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Présidentielle 2022 : Hidalgo, Mélenchon, Jadot… Les programmes des candidats de gauche sont-ils si différents ?

Les partisans d'une union de la gauche soulignent la proximité entre les projets des candidats. Mais entre Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Anne Hidalgo, Fabien Roussel et Arnaud Montebourg, de nombreuses divergences existent.

Article rédigé par Thibaud Le Meneec
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
De gauche à droite : Yannick Jadot, Fabien Roussel, Anne Hidalgo, Arnaud Montebourg et Jean-Luc Mélenchon, cinq candidats de gauche déclarés à l'élection présidentielle de 2022. (PHOTOS : AFP, MAXPPP - MONTAGE : JESSICA KOMGUEN/FRANCEINFO)

L'union, mais quelle union ? A l'exception d'Arnaud Montebourg, la proposition d'Anne Hidalgo de réunir les différents candidats de gauche derrière un seul nom dans l'optique de l'élection présidentielle ne convainc pas les principaux intéressés. Jean-Luc Mélenchon, Fabien Roussel et Yannick Jadot, opposés à toute primaire, entendent continuer à défendre leurs idées jusqu'en avril 2022, en assumant leurs différences.

Les projets de ces cinq prétendants de gauche sont-ils si incompatibles ? En attendant une éventuelle entrée en piste de Christiane Taubira (qui a déclaré vendredi 17 décembre envisager de se présenter à la présidentielle à la mi-janvier), franceinfo a ausculté les propositions des candidats déjà déclarés. Si certains sujets font plutôt consensus, comme la proposition d'un ISF climatique ou la hausse du smic, les idées présentées et détaillées jusqu'à présent sont loin d'être toutes similaires. Le rapport à l'Europe et à la social-démocratie continuent de fracturer la gauche, également divisée sur la question de la laïcité.

Les sujets qui les rassemblent

• Une augmentation du smic
C'est un point commun de tous les prétendants de gauche à l'Elysée, mis en avant par Anne Hidalgo lorsqu'elle a proposé aux autres candidats un débat télévisé. Chacun a promis, s'il est élu, d'augmenter le salaire minimum, aujourd'hui établi à 1 258 euros net mensuels avant une hausse de 0,9% prévue en janvier, selon l'Insee. Ici, tout est une histoire de gradation : une hausse de 15% dès le début du mandat pour Anne Hidalgo (pour atteindre environ 1 400 euros), un passage direct à 1 400 euros pour Jean-Luc Mélenchon, une augmentation immédiate de 10% (environ 1 383 euros) au programme d'Arnaud Montebourg, quand Yannick Jadot souhaite la même croissance, mais plutôt sur le quinquennat. Fabien Roussel qui détaillera l'ensemble de ses propositions en janvier, propose quant à lui de passer le smic mensuel brut à 1 800 euros brut, soit "1 500 euros net".

• La création d'une forme d'"ISF climatique"
L'idée a été lancée par Greenpeace, en octobre 2020 : instaurer un "ISF climatique", manière de faire renaître l'impôt de solidarité sur la fortune, transformé par Emmanuel Macron en impôt sur la fortune immobilière (IFI). La mesure de l'ONG a été reprise par Yannick Jadot et Anne Hidalgo en vue de l'élection présidentielle, avec de faibles nuances.

L'écologiste veut rétablir cet impôt pour les ménages dont la fortune dépasse 1,3 million d'euros et pénaliser les plus pollueurs de ces contribuables, afin de financer des investissements publics plus vertueux en matière d'environnement. Pour la socialiste, il s'agit de rétablir l'ancien ISF avec "peut-être d'autres périmètres" que le seuil d'1,3 million d'euros. Avec l'argent récolté, elle souhaiterait alimenter "un fonds d'accompagnement de la transition écologique, notamment pour les plus modestes". Jean-Luc Mélenchon, de son côté, promet de "rétablir et renforcer l'ISF, incluant un volet climatique visant à taxer les gros pollueurs", ce qui est semblable à la proposition de ses concurrents.

• Des moyens supplémentaires pour les hôpitaux
Après deux ans de crise sanitaire, la question de l'hôpital public revient souvent dans la bouche des différents candidats. Comment remettre sur pied un système qu'ils jugent tous détérioré et insuffisamment soutenu depuis l'apparition du Covid-19 ? Anne Hidalgo, Jean-Luc Mélenchon et Fabien Roussel promettent ainsi de s'attaquer aux 5 700 fermetures de lits opérées en 2020. Tous les candidats plaident aussi pour davantage de moyens et de recrutements, avec notamment la formation de 100 000 soignants, pour le candidat de La France insoumise. Enfin, la tarification des actes médicaux à l'acte est dans le collimateur des principaux prétendants à gauche.

• Une opposition (plus ou moins) ferme à Emmanuel Macron
Tous unis… contre Emmanuel Macron. Là où le Parti socialiste était divisé sur la ligne à tenir il y a cinq ans, Anne Hidalgo a clarifié la position de son camp : "Il continue à être extrêmement dur avec les plus modestes, les plus fragiles", dit-elle du président de la République. De leur côté, Jean-Luc Mélenchon, Arnaud Montebourg, Yannick Jadot et Fabien Roussel n'ont de cesse de critiquer le bilan du chef de l'Etat et sa manière de gouverner le pays, avec plus ou moins de virulence.

