Elections législatives 2024 : les questions qui restent en suspens à gauche après l'accord sur le "nouveau front populaire"
Une référence à la coalition victorieuse en 1936 pour l'emporter près d'un siècle plus tard. Les principaux partis de gauche ont acté lundi 10 juin un "accord de principe" pour défendre une alliance aux élections législatives, sous la bannière d'un "nouveau front populaire". Après cette annonce clamée devant les locaux des Ecologistes, à Paris, les différents partis de gauche doivent désormais se mettre d'accord sur plusieurs points cruciaux en vue du scrutin, les dimanches 30 juin et 7 juillet.
Franceinfo revient sur les questions qui restent à régler pour cette alliance, qui intervient deux ans après la création de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (Nupes), dont les partis veulent aujourd'hui s'éloigner pour aborder ce prochain défi électoral.
Qui mènera cette union ?
Lors d'une campagne des législatives, il est d'usage pour chaque parti ou coalition d'annoncer qui serait son ou sa Première ministre en cas de victoire. Adversaire désigné du "nouveau front populaire", le Rassemblement national (RN) a déjà avancé le nom de Jordan Bardella. En 2022, avant même la concrétisation de l'accord de la Nupes, Jean-Luc Mélenchon avait demandé à ses soutiens de "l'élire Premier ministre" lors des élections législatives. Le chef de file de La France insoumise (LFI) était alors en position de force, après avoir terminé l'élection présidentielle à la troisième place, avec 21,95% des voix.
Deux ans plus tard, la situation est moins évidente à gauche. Le Parti socialiste (PS), allié au mouvement Place publique de Raphaël Glucksmann, a terminé troisième – et première liste de gauche – lors des élections européennes de dimanche, avec 13,83% des voix, devant Manon Aubry (LFI) et ses 9,89%. Jean-Luc Mélenchon s'est un peu mis en retrait en devenant président de l'Institut La Boétie, un cercle de réflexion dans le giron de LFI. La question de la figure politique capable d'emmener le "nouveau front populaire" reste donc entière.
Jean-Luc Mélenchon "n'est pas consensuel", a estimé sur LCI la députée écologiste sortante de Paris, Sandrine Rousseau. "Il n'y a pas de logique à ce que Jean-Luc Mélenchon soit le candidat" de cette alliance, a aussi défendu sur TF1 Olivier Faure, le premier secrétaire du PS. Raphaël Glucksmann a, lui aussi, balayé l'hypothèse de voir le triple candidat à la présidentielle en chef de file du "nouveau front populaire". Il a proposé le nom de l'ex-secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, mais cette option n'a pas été reprise à gauche.
Plusieurs voix ont évoqué le nom de François Ruffin, député sortant (LFI) qui a défendu l'union de la gauche après l'éclatement de la Nupes, en 2023, comme un nom possible pour Matignon. Le leader du petit mouvement Picardie debout a lancé l'appel au "front populaire" dès dimanche soir, avant de créer un site internet aux allures de plateforme de campagne. "Il faudra trouver une figure de rassemblement et de consensus, mais ce n'est pas la question du jour", assure pourtant Arthur Delaporte, député PS sortant du Calvados.
Quel programme commun ?
Les forces de gauche doivent aussi définir le programme qu'elles présenteront, qui ne sera pas exactement celui de la Nupes de 2022. Leur communiqué publié lundi annonce "un programme de rupture détaillant les mesures à engager dans les 100 premiers jours" au pouvoir, pour répondre aux "urgences démocratiques, écologiques et sociales". Les principales formations politiques ont ensuite chacune publié un ensemble de mesures qu'elles jugent essentielles, la plupart étant similaires. Dans un communiqué relayé sur X par leur secrétaire nationale, Marine Tondelier, les Ecologistes détaillent ainsi "10 piliers", notamment "un plan climat visant la neutralité carbone" et la lutte "contre les violences sexistes et sexuelles".
Le PS entend de son côté garantir "le soutien aux progrès de la construction européenne" et "le soutien indéfectible à la résistance ukrainienne" selon un communiqué. Le parti à la rose se prononce pour "l'abrogation de la réforme des retraites". De son côté, LFI adopte un positionnement légèrement différent, réclamant "le retour à la retraite à 60 ans" dans un communiqué. Le mouvement demande aussi "l'annulation de la réforme de l'assurance-chômage" et "la VIe République".
Comment seront réparties les candidatures dans les circonscriptions ?
Le document signé par les principales organisations de gauche promet "des candidatures uniques" dans chacune des 577 circonscriptions. Mercredi, le PS et LFI ont annoncé "un accord" sur une répartition numérique des circonscriptions : LFI aura 229 candidatures, le PS 175, EELV 92 et le PCF 50, Corse et Outre-mer non compris, ont précisé des responsables des deux formations. Reste à choisir un nom pour chaque circonscription. Des voix s'élèvent pour que les sortants soient investis par cette nouvelle union. Plusieurs d'entre eux, comme la députée écologiste de Loire-Atlantique Julie Laernoes, la députée socialiste de Saône-et-Loire Cécile Untermaier ou le député LFI de Seine-Saint-Denis Alexis Corbière, ont d'ailleurs déjà annoncé leur intention de se représenter.
D'autres choix seront plus complexes. Certains militants demandent ainsi sur X que les députés accusés de violence ou de harcèlement ne soient pas reconduits. C'est le cas du député écologiste sortant de Paris Julien Bayou, accusé de "violences psychologiques", ou du député insoumis Adrien Quatennens, condamné à quatre de mois de prison avec sursis pour violence conjugale. L'écologiste Sandrine Rousseau a affirmé sur BFMTV vouloir "discuter" du cas de ce dernier.
Les décisions de l'appareil des partis de gauche pourraient ne pas être totalement respectées. En 2022, quand la Nupes a vu le jour, plusieurs candidats dissidents s'étaient présentés. C'était le cas dans la 15e circonscription de Paris, où la socialiste Lamia El Aaraje avait affronté la LFI Danielle Simonnet en 2022. Cette dernière l'avait emporté au second tour. Signe que cette situation pourrait se répéter, les socialistes de Paris et Place publique Paris ont expliqué dans un communiqué publié mardi sur X avoir engagé "une discussion avec [leurs] partenaires", pour "présenter des candidatures (...) sur l'ensemble des circonscriptions parisiennes". Sur les neuf députés de gauche sortants de la capitale, aucun n'est socialiste.
Les déclarations de candidature devront être déposées par les candidats au plus tard dimanche 16 juin à 18 heures.
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