienne, mardi, Laurent Berger a appelé à "relever les défis qui sont devant nous", en citant notamment "le pouvoir d'achat, les salaires, le logement, les conditions de travail". La CFDT n'est pas seule à préparer les prochains matchs. Dès le 30 mai, l'intersyndicale a élargi son appel à manifester au-delà de la seule question des retraites, dans un communiqué commun intitulé "6 juin : gagnons le retrait de la réforme et obtenons des avancées sociales". Elle y listait un certain nombre de demandes : augmentation des minima sociaux, des pensions et des salaires dans le public et le privé, amélioration de l'égalité femmes-hommes, renforcement de l'accompagnement des seniors, réintroduction de certains critères de pénibilité, etc.

"Nous voulons de vraies négociations", a prévenu Sophie Binet, mardi, en tête de cortège, réclamant aussi une révision des "ordonnances Macron" de 2017 sur le Code du travail. L'objectif est à présent de "gagner des avancées concrètes", a-t-elle ajouté. Le premier chantier qui attend les syndicats pourrait être celui de l'emploi des seniors, sur lequel le patronat s'est dit prêt à négocier, contrairement au sujet des salaires ou des ordonnances travail. Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, espère un accord sur l'emploi des seniors "d'ici la fin de l'année".

L'intersyndicale entend également contrer certains projets du gouvernement, à commencer par le renforcement des sanctions pour les allocataires du revenu de solidarité active (RSA) qui ne respecteraient pas leurs obligations. Dans son communiqué, elle a déjà exprimé son "opposition à toute atteinte au principe de solidarité nationale avec la réforme du RSA". La conditionnalité du versement de cette aide "est une ligne rouge", a même prévenu la future secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, vendredi, dans L'Humanité.

Un travail de préservation de l'intersyndicale unie

Au-delà du fond, les syndicats entendent rester sur leur lancée collective. "On a montré que notre force est notre capacité à avoir des revendications communes sur des sujets variés", a souligné, mardi, la codéléguée générale de Solidaires, Murielle Guilbert, dans Le Monde. "La dynamique enclenchée depuis janvier facilite les travaux de l'intersyndicale pour la suite", selon elle. L'heure est donc à la consolidation des liens, souhaitée par tous, sans nier pour autant les revendications spécifiques. Après avoir annoncé qu'elle ferait des propositions communes, l'intersyndicale s'apprête à mettre sur pied de premiers groupes de travail sur les ordonnances travail et l'assurance chômage, selon la CGT.

Sur le front des retraites, les leaders syndicaux prévoient "un échange en visio" le 13 juin pour tirer les enseignements de la mobilisation de mardi et envisager la suite du mouvement. Le gouvernement, lui, a planifié la tenue, mi-juin, d'une réunion multilatérale avec syndicats et patronat. L'hypothèse d'une rencontre à l'Elysée divise les dirigeants syndicaux. "Il faut y aller, car c'est un bon moment pour négocier sur d'autres sujets", estime Cyril Chabanier, de la CFTC. FO a déjà fait savoir qu'elle "n'ira[it] pas" et la CFE-CGC n'a "pas envie d'aller à une opération de communication du président de la République". Le rendez-vous prend déjà des airs de test de solidité pour l'intersyndicale.

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