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Témoignages Législatives 2022 : ces soignants qui se présentent pour "devenir des porte-paroles" d'un système de santé en crise

Article rédigé par Antoine Comte
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 11min
Des soignants ont décidé d'être candidats aux élections législatives des 12 et 19 juin. (ASTRID AMADIEU / FRANCEINFO)

Près de trois ans après le début de l'épidémie de Covid-19, ils ont décidé de troquer leurs blouses blanches contre l'écharpe tricolore de député – ou en tout cas d'être candidats ou suppléants. Car "la politique, c'est une autre manière de servir".

Ils sont aides-soignants, médecins, infirmières... Ils exercent dans une métropole ou une ville moyenne, en banlieue parisienne ou en zone rurale. Et ils y vivent au quotidien la crise du système de santé. Franceinfo a recueilli les témoignages de six soignants candidats aux élections législatives des 12 et 19 juin prochains. Des hommes et des femmes qui ont décidé de s'engager en politique pour défendre l'hôpital public éreinté par trois années d'épidémie de Covid-19, lutter contre les déserts médicaux ou mettre en place un accès égalitaire aux soins.

Grégory Pamart, généraliste dans le Nord

Grégory Pamart, candidat aux législatives dans la 12e circonscription du Nord. (ASTRID AMADIEU / FRANCEINFO)

"Je voulais être médecin généraliste de campagne, pas faire campagne", lâche Grégory Pamart. Le médecin généraliste de 33 ans fait partie des 15 000 soignants suspendus en France"Je n'ai plus la possibilité d'exercer mon métier à cause de l'obligation vaccinale des personnels de santé et je n'ai toujours pas eu le droit de reprendre mon activité professionnelle", raconte le praticien, visé, selon La Voix du Nord, par une procédure du Conseil de l'ordre pour avoir prodigué des soins à un patient atteint par le Covid-19 alors qu'il n'était lui-même pas vacciné.

La fermeture de son cabinet médical à Jenlain (Nord), le 15 septembre, a fait office de déclic. "S'il n'y avait pas eu tout ça, j'aurais continué la médecine jusqu'à la retraite. Ma vocation au départ, ce n'est pas être médecin, c'est de servir. Mais finalement, je me dis que la politique, c'est aussi une manière de servir", assure le candidat "sans étiquette" de la 12e circonscription du Nord, membre du controversé collectif Réinfocovid, qui a propagé d'innombrables fausses informations sur le coronavirus, les vaccins et les traitements à l'étude.

Un engagement politique qui n'était donc pas prévu, mais que l'ex-médecin compte bien mener au bout pour "défendre la vraie médecine" depuis l'Assemblée nationale. "Dès qu'il a une épidémie, on injecte un vaccin et on n'essaie pas de comprendre la problématique. En politique, dès qu'il y a un problème, on crée une loi. Je veux changer tout ça", lance Grégory Pamart. Face aux déserts médicaux, il expose sa solution : "Est-ce qu'on a besoin de venir voir un médecin quand on a un rhume ? Je ne le pense pas. Ce qu'il faut faire, c'est responsabiliser les gens pour libérer du temps de consultation."

Farida Chikh, infirmière dans le Val-de-Marne

Farida Chikh, candidate suppléante Nupes dans la 10e circonscription du Val-de-Marne. (ASTRID AMADIEU / FRANCEINFO)

Son nom ne vous dit peut-être rien. Farida Chikh a pourtant fait le tour des chaînes d'informations pendant plusieurs jours. Le 16 juin 2020, cette infirmière en gériatrie a été violemment interpellée par la police lors d'une manifestation de soignants à Paris. Placée en garde à vue pour "outrage et jets de projectiles sur les forces de l'ordre", la soignante, qui avait été traînée au sol par les policiers, a été condamnée à 1 000 euros d'amende avec sursis. "J'ai été bien abîmée physiquement ! On a essayé de faire de moi une délinquante, mais je ne lâcherai jamais mon combat pour sauver l'hôpital public", lance-t-elle aujourd'hui, encore choquée.

