Législatives 2022 : pourquoi la constitution d'un groupe parlementaire à l'Assemblée est-elle capitale pour le Rassemblement national ?
Pour atteindre cet objectif, le parti de Marine Le Pen doit remporter au moins 15 circonscriptions lors du second tour, dimanche.
Ils ne seront pas suffisamment nombreux pour briguer Matignon, mais sans doute assez pour se constituer en groupe parlementaire. Les candidats du Rassemblement national ont obtenu 18,68% des suffrages lors du premier tour des élections législatives, dimanche 12 juin, et 208 d'entre eux sont en ballottage pour le second tour, le 19 juin.
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Marine Le Pen vise un groupe à l'Assemblée nationale, qui pourrait rassembler "des dizaines de députés", a-t-elle annoncé à l'issue du premier tour. Une déclaration en conformité avec l'estimation Ipsos-Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et les chaînes parlementaires : la formation peut espérer entre 20 et 45 sièges à l'Assemblée nationale, dimanche prochain. Il suffira d'en gagner 15 pour constituer un groupe au Palais-Bourbon.
Ce serait une première pour le parti dans l'histoire de la Ve République avec ce mode de scrutin. Le Front national (ancien nom du RN) avait bien réussi à constituer un groupe de 35 parlementaires de 1986 à 1988, mais la proportionnelle à un tour était alors en vigueur. A quelques jours du scrutin décisif, franceinfo récapitule les avantages que la formation d'extrême droite pourrait tirer de la constitution d'un groupe à l'Assemblée.
1 Parce qu'il s'accompagne de moyens matériels
Pour se figurer la portée qu'aurait la création d'un groupe parlementaire pour le RN, il faut revenir cinq ans en arrière. Malgré le score historique de la présidente du Front national à la présidentielle de 2017 (33,9% au second tour), le Front national ne décroche que huit sièges lors des élections législatives. "Il est proprement scandaleux qu'un mouvement comme le nôtre ne puisse obtenir un groupe à l'Assemblée nationale", s'était emportée Marine Le Pen, regrettant que les députés ne soient pas élus au scrutin proportionnel.
En échouant à constituer un groupe parlementaire, son parti était notamment passé à côté de moyens matériels supplémentaires. "Il y a un aspect de reconnaissance : des bureaux et des collaborateurs vous sont dédiés. C'est une manière de s'ancrer dans la vie politique", analyse Olivier Rozenberg, chercheur à Sciences Po Paris et spécialiste des parlements. Des salles de réunion sont également mises à disposition des groupes pour faciliter le travail parlementaire, détaille le site Vie publique.
2Parce qu'il donne droit à davantage de temps de parole
Se constituer en groupe serait aussi pour le RN un moyen de s'assurer une existence politique forte au sein de l'institution parlementaire. Dans le cadre des débats consécutifs aux déclarations du gouvernement et à l'utilisation de l’article 49 de la Constitution, le temps imparti est ainsi attribué pour moitié aux groupes de l’opposition, explique l'institution sur son site. Lors de la précédente législature, les députés du RN devaient partager leur temps de parole avec le reste des députés non-inscrits.
"Ça va leur offrir davantage de moyens d'expression, qu'ils vont pouvoir utiliser pour faire valoir leur point de vue, faire de l'obstruction et un peu de spectacle parlementaire."
Olivier Rozenberg, politologuepour franceinfo
En 2019, le règlement intérieur de l'Assemblée a cependant été modifié pour limiter le temps de parole. Il prévoit à présent des interventions de cinq minutes par groupe. La même règle s'applique à l'ensemble des députés non-inscrits. Ce temps de parole peut éventuellement être revu à la hausse par la conférence des présidents, si les débats portent sur des sujets complexes.
3Parce qu'il octroie des postes dans les commissions parlementaires
Constituer un groupe permet à un parti de se voir attribuer des responsabilités au sein des organes parlementaires de nature permanente (les huit commissions permanentes, la commission des affaires européennes, les délégations...) ou temporaires (les missions d'information et les commissions d'enquête). "Dans les commissions permanentes, les groupes disposent d’un nombre de sièges proportionnel à leur effectif numérique", détaille ainsi l'Assemblée nationale sur son site.
Les groupes ont par ailleurs droit à une "niche parlementaire", qui leur permet de présenter leurs propres textes. "Un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté par chaque assemblée à l'initiative des groupes" d'opposition ou des groupes minoritaires, détaille l'article 48 alinéa 5 de la Constitution. Le président de groupe dispose également de certaines prérogatives : il peut demander la création d'une commission spéciale, une suspension de séance ou encore qu'un vote se tienne en scrutin public, rappellent Les Échos.
4Parce qu'il offre des moyens financiers
Endetté à hauteur de 24 millions d'euros, le parti de Marine Le Pen compte sur ces élections législatives pour éviter la faillite. Et pour cause : les résultats vont décider du montant que les partis recevront dans les cinq années à venir de la part de l'État. Le montant de ces aides est calculé en fonction des résultats électoraux et du nombre d'élus.
Une première partie dépend des résultats du premier tour des élections législatives. Chaque bulletin glissé dans l'urne en faveur d'un candidat garantit à son parti un peu plus de 1,60 euro chaque année pendant cinq ans, même s'il n'est pas élu. Pour toucher cette aide publique, un parti doit simplement récolter au moins 1% des suffrages exprimés dans au moins 50 circonscriptions et rendre ses comptes publics.
Mais une autre tranche du financement public des partis dépend du nombre de parlementaires (députés et sénateurs) dont ils disposent. Et donc des résultats du second tour des législatives. Chaque élu rapporte à sa formation un peu plus de 37 000 euros par an. Un financement qui n'est pas lié à la constitution ou non d'un groupe parlementaire, mais qui donne intérêt à remporter le plus de sièges possibles. Les groupes disposent en revanche d’une dotation pour assurer leur fonctionnement, qui dépend de leur nombre de députés. En 2017, les partis se partageaient une enveloppe annuelle de 10 millions d'euros, explique Ouest-France.
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