Les points qui ne font pas consensus

• L'abandon du nucléaire
Omniprésent ou inexistant ? Le nucléaire est l'un des points de frictions à gauche. Sa place est centrale aux yeux de Fabien Roussel, dans un mix énergétique composé d'énergies renouvelables et d'atome. Longtemps seul, le communiste s'est vu proposer dimanche 12 décembre un projet de référendum sur cette question par Jean-Luc Mélenchon, qui avait pourtant pour ambition de sortir du nucléaire avant 2045. Soit peu ou prou l'échéance fixée par Yannick Jadot dans son programme. Anne Hidalgo, elle, veut abandonner ce mode de production d'électricité "aussi vite que possible", mais pas avant que le renouvelable ait pu suppléer les réacteurs existants.

• L'âge de départ à la retraite
L'ensemble des candidats est opposé à la réforme des retraites telle qu'elle était prévue par le gouvernement avant la crise du Covid-19. Pour 2022, les nuances à gauche sont assez nettes, mais pas indépassables. Jean-Luc Mélenchon prône le retour de l'âge légal de départ à 60 ans pour 40 années de cotisation, contre 37,5 années de cotisation pour Fabien Roussel. Anne Hidalgo ne veut pas reculer l'âge légal de départ au-delà de 62 ans, ce que proposent également Yannick Jadot et Arnaud Montebourg.

• La sécurité
Sur les questions sécuritaires, placées au centre des débats par la droite et l'extrême droite, les candidats de gauche ne sont pas toujours sur la même longueur d'ondes. Jean-Luc Mélenchon avait dénoncé le caractère "factieux" de la grande manifestation des policiers organisée en mai. Il propose de "refonder les activités de police pour garantir le droit à la sûreté" des citoyens, tout en démantelant les brigades anti-criminalité et en abrogeant les "lois sécuritaires inefficaces". Les communistes n'ont pas cette vision des forces de l'ordre : "Il est inadmissible de s'en prendre aux policiers", estime Fabien Roussel, qui avait justement participé à cette manifestation, comme Yannick Jadot et Olivier Faure, le patron du PS. Le candidat du PCF considère la sécurité comme un "droit fondamental" et prône "une politique de sanction et de répression ferme" contre ceux qui s'en prennent aux "détenteurs de l'autorité publique".

• La légalisation du cannabis
En cas d'accession de l'un de ses représentants à l'Elysée, la gauche mettra-t-elle en œuvre la légalisation du cannabis ? C'est en tout cas ce que feraient Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot. Le PS d'Anne Hidalgo n'a pas encore pris position mais souhaite un débat sur le sujet, tandis que Fabien Roussel et Arnaud Montebourg n'y sont pas favorables.

Les grandes lignes de fracture

• La forme de l'Etat
Etat jacobin ou décentralisé ? Le rôle de l'Etat dans l'économie, la société et la vie des citoyens a longtemps clivé la gauche et continue de la diviser. En 2022, "l'Etat stratège" aura pour mission de planifier la "bifurcation écologique" et la "mobilisation dans tous les secteurs de la société", selon le programme de Jean-Luc Mélenchon. Yannick Jadot considère pour sa part qu'il faut "relancer un grand processus de décentralisation", avec un Etat qui "fait confiance aux forces vives comme aux territoires".

• Des visions différentes de la laïcité
En phase sur de nombreux points, La France insoumise et le Parti communiste se démarquent l'un de l'autre sur la laïcité. Affichant sa fermeté et défendant une "République laïque" pour 2022, Fabien Roussel dénonce les positions de LFI, qu'il juge ambiguës, sur "la neutralité des agents du service public" ou "la protection des enseignants" contre les intégrismes religieux. Face à ces critiques, Jean-Luc Mélenchon promet de "combattre tous les communautarismes et l'usage politique des religions" en cas d'élection. Si Yannick Jadot considère que "la loi sur la laïcité est un joyau de la République", Anne Hidalgo a reproché fin novembre à EELV d'avoir "un problème de rapport à la République".

• L'Europe
Le rapport à l'Union européenne, dirigée par la France au premier semestre 2022, est l'une des principales pierres d'achoppement entre Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot. Le premier prône "la rupture concertée avec les traités actuels" et fustige la candidature "proeuropéenne" du second, dont le parti défend un fédéralisme européen. Anne Hidalgo, elle, dénonce l'austérité tout en défendant une Europe "forte"Moteur de l'Union européenne et désormais dirigée par le social-démocrate Olaf Scholz, l'Allemagne est très critiquée par les insoumis, alors qu'EELV veut "la création d'une union d'action franco-allemande pour les transitions écologique, sociale et démocratique". Sur l'économie, Yannick Jadot veut un protectionnisme aux frontières de l'Union européenne avec un "Buy European Act", tandis que Jean-Luc Mélenchon, Fabien Roussel et Arnaud Montebourg défendent la souveraineté nationale.

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