Cycliste mort écrasé à Paris : ce que l'on sait des circonstances du drame, pour lequel un automobiliste a été mis en examen pour meurtre
L'affaire a créé l'émoi dans la capitale. Deux jours après la mort d'un cycliste âgé de 27 ans à Paris, l'automobiliste soupçonné de l'avoir écrasé a été mis en examen pour meurtre et placé en détention provisoire, vendredi 18 octobre, a appris franceinfo auprès du parquet de Paris. Agé de 52 ans, il conduisait un SUV, avec sa fille de 17 ans à bord, quand les faits se sont produits. La victime, Paul Varry, était membre de l'association Paris en selle. Voici ce que l'on sait des circonstances du drame et de l'enquête.
Une altercation qui dégénère sur une piste cyclable boulevard Malesherbes
Les faits se sont déroulés mardi à 17h45, sur le boulevard Malesherbes, dans le 8e arrondissement de Paris. Sur cette voie très fréquentée, bus, voitures et vélos doivent se partager la route. Une altercation survient alors entre le conducteur d'un SUV, qui a emprunté la piste cyclable, et un cycliste. Selon "des témoignages recueillis à ce stade" et l'exploitation de la vidéosurveillance, "le conducteur du véhicule remontait la piste cyclable sur 200 mètres et aurait roulé sur le pied du cycliste qui se trouvait à sa gauche", a relaté le parquet de Paris.
Le jeune homme a "donné un coup sur le capot pour alerter le conducteur, qui aurait dans un premier temps reculé, dégageant le pied", a poursuivi le ministère public. Le cycliste a alors "lâché son vélo pour se positionner à l'avant gauche de la voiture, manifestant son mécontentement". Selon cette même source, le conducteur a "tourné ses roues en direction du piéton et repris une marche avant en sa direction". Des témoins de la scène ont "perçu une attitude volontaire du conducteur lors du mouvement de la voiture vers le cycliste".
La fille de l'automobiliste, née en 2007, se trouvait à bord du véhicule, un SUV, au moment des faits, selon plusieurs médias.
Une enquête ouverte pour meurtre contre l'automobiliste
Le conducteur, âgé de 52 ans, a rapidement été interpellé et placé en garde à vue. Les premières investigations ont confirmé qu'il avait roulé sur le corps du cycliste. "L'autopsie a confirmé les marques d'un franchissement du corps par le véhicule" et "la vidéosurveillance montre une surélévation de l'avant, puis de l'arrière du côté gauche du véhicule", a précisé le parquet, ajoutant que "les dépistages d'alcool et de stupéfiants" pratiqués sur l'automobiliste "se sont révélés négatifs".
Une enquête pour meurtre a été confiée au premier district de la police judiciaire. La garde à vue du conducteur a été levée jeudi en fin de journée et "le parquet a ordonné qu'il soit conduit au dépôt du tribunal en vue de sa présentation (vendredi) à un juge d'instruction", a-t-il précisé. Il a été mis en examen pour meurtre vendredi après-midi et présenté à un juge des libertés et de la détention, qui l'a placé en détention provisoire, a précisé le parquet de Paris à franceinfo.
"La qualification juridique retenue de meurtre s'impose dans ce dossier. Nous sommes sur un acte volontaire", a estimé sur franceinfo l'avocat de la famille du cycliste décédé, Yassine Bouzrou. "Personne ne peut ignorer qu'avec un véhicule de plus de deux tonnes, l'écraser ne peut conduire qu'à la mort. Le véhicule, en l'espèce, est une arme par destination", appuie-t-il.
Un rassemblement en hommage à la victime, connue pour son engagement en faveur du vélo
Environ 200 personnes se sont rassemblées mercredi soir place de la Madeleine, à quelques mètres du lieu de l'accident, pour rendre hommage à la victime. Ils étaient nombreux, vélo à la main, à déposer des fleurs blanches et des bougies au pied des marches de l'église de la Madeleine en mémoire de Paul Varry, connu pour son engagement en faveur du vélo. Il était notamment "adhérent actif" de Paris en selle, selon l'association. Sa présidente, Anne Monarché, très émue, a dépeint le trentenaire comme quelqu'un qui "se battait pour une ville apaisée, pour qu'on puisse faire du vélo en sécurité".
"C'est inacceptable de mourir aujourd'hui à Paris, à 27 ans, en faisant du vélo. Ces actes doivent être condamnés sévèrement."
Anne Hidalgo, maire PS de Parisà l'AFP
La municipalité de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), où le jeune homme habitait, a rappelé dans un communiqué qu'il "avait fait du développement du vélo un engagement de sa vie, rédigeant notamment le livre blanc pour les piétons et les cyclistes" de la commune, "qui a largement inspiré l'action publique dans le déploiement des mobilités douces à l'échelle de la ville". La ville lui rendra un hommage "dans les prochains jours" en présence "des responsables associatifs et des militants qui l'ont connu".
La Ville de Saint-Ouen est bouleversée par la mort à 27 ans de Paul Varry, tué volontairement par un automobiliste alors qu’il circulait à vélo dans les rues du VIII° arrondissement de Paris. pic.twitter.com/965OYkPthc
— Ville de Saint-Ouen-sur-Seine (@villesaintouen) October 16, 2024
Une mort qui relance le débat sur la cohabitation entre automobilistes et cyclistes
Le drame a suscité de vives réactions de la part d'élus de la capitale, où les mobilités douces, en particulier les vélos, ont pris ces dernières années une place de plus en plus prépondérante. Elue en 2014, puis réélue en 2020, Anne Hidalgo a fait du développement de la circulation à vélo l'un des axes principaux de sa politique et, dans Paris intra-muros, le vélo a dépassé la voiture comme moyen de déplacement.
"Il y a un développement des modes de transport sur le vélo, les trottinettes, les motocyclistes, les motos" et donc "un usage qui est de plus en plus partagé de l'espace public à Paris", a déclaré jeudi sur BFMTV et RMC le préfet de police, Laurent Nuñez. Il y a donc "tout un usage de l'espace public à réguler".
Pour Yves Le Jan, administrateur de l'association Paris en selle, ce n'est pas "une simple altercation mais l'expression de la violence motorisée", témoigne-t-il auprès de France Télévisions. "Il faut étudier les conséquences et agir contre ce phénomène" de violences sur la route, appuie auprès de franceinfo Nicolas Nordman, adjoint à la maire de Paris en charge de la prévention, de la sécurité et de la police municipale et de l'aide aux victimes.
"La cohabitation entre, d'une part, les cyclistes, les véhicules à moteur, mais aussi les piétons doit être pacifiée pour permettre à chacun d'être dans les rues en toute sécurité."
Nicolas Nordman, adjoint à la maire de Parisà franceinfo
La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a expliqué à la presse qu'elle "ne prendra[it]) pas position" sur l'interdiction des SUV à Paris, réclamée par le sénateur communiste Ian Brossat. "L'heure est plutôt au recueillement que saisir ce prétexte pour pousser un agenda qui ne me paraît pas forcément adapté à la situation", a-t-elle ajouté. En 2023, 226 cyclistes sont morts sur les routes de France, dépassant pour la troisième année consécutive le seuil des 200 morts.
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