Cet article date de plus d'un an.

Réforme des retraites : après la validation du texte par le Conseil constitutionnel, comment l'exécutif peut-il envisager la suite ?

Article rédigé par Lola Scandella - avec Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La Première ministre Elisabeth Borne, à Paris, le 13 avril 2023. (ALAIN JOCARD / AFP)
Maintenant que le projet du gouvernement a été promulgué, Elisabeth Borne assure vouloir désormais "améliorer les conditions de travail". Emmanuel Macron, lui, va devoir "réchauffer ses relations" avec les Français.

Soupir de soulagement au sein du gouvernement ? Le Conseil constitutionnel a validé en grande partie, vendredi 14 avril, la très contestée réforme des retraites. Si les Sages ont retoqué six mesures contenues dans le texte, dont le CDI senior et l'index senior, considérés comme des "cavaliers sociaux", le report de l'âge de départ à 64 ans n'a pas été jugé inconstitutionnel.

>> Réforme des retraites : ce qu'il faut retenir des décisions du Conseil constitutionnel

Le président de la République a promulgué la loi au Journal officiel dans la nuit de vendredi 14 à samedi 15 avril. Il ne s'est donc pas saisi, comme le demandait la Nupes, de l'article de 10 de la Constitution pour renvoyer le texte devant le Parlement pour une nouvelle délibération. "Depuis 2017, le président promulgue systématiquement toutes les lois le lendemain ou le surlendemain", a rappelé l'entourage d'Emmanuel Macron à franceinfo.

>> Suivez en direct les dernières informations sur la réforme des retraites

La majorité veut passer à autre chose

Si l'exécutif a échappé au camouflet d'une censure totale de sa réforme, l'heure n'est pas pour autant aux cris de joie. "Le texte arrive à la fin de son processus démocratique. Ce soir, il n'y a ni vainqueur, ni vaincu", a sobrement réagi Elisabeth Borne sur Twitter. Le chef de l'Etat, lui, est resté muet. Si la majorité présidentielle fait profil bas, c'est que la réforme est sortie du Conseil constitutionnel dans une version qui correspond encore moins à ce que réclamaient les oppositions.

Parmi les mesures censurées par les Sages, plusieurs étaient considérées comme des concessions accordées au parti Les Républicains et à l'intersyndicale, à l'image de l'index senior ou du CDI senior. "Le Conseil constitutionnel a enlevé toutes les mesures dites 'sucrées', qui pouvait donner la vague illusion que le texte était équilibré", analyse Benjamin Morel, maître de conférences en droit public et docteur en science politique à l'université Paris-Panthéon-Assas.

Les mesures censurées par les Sages pourraient-elles trouver place ailleurs, dans le futur projet de loi sur le travail que prépare le gouvernement ? "C'est assez probable", estime le député macroniste Marc Ferracci, qui fait valoir qu'un texte sur le travail serait "un véhicule légitime" pour y introduire des dispositions concernant l'emploi des seniors. Dépasser la question des retraites, c'est à présent l'objectif affiché de l'exécutif : "Au boulot maintenant. Pour passer à une autre séquence et incarner autre chose", s'exclamait, juste après la décision, un conseiller ministériel.

"J'espère que [la décision du Conseil constitutionnel] va clore la séquence des retraites. Nous avons à présent l'opportunité de présenter une nouvelle loi sur le travail solide en reprenant les dispositions censurées et en tendant la main aux syndicats."

Un cadre du parti Renaissance

à franceinfo

Une volonté dont a fait part formellement l'exécutif dans un communiqué envoyé par Matignon, peu après la décision des Sages. "La volonté du gouvernement est désormais de poursuivre la concertation avec les partenaires sociaux pour donner davantage de sens au travail, améliorer les conditions de travail et atteindre le plein-emploi", assurent les services de la Première ministre.

L'exécutif se retrouve isolé

Clore la séquence retraites, certes. Mais encore faut-il sortir de la crise politique et sociale enclenchée depuis douze semaines. "Le gouvernement se retrouve dans une situation où il est extrêmement clivant dans l'opinion et a perdu tout lien avec les partenaires sociaux", souligne Benjamin Morel. Les syndicats ont déjà annoncé qu'ils ne se rendraient pas à l'invitation d'Emmanuel Macron à l'Elysée. Par ailleurs, l'exécutif ne dispose toujours pas de majorité au Parlement.

"Le gouvernement peut tenter de proposer de nouvelles mesures, mais avec qui va-t-il se concerter ? Avec qui va-t-il les voter ? Il est dans une forme d'impuissance."

Benjamin Morel, docteur en sciences politiques

à franceinfo

"Les relations mettront du temps à se réchauffer", estime le député Renaissance Charles Sitzenstuhl. "Il faut qu'[Emmanuel Macron] fasse un '20 Heures' et une série de déplacements en province, qu'il parle à 'la France des territoires'", estime pour sa part un conseiller ministériel. "Parler d'école, de santé et d'écologie, c'est mieux de le faire au contact des gens", poursuit-il, en référence au "cap" dessiné en mars autour de trois axes : l'ordre républicain, le plein-emploi et la réindustrialisation, et les progrès au quotidien autour de l'éducation, la santé et l'écologie. 

Reste une dernière inconnue, liée à la seconde demande de référendum d'initiative partagée (RIP), déposée le 13 avril par les sénateurs de gauche. La première, qui émanait aussi de la gauche, a été retoquée par le Conseil constitutionnel. L'institution de la rue Montpensier doit se prononcer le 3 mai sur cette deuxième version. "A partir de là, on pourra juger de la suite de la séquence", estime Jean-Charles Larsonneur. Pour le député du parti Horizons, "jusqu'à cette date au moins, il est logique que les forces sociales et syndicales opposées à la réforme ne lâchent pas un pouce de terrain".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.