Ce combat, elle le mène désormais aux côtés de Mathilde Panot, la députée sortante de la 10e circonscription du Val-de-Marne, dont elle est la suppléante. Farida Chikh a rencontré l'élue de La France insoumise lors de sa garde à vue. "Quand j'étais au commissariat, je me suis dit qu'il fallait que je reste debout et que la criminelle ce n'était pas moi. Mais c'est seulement quand Mathilde Panot est venue me voir pendant la garde à vue que je suis redevenu un être humain", se souvient-elle.

Accusée par ses adversaires politiques d'avoir été "récupérée" par La France insoumise, cette mère de famille de 52 ans se défend : "Avec la députée Caroline Fiat élue en 2017, La France insoumise a été le premier mouvement politique qui a intégré une aide-soignante à l'Assemblée. Je n'ai pas hésité un instant à les rejoindre car ils m'aident à porter ma voix."

"Je ne connais pas les rouages de la politique, mais je veux œuvrer pour que les gens aient une vie meilleure, un salaire plus élevé et surtout le même accès aux soins."

Farida Chikh, aide-soignante

à franceinfo

Pierre Pinto, aide-soignant dans le Haut-Rhin

Pierre Pinto, candidat Rassemblement national aux législatives dans la 5e circonscription du Haut-Rhin. (ASTRID AMADIEU / FRANCEINFO)

Malgré son jeune âge, Pierre Pinto n'a pas hésité lorsqu'on lui a proposé d'être le candidat du Rassemblement national dans la 5e circonscription du Haut-Rhin. Encarté au RN depuis sept ans, cet aide-soignant âgé de 23 ans dirige la section des "Jeunes avec Marine" dans le département. Mais sa mission ne sera pas simple : Marine Le Pen est arrivée seulement troisième dans sa circonscription au premier tour de la présidentielle.

Le jeune Mulhousien a été motivé par l'idée de pouvoir porter dans cette campagne son "combat pour les services publics de santé dans tous les villages". Pierre Pinto, qui travaille depuis trois ans dans un Ehpad, dénonce ses conditions de travail, notamment en comparaison avec la Suisse. "Je suis candidat car je veux que la prise en charge de nos patients change radicalement. Les scandales Orpea ne sont plus possibles", explique-t-il.

Le jeune homme fustige aussi le manque de considération salariale du gouvernement pour les soignants et souhaite augmenter leurs rémunérations, s'il est élu. "Depuis le Ségur de la Santé, nous recevons chaque mois une prime de 300 euros. Mais comme c'est une prime, elle ne se comptabilise pas dans le salaire de base et donc n'augmente pas directement notre rémunération", tacle-t-il, en pointant du doigt les écarts de salaires avec les autres pays européens.

Loïc Pen, urgentiste dans l'Oise

Loïc Pen, candidat Nupes aux législatives dans la 7e circonscription de l'Oise. (ASTRID AMADIEU / FRANCEINFO)

Des batailles électorales, Loïc Pen en a déjà connu beaucoup. Mais cette fois-ci, le médecin urgentiste, qui se présente dans la 7e circonscription de l'Oise, croit en ses chances. "En 2012 et 2017, il s'agissait de candidatures de témoignages. Dimanche, nous avons bon espoir d'arriver en tête", se projette-il.

Militant communiste depuis 1984, Loïc Pen espère surfer sur une triple dynamique électorale : Jean-Luc Mélenchon est arrivé en deuxième position dans sa circonscription à la présidentielle, il a le soutien de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) et il a été élu conseiller municipal d'opposition à Nogent-sur-Oise pour la première fois en 2020.

Son combat de longue date pour la défense de l'hôpital public lui fait penser que la victoire est possible le 19 juin. "On s'est battu sur le plan syndical, maintenant il faut qu'on prenne la main sur le plan politique", expose-t-il.

