Du rythme, des tubes... et des fausses notes : dans un meeting politique, la musique n'a rien d'anecdotique
En politique, les chansons utilisées par les candidats sont sélectionnées avec soin par leurs équipes de campagne... avec parfois quelques erreurs.
De meetings en réunions publiques, voilà plusieurs mois que les images des candidats déclarés à l'élection présidentielle de 2017 tournent en boucle sur nos écrans. Rien n'est laissé au hasard par leurs équipes de campagne. Et si vous tendez l'oreille, vous vous apercevrez rapidement que le choix de la musique n'a lui non plus rien d'anecdotique.
La chanson qui donne la pêche
Destinés à chauffer la salle et galvaniser la foule, les morceaux diffusés lors des meetings sont pour la plupart peu connus du grand public. Lorsqu'Emmanuel Macron entre en scène le 4 octobre au Palais de la musique et des congrès de Strasbourg, la chanson Closer retentit. Qui fait alors le lien avec Lemaitre, un groupe norvégien d'indie électronique ? Pas grand monde... et peu importe. Très rythmée, la chanson incite les supporters à taper dans les mains et donner de la voix. Cette stratégie s'appuie sur le neuromarketing, qui consiste à transmettre inconsciemment au cerveau des stimuli et des émotions.
La chanson qui fait passer le message
À Audincourt (Doubs) mercredi 7 décembre, lorsque Manuel Valls entre dans la salle de son premier meeting sur The Final Countdown, le célébrissime tube des années 1980 du groupe Europe, difficile de ne pas y voir une référence au "décompte final" enclenché avant la primaire de la gauche de janvier.
Arrivée du candidat @manuelvalls à Audincourt sur fond musical "The Final Countdown" pic.twitter.com/5d2Zay3Hmj
— Alison TASSIN (@AlisonTassin) December 7, 2016
Autre exemple : en mai 2002, les supporters de Jacques Chirac avaient fêté la victoire de leur champion à l'élection présidentielle sur l'air de... One More Time du groupe Daft Punk. Une réélection et un second mandat... "encore une fois".
La chanson qui fâche
Certaines équipes de campagne l'ont appris à leurs dépens : la diffusion publique d'une chanson sans le consentement des artistes peut s'avérer problématique. En 2002, le groupe Daft Punk avait ainsi interdit aux équipes de Jacques Chirac de réutiliser son tube One More Time. Aux États-Unis, en septembre 2015, l'ex-bassiste de R.E.M., Mike Mills, s'était emporté sur Twitter contre Donald Trump, alors candidat à l'élection présidentielle américaine. Motif : lors d'un meeting, le milliardaire avait utilisé une chanson du groupe, It's the End of the World as We Know It (And I Feel Fine). Manque de flair de la part de Trump et de son équipe : R.E.M. n'a pas vraiment de sympathie pour les républicains, l'ex-chanteur, Michael Stipe a même tenu des meetings pour soutenir Bernie Sanders lors de la primaire démocrate.
"Go fuck yourselves, the lot of you--you sad, attention grabbing, power-hungry little men. Do not use our music or my voice for your 1)
— Mike Mills (@m_millsey) September 9, 2015
...moronic charade of a campaign."--Michael Stipe
— Mike Mills (@m_millsey) September 9, 2015
Désaccord avec le candidat, refus de voir leur musique associée à une personnalité, volonté de rester apolitique... Les motifs de refus d'utilisation de leurs œuvres par les artistes sont multiples. En août 2005, Mick Jagger s'était ainsi opposé à la diffusion de la chanson Angie, grand succès des Rolling Stones, lors des meetings d'Angela Merkel, en campagne pour l'élection à la chancellerie allemande.
En 2009, à la suite d'une négociation à l'amiable, l'UMP avait versé 30 000 euros au groupe de rock alternatif MGMT. Le parti s'était servi de la chanson Kids pour la présentation de ses têtes de liste aux élections européennes. Xavier Bertrand, secrétaire général de l'UMP de l'époque, s’était défendu en expliquant avoir payé les droits de l'œuvre à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem). Mais c'était oublier que toute exploitation publique de chanson doit faire l'objet d'une demande d'autorisation aux ayant droits. Une fausse note.
Sarkozy en président de l'UMP par rue89
La chanson qui fait rire
Autre méthode prisée par les équipes de campagne : le détournement. En 2007, les Jeunes UDF font parler d'eux en réécrivant Femme Like U, le tube de K. Maro. Même air, mais paroles différentes. À l'arrivée, le texte "Donne moi ton cœur baby, ton corps baby" devient "T'auras mon vote Bayrou, ma voix Bayrou".
Les meilleures productions de musique politique ne viennent parfois ni des artistes, ni des politiques... mais des internautes. En janvier 2016, Khaled Freak se fait ainsi connaître en remixant un clash de 2013 entre le député Les Républicains Dominique Dord et le ministre Bernard Cazeneuve à l'Assemblée nationale. La meilleure note.
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