Autostop, voûte plantaire et coups tordus, la vie de l'insubmersible Georges Tron
Alors que la Cour de cassation doit décider, mercredi, si le maire UMP de Draveil doit être jugé en appel dans une affaire de viols, francetv info se penche sur son parcours jonché de polémiques.
Les résultats du second tour des élections départementales, conclues dimanche 29 mars par une large victoire de la droite, ont un goût particulier pour Georges Tron : celui de la revanche. Réélu dans son propre canton, le maire UMP de Draveil a salué "l'une de ses plus belles victoires". Et même si les autres élus UMP de l'Essonne refusent qu'il soit candidat à la présidence du département, l'ancien ministre a tout de même décidé de briguer le poste. Une nouvelle fois, celui qui a su naviguer entre Jacques Chirac, Edouard Balladur, Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, refuse de jeter l'éponge face aux accusations de viols qui pèsent sur lui depuis 2011.
Alors que la Cour de cassation doit décider, mercredi 1er avril, si le maire de Draveil, qui a bénéficié d'un non-lieu en première instance en 2013, doit être jugé en appel, Francetv info se penche sur les ennuis, moins connus, qui ont jalonné le parcours de ce survivant en politique.
Une cousine qui prend Balladur en autostop
La première fois que le nom de Georges Tron défraie la chronique, c'est pour une histoire d'hélicoptère et d'autostop. Nous sommes en mars 1995, et Edouard Balladur est en pleine campagne pour la présidentielle. Alors qu'il doit assurer un déplacement en Provence, le Premier ministre est en retard. Son hélicoptère a dû atterrir en rase campagne, à cause du brouillard, à 10 km de sa destination. Forcé de faire de l'autostop, le chef du gouvernement s'en remet à Claire Lacaille, une automobiliste qui "passait par là" et qui l'embarque dans sa Mercedes pour l'amener jusqu'à son rendez-vous.
L'anecdote fait sourire, mais les soutiens de Jacques Chirac, ennemi juré du Premier ministre, crient au coup monté, comme l'explique Libération. L'automobiliste providentielle n'est autre qu'une cousine par alliance de Georges Tron, alors directeur de campagne d'Edouard Balladur. Selon les chiraquiens, l'objectif de cette opération serait de "faire peuple" auprès d'un électorat qui voit Balladur comme un aristocrate guindé voyageant en chaise à porteurs. Georges Tron dément, mais concède le lien de parenté qui l'unit à Claire Lacaille, une "cousine germaine de son père" qu'il ne voit "pas souvent". La polémique prend fin avec la défaite d'Edouard Balladur à la présidentielle. Et Georges Tron, comme tous les balladuriens, retombe dans l'anonymat.
Jusqu'à l'année suivante. En juin 1996, une autre manœuvre politique, beaucoup plus gênante, l'éclabousse. Son ennemi juré, le socialiste Thierry Mandon, alors maire de Ris-Orangis, commune de l'Essonne voisine de Draveil, fait face à des émeutes provoquées par des jeunes issus de quartiers sensibles. Comme le révèle Libération à l'époque, l'attachée parlementaire de Georges Tron tente alors de persuader, par téléphone, un animateur de Ris-Orangis de pousser des jeunes à casser des équipements publics. En échange, elle leur assure un futur soutien du maire de Draveil pour trouver du travail.
"On surnommait Tron 'le masseur chinois'"
Dans un premier temps, Georges Tron dément, dénonce des propos déformés et défend sa collaboratrice. Sauf que la conversation a été enregistrée. Dès sa publication, le maire de Draveil change de braquet et condamne la démarche de l'attachée parlementaire, qui sera renvoyée. La plainte déposée contre Georges Tron pour "provocation à la commission d'actes de violences" est classée sans suite deux mois plus tard. L'élu UMP s'en sort encore indemne.
A l'époque, le nom de Georges Tron fait plutôt sourire ses collègues. Car le parlementaire essonnien confie facilement aux autres députés sa passion pour la réflexologie, discipline qui consiste à masser les pieds pour agir sur des points sensibles. "On surnommait Tron 'le masseur chinois'", raconte Pierre Charon, l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, dans Le JDD. Il est également de notoriété publique qu'il ne masse que les pieds féminins, une tendance qui viendra donner de l'épaisseur aux accusations de viols portées en 2011 par deux ex-employées de la mairie de Draveil.
En décembre 2013, la justice a d'abord prononcé un non-lieu dans cette affaire. Au cours de l'instruction, plusieurs victimes de la passion de Georges Tron ont expliqué qu'il avait une propension à masser orteils et voûtes plantaires, sans en demander la permission, comme le détaille Mediapart, qui publie des extraits de l'ordonnance de non-lieu.
Une journaliste de Paris-Match raconte ainsi comment, après une interview durant laquelle Georges Tron lui fait du charme, le député propose de la raccompagner en voiture pour un voyage particulier. "Je suis montée à sa droite, passager avant. Alors que nous venions de démarrer, subitement Georges Tron s'est penché, il a saisi mon pied gauche. (...) Il a massé mon pied avec sa main droite, en conduisant. J'ai tenté de retirer ma jambe, mais il tenait mon pied fermement. (...) J'ai clairement vu à ses yeux que ses massages avaient une connotation sexuelle et qu'en aucun cas il ne s'agissait de médecine douce. D'autant plus qu'il ne m'avait pas demandé mon avis." La journaliste quitte le véhicule au feu rouge suivant, escarpin à la main.
"Il a fait de moi quelqu'un de sale"
Cette fois, Georges Tron a du mal à sortir indemne de cette affaire de pieds qui empoisonne sa carrière. L'année qui suit le dépôt de plainte, il n'est pas réélu député dans sa circonscription lors des législatives de 2012. Mais il réussit à rebondir et "l'affaire Tron" lui sert alors d'argument de campagne pour remporter les municipales de 2014 et les départementales de 2015 : dès qu'il est critiqué par un adversaire, il brandit le non-lieu prononcé en 2013, estime que "la présomption d'innocence" est bafouée et dénonce un complot politique.
Il pointe notamment du doigt la responsabilité du camp de Philippe Olivier, ex-cadre du FN, beau-frère de Marine Le Pen et candidat à toutes les élections à Draveil depuis 2012. "Je suis habitué à gérer les mensonges de ces gens-là, explique l'élu UMP à francetv info en 2014. Ils prétendront demain que j’ai assassiné Kennedy en 1963." Entre rumeurs, tracts anonymes, et accusations, la bataille politique est à couteaux tirés dans l'Essonne. Georges Tron y bénéficie d'une image de victime alors qu'il utilise, lui aussi, des méthodes discutables.
Pendant la campagne des municipales, le maire de Draveil s'adonne ainsi à une pratique étrange, dirigée contre un des membres de la liste de Philippe Olivier : dès qu'il le croise dans la rue, l'ancien ministre se met à crier : "Cannabis ! Cannabis !" Une référence au fils de cet adversaire politique, condamné pour culture de cannabis. "Pendant la campagne des législatives de 2012, il a fait de moi quelqu'un de sale, rétorque Georges Tron. Il n'a aucune leçon à me donner !" L'ancien ministre déchu, puis réhabilité, a en revanche pas mal de conseils à fournir à ceux qui ont, un jour, dévissé et voudraient repartir à la conquête des sommets politiques. Il faut dire que, outre les pieds, Georges Tron a une autre passion, l'alpinisme.
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