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Réforme des retraites : on vous explique pourquoi des travailleurs aux carrières longues devront cotiser plus de 43 ans

La version finale du texte requiert une durée de cotisation de 43 annuités pour les travailleurs entrés tôt dans la vie active. Mais le départ à la retraite ne sera possible qu'à condition d'avoir également atteint un âge minimum.
Article rédigé par Alice Galopin
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
La Première ministre, Elisabeth Borne, déclenche l'article 49.3 de la Constitution sur la réforme des retraites à l'Assemblée nationale, le 16 mars 2023. (ALAIN JOCARD / AFP)

C'est l'une des mesures phares de la réforme des retraites : l'aménagement du dispositif "carrières longues", qui permet aux travailleurs entrés tôt dans la vie active de prendre leur retraite en avance. Le texte de compromis de la commission mixte paritaire (CMP), sur lequel le gouvernement a engagé sa responsabilité jeudi 16 mars devant les députés, fixe à 43 ans la durée de cotisation requise pour les personnes qui ont commencé à travailler avant 21 ans.

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A la sortie de la réunion de la CMP, plusieurs parlementaires se sont empressés de vanter ce dispositif. "Personne ne cotisera plus de 43 ans", a ainsi assuré sur franceinfo le sénateur Les Républicains, Stéphane Le Rudulier. "Tous ceux qui ont démarré avant 21 ans pourront partir à la retraite après 43 années de cotisation", a quant à lui insisté le député MoDem Philippe Vigier, sur le plateau de BFMTV. Pourtant, contrairement à ce qu'affirment ces élus, certains travailleurs en carrières longues seront mathématiquement contraints de travailler plus de 43 ans. 

Un départ conditionné à un seuil d'âge

Selon le dispositif actuel sur les carrières longues, la durée de cotisation requise peut s'étendre jusqu'à 45 ans. Dans la version initiale de son projet de réforme, le gouvernement l'avait réduite à 44 ans. L'article 8 du texte issu de la commission mixte paritaire prévoit finalement que la durée d'assurance demandée "ne peut être supérieure" à celle exigée dans le régime général, soit 43 ans d'ici à 2027.

Toutefois, la durée de cotisation n'est pas la seule condition pour bénéficier d'une retraite anticipée au titre d'une carrière longue. Les travailleurs concernés par ce mécanisme doivent également avoir atteint une borne d'âge de départ (actuellement fixée à 58 ou 60 ans) qui dépend de leur entrée sur le marché du travail (pour l'heure avant 16 ou avant 20 ans).

La version finale de la réforme remanie ces règles. Ceux qui ont commencé à travailler avant 16 ans pourront toujours partir à compter de 58 ans. Les actifs qui ont débuté avant 18 ans pourront, quant à eux, faire valoir leurs droits à partir 60 ans, et ceux qui ont débuté avant 20 ans pourront prendre leur retraite dès 62 ans. Les personnes qui ont commencé à travailler entre 20 et 21 ans pourront liquider leurs droits à compter de 63 ans, soit un an avant les actifs du régime général.  

Enfin, pour intégrer ce dispositif, les actifs devront également avoir cotisé quatre ou cinq trimestres avant 16, 18, 20 ou 21 ans. Leur nombre est déterminé en fonction du mois de naissance : cinq pour les personnes nées entre janvier et septembre, quatre pour celles nées entre octobre et décembre. 

Dès lors que ces critères sont cumulatifs, certains travailleurs devront donc mécaniquement cotiser plus longtemps s'ils n'ont pas atteint leur borne d'âge de départ après 43 années de cotisation, comme l'explique Michael Zemmour sur Twitter. L'économiste observe ainsi qu'il n'y a pas de "plafonnement à 43 ans pour les carrières longues".

Le rapporteur du texte au Sénat et élu Les Républicains, René-Paul Savary, l'a reconnu lors des travaux de la commission mixte paritaire"Il est (...) mathématique que, dès lors que l'on applique des bornes, certaines personnes travailleront quarante-trois ans et d’autres quarante-quatre", a-t-il détaillé. "Tout le monde ne commence pas sa vie professionnelle le même jour, ne fête pas son anniversaire le même jour, il y a des gens pour qui les durées [de cotisation] dépassent un tout petit peu", a également concédé le patron des députés LR, Olivier Marleix, après la réunion de la CMP. 

"Un tel dispositif ne permet jamais de faire coïncider précisément l’âge de départ et la durée de cotisation"

René-Paul Savary, rapporteur du texte au Sénat

Dans le rapport de la commission mixte paritaire sur la réforme des retraites

Prenons l'exemple d'une personne qui a commencé à travailler juste après son 18e anniversaire. Si elle suit une carrière linéaire, elle aura donc atteint les 43 années de cotisation requises à 61 ans. Mais elle devra attendre une année supplémentaire pour partir à la retraite, puisque la borne d'âge de départ est fixée à 62 ans pour les travailleurs qui ont cotisé quatre ou cinq trimestres avant leurs 20 ans. Au moment de son départ à la retraite, elle aura donc cotisé 44 ans, détaille sur Twitter Michael Zemmour.

Le mois de naissance peut également avoir une incidence sur la durée effectivement cotisée. Ainsi, un actif, né en mai, qui a cotisé cinq trimestres avant ses 18 ans, pourra partir à 60 ans. Au moment de liquider ses droits à la retraite, il aura cotisé 43 ans et un trimestre au cours de sa carrière. S'il était né en octobre, quatre trimestres cotisés avant ses 18 ans auraient été exigés. Cela ne changerait rien à son âge de départ, toujours fixé à 60 ans. Mais à cet âge, il n'aurait cotisé que 43 ans. 

Une mesure chiffrée à "300 millions" d'euros

Au final, combien de travailleurs en carrières longues seront effectivement concernés par ce mécanisme ? "Il y a environ deux tiers des gens qui n'auront que 43 ans à faire, au lieu de 44 ans", a avancé René-Paul Savary. De son côté, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, affirme sur Twitter que "dans 32% des situations de personnes ayant commencé entre 15 et 21 ans, la durée de cotisation est strictement supérieure à 43 ans". Au cours des travaux de la CMP, le député PS Arthur Delaporte a quant à lui ajouté que "8% de ceux qui pourraient bénéficier de ce dispositif travailleront au-delà de 44 ans".

Enfin, d'un point de vue politique, ce dispositif ne remplit donc pas toutes les exigences du député LR Aurélien Pradié, qui réclamait que tout actif ayant commencé à travailler avant 21 ans puisse automatiquement partir à la retraite après 43 ans de cotisation. "Il faut conserver l'effet borne lié à l'âge, sous peine d'entraîner un coût prohibitif", de "9 milliards d'euros", a défendu René-Paul Savary. Le "plancher" de 43 ans de cotisation retenu par la CMP est lui chiffré à "300 millions", selon le sénateur.

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