Législatives : pourquoi le raz-de-marée attendu pour La République en marche n'a-t-il pas eu lieu ?
Après le premier tour, les projections laissaient entrevoir une majorité record de plus de 400 sièges pour le mouvement d'Emmanuel Macron. Il obtient finalement 350 sièges avec le MoDem.
C'est une majorité claire, mais pas un raz-de-marée. Contrairement à ce que laissaient entendre les estimations de l'entre-deux-tours, qui accordaient plus de 400 sièges au mouvement d'Emmanuel Macron, La République en marche obtient 308 sièges au second tour des élections législatives. Bien au-delà de la majorité absolue (289 sièges) mais largement en-deçà des records de la Ve République (en 2002, l'UMP de Jacques Chirac disposait de 358 sièges). Son allié, le MoDem, remporte 42 sièges. Pourquoi ce résultat est-il plus faible que prévu ?
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Une abstention record
Première explication donnée par les partisans d'Emmanuel Macron : l'abstention record. Les électeurs ont donné une majorité au président, pas un blanc-seing. "On a peut-être un peu trop laissé penser que tout cela était joué", estimait sur France 2, dimanche soir, Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement.
Dans de nombreuses circonscriptions, le candidat LREM l'a emporté mais en ne progressant que très peu en nombre de voix. Cas extrême : dans la 5e circonscription de Paris, Benjamin Griveaux, le porte-parole de La République en marche, fait plus de 56% face à la candidate socialiste. Pourtant, entre le premier et le second tour, il a reculé en nombre de voix.
Peut-être que notre propre électorat ne s'est pas déplacé aussi, pensant que les choses étaient faites.
Christophe Castanersur France 2
Au premier tour, les partisans du président se sont fortement mobilisés. C'est sans doute moins le cas au second, pense un proche du président, pour qui "les abstentionnistes du premier et du second tour ne sont pas forcément les mêmes".
Une mobilisation des opposants à En marche !
"Beaucoup d'électeurs socialistes se sont abstenus au premier tour, observe un ancien élu socialiste. Au second tour, quand ils avaient le choix, ils ont voté pour La France insoumise." Une hypothèse validée par Eric Halphen, candidat LREM battu dimanche soir alors qu'il comptait près de 14 points d’avance sur son adversaire socialiste, Laurence Dumont, dans la 2e circonscription du Calvados. "Entre les deux tours, tout le monde annonçait une 'hégémonie' de La République en marche à l’Assemblée. Cela a fait peur aux électeurs de gauche, avance-t-il. Je pense qu’il y a eu une volonté de protéger les gens de gauche. Les électeurs se sont dit que la majorité En marche ! était jouée et qu’il fallait essayer, par instinct de survie, de sauver les députés socialistes, de protéger les espèces en délicatesse."
Pour Marie-Agnès Staricky (LREM), l'élection s'est jouée à 775 voix. La candidate du Parti radical de gauche, Jeanine Dubié, qui avait pourtant 15,6 points de retard à l'issue du premier tour, a réussi à l'emporter dans la 2e circonscription des Hautes-Pyrénées. "Elle a récupéré 10 000 voix en une semaine", relève la "marcheuse", qui s’interroge sur cette "remontée fulgurante" et accuse un "report de voix inattendu" des électeurs LR vers le PRG. "En tant que candidate La République en marche, moi, je ne pouvais pas faire d’alliance", fait-elle observer. "Et il y a énormément de bulletins blancs et nuls ainsi qu'une très faible participation [45,85 %]", déplore la perdante, contactée par franceinfo.
Des projets qui inquiètent
Le "reflux" du second tour marque-t-il aussi la fin de l'état de grâce pour Emmanuel Macron ? Malgré quelques couacs, malgré les affaires qui menacent certains de ses ministres (Richard Ferrand, François Bayrou ou Marielle de Sarnez pour les assistants parlementaires des eurodéputés du MoDem), le chef de l'Etat a semblé réaliser, au mois de mai, un sans-faute aux yeux d'une majorité de Français. L'enquête Ipsos/Sopra Steria publiée le 6 juin montrait ainsi que 60% des sondés étaient satisfaits de son action. Cela s'est traduit dans les résultats du premier tour, qui laissaient entrevoir un raz-de-marée au second.
Celui-ci ne s'est pas produit. Peut-être parce que l'opinion des Français à l'égard du président est en train de changer. Dans la nouvelle enquête d'Ipsos/Sopra Steria, publiée le 18 juin, ils se montrent plus réservés sur l'action du président, notamment sur les dossiers chauds qui attendent la nouvelle majorité. En matière de travail et de fiscalité, 63% des Français ne sont pas confiants face aux annonces d'Emmanuel Macron. A la veille du second tour, ils étaient 51% à estimer que ce serait "une mauvaise chose" que LREM dispose d'une forte majorité à l'Assemblée. Les Français ont donc "corrigé" eux-mêmes leur vote du premier tour, rééquilibrant les rapports de force dans l'Hémicycle.
Pas de quoi inquiéter ce proche du président : "Franchement, ce sont des problèmes de riches. On a les moyens de travailler et on peut faire vivre le débat à l'Assemblée nationale. Les Français sont attachés à une certaine diversité et ils l'ont montré dimanche, c'est sain pour la démocratie."
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