Abstention record, désillusion du RN, "prime au sortant"... Ce qu'il faut retenir des résultats et de la soirée du premier tour des élections régionales
Avec une participation très faible, le scrutin a été marqué par des déceptions pour le Rassemblement national et La République en marche. Les Républicains et le Parti socialiste en sortent ragaillardis.
Repoussé de trois mois en raison de l'épidémie de Covid-19 en France, le premier tour des élections régionales et départementales a livré son verdict. Dans un scrutin marqué par une abstention historique, Les Républicains et leurs alliés se sont imposés, dimanche 20 juin, comme la première force politique au niveau national, recueillant 28,4% des suffrages, devant le Rassemblement national (19,3%) et le PS et ses alliés (15,8%), selon des estimations Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions. La majorité présidentielle ne pointe qu'en cinquième position (10,6%), derrière Europe Ecologie-Les Verts et ses alliés (13,2%).
Une nouvelle carte de France a été esquissée, qui reste à colorier au second tour, dimanche prochain. En attendant, voici ce qu'il faut retenir de ce premier tour de scrutin.
Le chiffre : 66,1% d'abstention
Ces élections ont été boudées par 66,1% du corps électoral, selon une estimation Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions. Sur fond de crise sanitaire, ce chiffre d'abstention constitue un record dans l'histoire de la Ve République, loin devant le précédent établi lors des élections européennes de 2009 (59,4%). C'est dans la région Grand Est que la désertion des urnes est la plus marquée, avec 70,8% d'absents. En 2015, à l'issue du premier tour des régionales, l'abstention nationale avait été de 50,1%.
Le fait marquant : la désillusion du RN
Donné en tête dans six régions selon les derniers sondages, le Rassemblement national n'arrive finalement premier qu'en Provence-Alpes-Côte d'Azur, d'après des estimations Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions. Dans cette région, le candidat RN Thierry Mariani (35,5%) devance de peu le président sortant LR Renaud Muselier (33%). C'est une claque pour le parti de Marine Le Pen, qui était arrivé en tête dans six régions au premier tour en 2015 et avait atteint 28%, contre 19,3% aujourd'hui. "La colère fait parfois baisser les bras", analyse le maire RN de Perpignan, Louis Alliot, reconnaissant "une déception". Marine Le Pen, elle, estime que l'abstention, un "désastre civique", "donne une vision trompeuse de la réalité électorale".
La carte : la France bleue et rose
La droite et la gauche font mieux qu'au premier tour de 2015. A l'époque, la droite était arrivée en tête en Ile-de-France, en Auvergne-Rhône-Alpes, en Normandie et dans les Pays-de-la-Loire. Le scénario se répète ce dimanche, avec deux régions supplémentaires en bleu : les Hauts-de-France et le Grand Est. En 2015, la gauche n'était arrivée en tête du premier tour qu'en Bretagne et en Nouvelle-Aquitaine. Elle reste devant dans ces régions et impose du rose au premier tour dans trois autres : l'Occitanie, la Bourgogne-Franche-Comté et le Centre-Val de Loire.
Le gros score : Wauquiez au-dessus du lot
Le président LR sortant de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, termine la soirée avec la palme du plus gros pourcentage. Avec 42,7% des suffrages, il se réjouit d'être allé "bien au-delà de toutes les attentes". Ce candidat potentiel de la droite en 2022 ne laisse que des miettes à ses poursuivants, dont aucun ne dépasse les 14%, selon une estimation Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions. L'autre gros score du jour est à mettre à l'actif d'un autre président sortant de droite, lui aussi prétendant à l'investiture de la droite pour la présidentielle, Xavier Bertrand, qui recueille 42,1% des voix dans les Hauts-de-France, là aussi à un niveau bien plus élevé que ce que laissaient suggérer les sondages.
La citation : une "rouste" pour l'exécutif
"Tous les ministres se sont pris une rouste ce soir, certains devraient démissionner."
Alexis Corbière, député de La France insoumisesur France 2
Force est de constater que la majorité présidentielle est passée au travers. Dans les Hauts-de-France, la liste menée par le secrétaire d'Etat Laurent Pietraszewski est éliminée dès le premier tour. Elle ne recueille que 9,1% des voix, malgré les candidatures de poids lourds du gouvernement comme le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, et le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. En Bretagne ou en Centre-Val de Loire, deux régions sur lesquelles lorgnait LREM, les candidats de la majorité arrivent respectivement troisième et quatrième. "C'est l'échec d'Emmanuel Macron et du gouvernement", se réjouit la maire LR du 7e arrondissement de Paris, Rachida Dati.
L'analyse : la "prime aux sortants"
Dans la quasi-totalité des régions, les présidents sortants ont réalisé de bons scores. "Le peu de citoyens qui sont allés voter, dans un contexte d'une offre illisible, sont allés voter pour les présidents en place identifiés", analyse le politologue Rémi Lefebvre sur franceinfo. Il y voit une confirmation d'un phénomène déjà observé lors des municipales de 2020, marquées par une forte abstention. Cette "prime au sortant" est notamment liée à la "notoriété" des présidents en place et à la "faible campagne" qui n'a pas permis aux autres candidats de se faire remarquer, ajoute le politologue Jean-Philippe Moinet, toujours sur franceinfo.
Le coup de poker : la gauche en Paca
Arrivé en troisième position derrière Thierry Mariani (RN) et Renaud Muselier (LR), l'écologiste Jean-Laurent Felizia (15%) a annoncé qu'il entendait maintenir sa liste au second tour. Même si le candidat du RN est sorti du premier tour en tête, le troisième homme de ce scrutin estime que la droite "devrait être en position de l'emporter sans avoir à chercher d'alliance artificielle".
Le choix de l'écologiste a provoqué un tollé à gauche. Appelant à "faire barrage à l'extrême droite", Europe Ecologie-Les Verts a annoncé sur Twitter que son bureau politique, réuni dans la soirée, allait retirer son soutien au candidat s'il se maintenait. Dans un tweet, le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a également appelé "solennellement au retrait de la liste", ajoutant qu'"aucun risque ne peut être pris face à l'extrême droite".
Le couac : le facteur n'est pas passé
Marqué par plusieurs couacs, le premier tour a mis en évidence des problèmes de distribution de la propagande électorale en amont du vote. Chargée de glisser ces courriers dans les boîtes aux lettres de certaines régions, la société Adrexo a privé des milliers de foyers de ces plis. "Adrexo nous déclare avoir livré 99% des 42 millions de plis qui lui ont été confiés", a précisé Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, sur France 2.
Evoquant les "dysfonctionnements" qui ont perturbé le scrutin, le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a réclamé l'ouverture d'une commission d'enquête sur le scrutin. Le député LFI de Marseille a également annoncé que son parti, crédité de 5,3% des voix dimanche, déposerait une proposition de loi pour "un seuil minimum de participation pour qu'une élection soit déclarée valide".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.