"Il n'est plus possible de laisser la main à ces néo-libéraux qui dérégulent et privatisent les hôpitaux."

Loïc Pen, médecin urgentiste

à franceinfo

Pour cette figure des urgences du centre hospitalier de Creil, "la dégradation de l'hôpital public est volontaire". Loïc Pen rejette notamment la faute sur la loi Bachelot de 2009. "Elle a asséché les financements avec une logique de rentabilité qui a remplacé la logique de soins", gronde le candidat, déterminé à "devenir l'un des porte-paroles de cette lutte".

Nathalie Rayssiguié, infirmière dans le Tarn

Nathalie Rayssiguié, candidate suppléante aux législatives dans la 1ère circonscription du Tarn. (ASTRID AMADIEU / FRANCEINFO)

Nathalie Rayssiguié elle non plus n'en est pas à son coup d'essai en politique. Déjà candidate suppléante il y a cinq ans, cette infirmière castraise de 48 ans a cette fois-ci été séduite par le profil du jeune avocat pénaliste, Johann Ricci. "Il n'a pas réussi à se faire investir, mais il est en soutien de la majorité présidentielle en tant que membre d'Horizons, confie-t-elle. Je me retrouve pleinement dans ses idées sociales et le renouveau de la politique qu'il incarne."

Si Nathalie Rayssiguié a décidé de retenter l'aventure, c'est avant tout parce qu'elle souhaite lutter contre les déserts médicaux, un fléau dans la très rurale 1ère circonscription du Tarn. "Nous voulons contraindre les médecins à s'installer dans nos campagnes", promet-elle.

"Si nous sommes élus, nous défendrons la mise en place d'une année supplémentaire de formation des futurs médecins exclusivement dans les zones rurales."

Nathalie Rayssiguié, infirmière

à franceinfo

"Sur 398 000 Tarnais, 52 000 n'ont aucun médecin traitant, ce n'est plus possible", râle cette infirmière psychologue spécialisée dans les violences intra-familiales.

Quoiqu'il arrive dimanche prochain, Nathalie Rayssiguié compte conserver son activité professionnelle pour continuer à se rendre au chevet des victimes de violences en tous genres. Face aux violences intra-familiales qui ont explosé avec les confinements, elle se bat actuellement pour l'ouverture d'une unité spécialisée au sein de l'hôpital de Castres.

Arnaud Clémence, urgentiste en Loire-Atlantique

Arnaud Clémence, candidat Reconquête! aux législatives dans la 5e circonscription de Haute-Loire. (ASTRID AMADIEU / FRANCEINFO)

Si ce médecin urgentiste de 48 ans a décidé d'être candidat dans la 5e circonscription de Loire-Atlantique pour la première fois, c'est avant tout pour Eric Zemmour. "Ce qui est important pour moi, c'est de pouvoir représenter tous ceux qui défendent ses idées", explique Arnaud Clémence, qui n'avait jusque-là "jamais collé une affiche électorale".

Cet ex-médecin militaire a toujours pratiqué la médecine d'urgence. Urgentiste à la clinique Jules-Vernes à Nantes, il travaille aussi en lien avec le Samu de Rennes et constate les difficultés rencontrées par les services des urgences au quotidien. "La gestion de la crise du Covid a engendré des millions de dépenses, mais les personnels de santé n'ont rien eu en retour. Je comprends leur démotivation", dénonce-t-il.

Il sera opposé à Sarah El Haïry, ancienne secrétaire d'Etat à la Jeunesse dans le gouvernement de Jean Castex. Conscient qu'une victoire relève du miracle dans ce fief de centre-gauche, où Eric Zemmour n'a pas dépassé les 5% à la présidentielle, Arnaud Clémence n'entend pas uniquement faire campagne sur la thématique de la santé. Ce sont davantage la sécurité et l'identité nationale, dit-il, qui figurent parmi ses priorités.

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