Infographies Résultats des législatives 2024 : les désistements pour faire barrage au Rassemblement national ont-ils fonctionné ?

Article rédigé par Valentine Pasquesoone, Brice Le Borgne
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le Nouveau Front populaire est arrivé en tête du second tour des élections législatives, le 7 juillet 2024, devant le camp présidentiel et le Rassemblement national. (FRANCEINFO / AFP)
Le parti d'extrême droite et ses alliés sont arrivés troisièmes au second tour des législatives, derrière le Nouveau Front populaire et la coalition présidentielle Ensemble. La faute à des désistements dans l'entre-deux-tours, qui ont pénalisé les candidats RN.

Un résultat en forme de surprise, une semaine après la victoire du Rassemblement national au premier tour. Le Nouveau Front populaire est devenu, dimanche 7 juillet, la première force politique de la prochaine Assemblée, à l'issue du second tour des élections législatives. L'alliance de gauche a obtenu entre 180 sièges à l'Assemblée nationale, selon les résultats définitifs transmis par le ministère de l'Intérieur. Donné troisième dans les enquêtes d'opinion de l'entre-deux-tours, Ensemble arrive finalement deuxième avec 163 sièges, devant le Rassemblement national et ses alliés. Le bloc d'extrême droite n'est que troisième, avec 143 sièges. En cause, l'effet massif joué par les désistements liés au front républicain.

Après le premier tour, 215 candidats qualifiés pour le second tour lors d'une triangulaire ou une quadrangulaire s'étaient désistés pour faire barrage à l'extrême droite. Une réaction massive face au score historique du Rassemblement national et de ses alliés, le soir du 30 juin : ces derniers avaient obtenu 33,2% des suffrages exprimés, d'après le ministère de l'Intérieur. Une semaine plus tard, les candidats d'extrême droite sont finalement battus dans 173 des 215 circonscriptions concernées par ces désistements.

Ces désistements ont été "redoutables, d'une efficacité absolue", commente Gaël Sliman, le président de l'institut de sondages Odoxa. "Le soir du premier tour, il y avait un grand vainqueur, le Rassemblement national, qui pouvait espérer au pire une majorité relative et au mieux une majorité absolue avec ses alliés ciottistes. Il y avait 300 triangulaires [impliquant le RN], rappelle le sondeur. Ces désistements républicains ont tout changé."

Dans la 14e circonscription des Bouches-du-Rhône, la députée sortante Anne-Laurence Petel avait refusé de se retirer au profit du candidat Nouveau Front populaire Jean-David Ciot. Leur rival d'extrême droite, Gérault Verny, arrivé en tête le soir du premier tour, l'a emporté dimanche soir.

"Le candidat qui se désiste et qui demande de voter contre le Rassemblement national, c'est un sacrifice symbolique très fort. C'est très efficace, cela a eu un effet massif."

Gaël Sliman, président d'Odoxa

à franceinfo

Gaël Sliman ajoute que des abstentionnistes du premier tour ont également pu se mobiliser au second tour, face à la perspective d'une majorité relative ou absolue de l'extrême droite au Palais-Bourbon. Un autre facteur a joué dans les derniers jours de la campagne, selon Gaël Sliman : les interviews manquées de certains candidats RN auprès de médias locaux et les révélations concernant des propos racistes, antisémites ou encore climatosceptiques de bon nombre d'entre eux.

Des désistements qui profitent aux macronistes 

Dans les circonscriptions où le RN et ses alliés pouvaient gagner, 125 candidats du Nouveau Front populaire se sont désistés, contre 80 candidats du bloc présidentiel Ensemble et de ses alliés. De fait, les désistements ont davantage profité à l'ancienne majorité : dimanche soir, le camp présidentiel a remporté 86 des 215 circonscriptions concernées par des désistements républicains, contre 57 pour l'alliance de gauche. 

Une estimation Ipsos-Talan pour France Télévisions, Radio France, France 24, RFI et LCP détaille les reports de voix entre les premier et second tours. Elle révèle que les électeurs du Nouveau Front populaire ont suivi, plus que les autres, ces désistements républicains. Dans le cas d'un duel entre Ensemble et le Rassemblement national au second tour, 72% des électeurs ayant voté pour la gauche au premier tour se sont mobilisés pour le camp présidentiel.

Dans le cas d'un duel entre Les Républicains et le Rassemblement national au second tour, 70% des électeurs du Nouveau Front populaire ont choisi de voter pour le candidat LR. Toujours dans ce cas de figure, les électeurs qui avaient voté Ensemble au premier tour sont eux 79% à avoir voté pour le candidat de droite.

Dans le scénario d'un second tour opposant un candidat d'extrême droite à un candidat socialiste, écologiste ou communiste, un peu plus de la moitié (54%) des électeurs Ensemble ont participé au front républicain. En revanche, ils ne sont que 43% à avoir voté pour le candidat de gauche au second tour lorsque celui-ci était étiqueté La France insoumise.

"Vous avez des reports massifs de la gauche sur des candidats Ensemble pour s'opposer au RN. Même les reports d'Ensemble sont très forts sur la gauche pour s'opposer au RN."

Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos France

sur France 2

Pour les électeurs des Républicains ou divers droite, 29% ont choisi un candidat socialiste, écologiste ou communiste face au RN, mais 34% ont préféré voter pour l'extrême droite et 37% se sont abstenus. Seuls 26% des électeurs LR et divers droite ont voté pour un candidat insoumis face au RN dimanche. Quelque 38% d'entre eux ont préféré l'extrême droite et 36% ont boudé les isoloirs, d'après cette même estimation. 

"Les uns comme les autres se sont quand même bien mobilisés. Il y a eu une nette amélioration produite par ces désistements."

Gaël Sliman, président d'Odoxa

à franceinfo

"Le RN continue à inquiéter les Français", a souligné Brice Teinturier dimanche soir, sur le plateau de France 2. 

Un barrage de moins en moins marqué

Si les désistements fonctionnent "de façon extrêmement efficace""le front républicain n'existe plus vraiment en tant que réflexe spontané des électeurs", pointait toutefois Odoxa dans une enquête d'opinion publiée jeudi. Une autre enquête de l'institut, publiée le même jour, montrait que 30% des personnes interrogées souhaitaient un gouvernement d'extrême droite et que 29% des sondés voyaient une telle perspective comme "ni une bonne, ni une mauvaise chose". La conséquence d'une "dédiabolisation réussie du RN et de ses leaders", note l'étude. Le vote de barrage "avait été massif en 2002, puis encore très présent en 2017, il l'est beaucoup moins depuis 2022", prévient Odoxa.

"La réalité électorale est quand même que le RN continue de progresser. Il y a un effet trompe-l'œil ce soir avec les désistements, mais le seul parti dans une dynamique, c'est le RN."

Gaël Sliman, président d'Odoxa

à franceinfo

"Le Rassemblement national incarne plus que jamais la seule alternance", a insisté dimanche soir le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, ajoutant que son parti ne tomberait dans "aucune compromission politicienne". Ce dernier a fustigé "l'alliance du déshonneur" qui prive les Français "d'une politique de redressement". "Du point de vue de l'électorat RN, il pourrait y avoir l'impression d'un vol de victoire, d'un déni démocratique", analyse Gaël Sliman.

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