Pénurie de carburant : quels sont les leviers du gouvernement pour sortir de la crise ?
Le gouvernement a appelé, mardi, à la levée "sans délai" de la grève dans les dépôts de carburants en menaçant d'"intervenir" pour lever les "blocages".
"Le gouvernement ne peut laisser le pays être bloqué." La Première ministre, Elisabeth Borne, a tenu une réunion d'urgence, lundi 10 octobre, dans la soirée, sur les pénuries de carburant qui touchent près d'un tiers des stations-service françaises. "Chacun doit prendre ses responsabilités", a fait savoir Matignon à l'issue de cette rencontre de crise avec plusieurs ministres. "Le gouvernement prendra les siennes."
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"Le gouvernement appelle à ce que la totalité des blocages soient levés sans délai. Sans quoi, nous prendrons nos responsabilités, c'est-à-dire que nous pourrions être amenés à les lever", a insisté le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, mardi matin, sur RTL. Comment l'exécutif entend-il concrètement faciliter l'approvisionnement à la pompe ?
Puiser dans les stocks stratégiques
Depuis près d'un siècle, la loi française impose de disposer de stocks correspondant à trois mois de consommation, soit aujourd'hui 18 millions de tonnes de carburant et de pétrole. "Les stocks stratégiques sont débloqués depuis déjà une dizaine de jours, particulièrement dans les zones en tensions, dans les Hauts-de-France et en région parisienne", a souligné, lundi, le syndicat Mobilians, qui représente environ la moitié des stations-service du territoire.
Une telle mesure a forcément un effet différé, tempère Mobilians : "Il faut que ces stocks arrivent dans les dépôts et que, des dépôts, cela arrive dans les stations." Elisabeth Borne assure que "ces livraisons arrivent progressivement".
Pour accélérer l'approvisionnement des stations-service, le gouvernement a également "augmenté [ses] importations, notamment de carburant venant de Belgique, pour la région des Hauts-de-France" et "a assoupli un certain nombre de règles pour que les camions citernes puissent circuler le week-end et faire davantage d'heures", a rappelé, lundi, le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, sur France Inter.
Faire pression sur les grévistes et les pétroliers
Depuis vendredi, l'exécutif intensifie les appels à la "négociation" sociale, qui est "la solution qui doit être privilégiée", selon le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire. Trois jours après une première prise de parole sur le sujet, Emmanuel Macron a de nouveau appelé, lundi, les directions des groupes pétroliers et les syndicats à "la responsabilité", en soulignant qu'"il ne faut pas qu'on soit dans un pays où on considère que c'est au gouvernement de tout faire". Il a particulièrement braqué les projecteurs sur les grévistes, reconnaissant la "légitimité" des négociations salariales, mais critiquant l'arrêt des raffineries et des dépôts.
"Le blocage, ce n'est pas une façon de négocier."
Emmanuel Macron, président de la Républiquelors d'un déplacement en Mayenne
Avant lui, Elisabeth Borne a également pressé les grévistes de revenir à la table des discussions. "C'est dans la négociation (...) qu'on doit pouvoir trouver une solution, et non pas en bloquant le pays et les Français", a plaidé la Première ministre, lundi. "Esso a mis une proposition et j'espère que les syndicats vont s'en saisir. Chez Total, ils sont disposés aussi à avancer", a-t-elle estimé.
Du côté de Bercy, Gabriel Attal est allé jusqu'à interroger la pertinence du mouvement social, disant avoir "du mal à comprendre ce concept de grève préventive, alors même que des discussions sont annoncées et qu'une hausse de salaire est annoncée".
Réquisitionner des salariés
Signe du tournant de plus en plus sévère de l'exécutif à l'égard des salariés en grève, la question de la réquisition n'est plus taboue. "Si la CGT refuse catégoriquement d'engager cette discussion salariale, nous n'aurons pas d'autre moyen que de réquisitionner les moyens nécessaires pour libérer les dépôts et faire fonctionner les raffineries", a prévenu Bruno Le Maire, mardi.
"Le timing se chiffre plutôt en termes d'heures, à la limite de jours, que de semaines, parce que ça n'a que trop duré."
Bruno Le Maire, ministre de l'Economiesur franceinfo
Réclamée par une partie du patronat, qui appelle à "faire preuve d'un peu d'autorité", la réquisition peut être décidée par les préfets, au nom de "la continuité du service public" notamment. Des salariés seraient alors désignés pour retourner au travail, éventuellement en faisant appel aux forces de l'ordre. Mais cette possibilité est réservée à des cas d'urgence pour faire fonctionner des services essentiels. "En revanche, venir invoquer le droit de chaque Français à pouvoir approvisionner son véhicule personnel, là, on serait dans une entrave excessive au droit de grève", souligne l'avocate Marlène Elmassian, spécialiste du droit du travail, à France 2.
Le gouvernement reste prudent à propos de cette piste. De précédentes réquisitions ont "été d'une efficacité limitée", a tempéré Gabriel Attal, lundi, "puisque derrière, il y avait eu des arrêts maladie qui avaient été mis en place". Mardi, la CGT a prévenu qu'une réquisition serait considérée comme une déclaration de "guerre", avec "une extension rapide [de la grève] sur les autres secteurs économiques". D'où la prudence du porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, dimanche : "Nous ne souhaitons pas prendre des décisions qui pourraient, à l'inverse de ce que nous souhaitons, aggraver la situation, mais nous appelons à la responsabilité de chacun."
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