: Témoignages "Macron nous a provoqués" : à Paris, les manifestants contre la réforme des retraites fustigent l'attitude de l'exécutif
Jusqu'ici, ils n'avaient pas, ou peu, battu le pavé pour témoigner de leur opposition contre la réforme des retraites. Mais jeudi 23 mars, à Paris, lors de la neuvième journée de mobilisation, ils ont répondu présents. Pour plusieurs manifestants, l'utilisation de l'article 49.3, une semaine plus tôt, par la Première ministre Elisabeth Borne pour faire passer la réforme des retraites à l'Assemblée nationale, puis les propos d'Emmanuel Macron tenus mercredi 22 mars sur France 2 et TF1, ont été un déclencheur. Avec d'autres participants, plus habitués des manifestations, mais également "en colère" après les évènements de ces derniers jours, ils racontent à franceinfo pourquoi ils veulent désormais prendre part à une contestation qui ne s'essouffle pas.
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Olivia et Sacha, 16 ans : "Nous sommes contre depuis le début"
Une pancarte en carton affichant "jeunesse en colère" placée bien en évidence devant elles, Sacha et Olivia ont pris part au cortège pour la première fois à la mobilisation contre la réforme des retraites. "Nous sommes contre ce texte depuis le début, mais lors des précédentes journées d'action, nous avions cours, c'était un peu compliqué de nous libérer", expliquent ces deux lycéennes, venues de banlieue parisienne. Mais ce jeudi, elles ont "fait l'effort de venir", motivées par "la grosse manif' annoncée", afin d'exprimer leur opposition à l'utilisation du 49.3 par le gouvernement.
"Le gouvernement veut passer en force, c'est injuste. Les choses ne devraient pas se passer comme ça en démocratie."
Sacha, 16 ans, lycéenneà franceinfo
"Si le gouvernement n'écoute pas l'avis des citoyens, les manifestations vont continuer", estime sa camarade. Si la retraite ne les concerne "pas tout de suite", les deux lycéennes affirment vouloir "se battre pour les droits des autres" et ont une pensée "pour les travailleurs qui font des métiers pénibles, qui méritent mieux que de ne pas profiter de leur retraite en bonne santé".
Robin, 20 ans : "Je suis venu parce que Macron nous a provoqués"
"Si je compte toutes mes années d'apprentissage, je travaille depuis mes 16 ans", explique Robin, paysagiste "dans le privé". "C'est un métier pénible, décrit-il, on travaille sous le vent, la pluie, parfois la canicule..."
"J'ai 20 ans et j'ai déjà mal au dos. Alors à plus de 60 ans, je n'imagine même pas."
Robin, paysagisteà franceinfo
Lui aussi manifeste pour la première fois. Avant, il suivait les mobilisations sans y prendre part. "Le déclencheur, ça a été l'entretien de Macron", explique-t-il à propos de l'interview du président diffusée sur France 2 et TF1. "Ses paroles sont une provocation", fait-il valoir, fustigeant un chef de l'Etat "sourd" face à la contestation. "Alors aujourd'hui, j'ai décidé de venir manifester, parce qu'il nous a provoqués", poursuit le jeune homme. "Si je ne me bats pas maintenant pour ma retraite, je n'aurai pas le droit de me plaindre plus tard."
Marthe 17 ans, et Vladimir, 53 ans : "Ce passage en force pose un problème"
"Jusqu'ici, je n'avais jamais fait ça, mais là, je l'avoue, j'ai séché les cours pour venir manifester", sourit Marthe, 17 ans. Cette lycéenne est venue avec son père, Vladimir, réalisateur. Ce dernier est descendu dans la rue pour la première fois "la semaine dernière". "Père irresponsable", dit-il en riant, il soutient la démarche de sa fille.
"Pourquoi battons-nous le pavé ? Parce que les outils d'opposition institutionnels ne fonctionnent pas."
Vladimir, 53 ans, réalisateurà franceinfo
Sa fille Marthe approuve : "Ce passage en force, via le 49.3, pose un problème démocratique." "C'est une motivation de plus pour nous mobiliser", complète Vladimir, particulièrement "en colère" contre la comparaison faite par Emmanuel Macron entre une partie des manifestants et les partisans de Donald Trump qui ont pris d'assaut le Capitole aux Etats-Unis. "Nous comparer à ceux qui ont fait ça, c'est cela l'irresponsabilité", fustige-t-il, à l'encontre d'un président "cynique et méprisant". Il voudrait que le chef de l'Etat montre du respect pour "ce qui se dit, non pas par 'la foule', comme il l'a déclaré, mais par des personnes, des individus".
Josselin, 25 ans : "Le 49.3 m'a mis encore plus en colère"
"Personnellement, je n'ai pas écouté l'entretien d'Emmanuel Macron, mais le 49.3 m'a donné une raison de plus pour venir manifester", raconte Josselin. Jusque-là, ce professeur d'histoire n'était pas descendu dans la rue. C'est sa première manifestation "depuis le début de la mobilisation contre cette réforme", confie-t-il. "Mais je serai venu indépendamment du 49.3", précise le jeune professeur, expliquant ne pas avoir manifesté avant en raison de sa préparation à l'agrégation, qui lui a pris "beaucoup de temps" cette année. "Mais même si cela ne m'a pas vraiment surpris, comme c'est un outil institutionnel à disposition du gouvernement, qui l'a déjà utilisé à plusieurs reprises, le 49.3 m'a mis encore un peu plus en colère", souligne-t-il.
Laurent, 57 ans, et Virginie, 50 ans : "Le mouvement dépasse les retraites"
Rencontrés dans les premiers rangs du cortège, Laurent et Christine n'en sont pas à leur première journée de mobilisation. Cette neuvième manifestation est cependant "particulièrement importante pour eux".
"C'est le moment de ne pas lâcher pour obtenir le retrait de la réforme."
Laurent, 57 ans, ingénieurà franceinfo
Lui n'a "même pas voulu écouter Macron" tandis qu'elle a été "frappée" par "le discours de déni" du chef de l'Etat. "Ses paroles m'ont mise très en colère", explique cette enseignante, dénonçant "un vocabulaire méprisant, comme lorsqu'il a parlé de 'smicards'". "Là, le mouvement dépasse les retraites. Il y a une crise institutionnelle, un vrai enjeu de démocratie", juge-t-elle.
Christophe, 55 ans : "Emmanuel Macron va nous rassembler contre lui"
De l'entretien d'Emmanuel Macron, Christophe attendait "un message positif, d'avancée sociale". Il a été déçu. "Finalement, ce qu'il a dit, c'est 'je vous emmerde'", déplore ce délégué syndical de la CFDT.
"On a le sentiment d'être pris pour des imbéciles."
Christophe, 55 ans, délégué syndical à la CFDTà franceinfo
"Nous, à la CFDT, on est plutôt réformistes, poursuit-il, et nous voulons bien discuter des retraites, mais après le retrait de la réforme, sur de nouvelles bases." Pour lui, il n'est "pas entendable" qu'Emmanuel Macron "ne tienne pas compte des revendications" après "autant de manifestations qui se sont par ailleurs très bien déroulées". "Il fait une erreur, conclut le syndicaliste. Il ne va pas nous diviser, mais, au contraire, nous rassembler contre lui."
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