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Le gouvernement a-t-il vraiment dit non au projet minier Montagne d'or en Guyane ?

"Mais bien sûr" que ce projet est abandonné, s'est exclamée la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, sur le plateau de France 2, dimanche, au soir des élections européennes. Franceinfo a vérifié et il s'avère qu'aucun acte concret n'a pour l'instant accompagné l'annonce de cette décision. 

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Une vue aérienne du site de la Montagne d'or en Guyane, le 12 octobre 2017. (JODY AMIET / AFP)

Trois jours avant le scrutin des européennes, l'exécutif brandissait l'abandon de la Montagne d'or comme symbole de sa bonne volonté écologique. Mais ce projet d'exploitation d'une mine d'or en Guyane est-il réellement rangé aux oubliettes ? Il a fallu que la question soit posée plusieurs fois à Sibeth Ndiaye, dimanche 26 mai, sur France 2, pour que la porte-parole du gouvernement finisse par lâcher : "Mais bien sûr." En témoigne cet extrait vidéo diffusé sur Twitter par Guyane la 1ère.

 Vrai ? Faux ? Franceinfo a passé au crible cette affirmation.

Des "exigences environnementales"

Plus tôt dans la soirée de dimanche, Sibeth Ndiaye avait déjà été interrogée sur ce vaste projet d'extraction d'or primaire, par un procédé de "cyanuration en circuit fermé", qui scandalise les associations écologistes. "La Montagne d'or, vous ne l'avez pas arrêtée. Vous avez dit : 'on va l'étudier'", lui lance l'eurodéputée EELV Karima Delli sur le plateau de France 2. "C'est n'importe quoi !" réplique la porte-parole du gouvernement, avant d'enchaîner : "Nous avons indiqué que dans l'état actuel des choses, [ce projet] n'est pas compatible avec nos exigences environnementales."  "Mais est-il abandonné, oui ou non ?", questionne le journaliste Laurent Delahousse. "Nous avons indiqué avec beaucoup de clarté, à l'issue du Conseil de défense écologique, que ce projet n'était pas compatible avec notre exigence environnementale. Les choses sont extrêmement claires ce soir", répond Sibeth Ndiaye.

Claires à ce point-là ? Pour accomplir son projet industriel, le consortium russo-canadien Nordgold-Columbus Gold a demandé en 2018 le renouvellement pour vingt-cinq ans de sa concession d'exploration minière dans cette zone située en pleine forêt équatoriale. L'entreprise le confirme sur son site et n'entend pas lâcher prise, malgré les annonces de l'exécutif. Le 23 mai, le ministre de la Transition écologique, François de Rugy, faisait pourtant déjà savoir que le projet Montagne d'or était "incompatible" avec les exigences environnementales du gouvernement.

Le même jour, le consortium russo-canadien réaffirmait par communiqué sa volonté "de rendre ce projet compatible avec les exigences de protection environnementale", donc de le poursuivre.

Comment les ONG écologistes réagissent-elles à cet apparent bras de fer entre l'exécutif et l'entreprise minière ? Avec optimisme du côté du WWF France, dont l'ancien directeur général, Pascal Canfin, a été élu dimanche député européen sur la liste du parti présidentiel LREM. "Les signaux négatifs s'accumulent vis-à-vis de la Montagne d'or", indique à franceinfo le responsable de WWF France en Guyane, Laurent Kelle. Il dit attendre désormais des "clarifications" sur les modalités d'abandon de la mine lors de la visite en Guyane du ministre de l'Ecologie François de Rugy, prévue en juin.

"Une décision annoncée à défaut d'avoir été prise"

D'autres prennent davantage de pincettes, puisqu'aucun acte concret n'a accompagné la parole de l'exécutif. "La déclaration du président français [parlant, lui aussi, de projet incompatible avec l'environnement] est louable mais à prendre avec beaucoup de précautions puisqu'une 'décision formelle et définitive' vis-à-vis de Montagne d'or a été annoncée, à défaut d’avoir été prise", relèvent ainsi les associations Sauvons la forêt et Or de question, opposées à cette extraction industrielle controversée.

Pour le gouvernement, les moyens d'agir ne manquent pas. "Il faudra voir si la concession est renouvelée ou pas, puisque le dossier est en train d'être instruit par l'administration française", précise Laurent Kelle. Avant d'ajouter : "Même si la concession est renouvelée, cela définit un périmètre dans lequel le propriétaire est le seul à pouvoir mener des travaux, mais ça ne lui donne pas un droit d'exploitation systématique." En 2008, le président de la République Nicolas Sarkozy avait ainsi refusé de donner à la multinationale canadienne Iamgold Corporation le droit d'exploiter la mine d'or de Roura en Guyane, rappelle Le Monde.  

"Le flou le plus total"

De son côté, le porte-parole de la Jeunesse autochtone de Guyane, Christophe Yanuwana Pierre, juge "fragile" le rejet du projet de la Montagne d'or. Pour lui, "tout va se jouer" lors de la révision du Code minier, qui doit être présentée en décembre par le gouvernement. Si celui-ci interdit "la cyanuration", ce procédé chimique qui permet d'augmenter les rendements aurifères, le projet industriel sera abandonné. Pour l'instant, "on est dans le flou le plus total", martèle-t-il dans cette vidéo diffusée par Guyane la 1ère.

Un nombre de permis d'exploration en hausse

La Montagne d'or cache-t-elle d'autres dérives ? L'eurodéputée EELV Karima Delli ne s'est pas privée, dimanche soir sur France 2, de signaler à Sibeth Ndiaye qu'"un nouveau permis [d'exploitation aurifère] a été signé le 18 mai sur le fleuve Maroni" par "le gouvernement français". En revanche, c'est à tort qu'elle a parlé de "nouveau permis de Montagne d'or". Comme l'indique cet arrêt du Journal officiel, cette prolongation d'un permis d'exploitation de mines d'or jusqu'en 2023 a été "attribué à la Compagnie minière de Boulanger" , sans rapport avec la Montagne d'or, un projet d'extraction industrielle d'une toute autre importance.

Néanmoins, comme cet exemple en témoigne, le nombre de permis d'exploration aurifère octroyés à des compagnies minières en Guyane est en augmentation. Quatorze "permis exclusifs de recherche" ont ainsi été accordés dans ce territoire entre 2016 et janvier 2019, contre onze de 2011 à 2015, note le site Reporterre, en s'appuyant sur Panoramine, une carte recensant les permis miniers en France. Pour Laurent Kelle, de WWF France, "il y a une vraie spéculation autour des ressources aurifères en Guyane".

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