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Procès de Nordahl Lelandais : la réclusion criminelle à perpétuité requise contre un "ravageur d'innocence"

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Jacques Dallest, l'avocat général au procès de Nordahl Lelandais devant la cour d'assises de l'Isère, le 17 février 2022. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCEINFO)

Alors que l'avocat général a demandé la peine la plus lourde possible, la défense a plaidé pour réintégrer l'accusé dans "la communauté des humains". Car "jamais il ne sera Klaus Barbie", a lancé Alain Jakubowicz.

C'est la peine maximale encourue. L'avocat général Jacques Dallest a requis, jeudi 17 février, la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 22 ans, contre Nordahl Lelandais. Il est jugé par les assises de l'Isère pour avoir enlevé et tué Maëlys de Araujo, 8 ans, en août 2017, ainsi que pour des agressions sexuelles contre deux petites-cousines de 4 et 6 ans, au cours du même été. "Je vous demanderai donc de déclarer Nordahl Lelandais grand criminel, grand prédateur, coupable des faits reprochés", a réclamé Jacques Dallest.

Au cours de son réquisitoire qui a duré près de deux heures, l'avocat général est revenu sur les motivations de Nordahl Lelandais lorsqu'il a enlevé la fillette. "Evidemment le mobile est sexuel", a-t-il lancé, ajoutant avoir "la conviction qu'un geste sexuel a été imposé à Maëlys, attouchements ou pénétration". "Mais je ne peux pas le démontrer, nous ne pouvons pas le démontrer", a-t-il précisé. Ainsi, Nordahl Lelandais n'est pas jugé pour viol dans cette affaire faute d'"élément matériel", car le corps de la fillette a été retrouvé dans un état trop dégradé, six mois après sa disparition.

"Il a une emprise prédatrice sur ses victimes"

Pour l'avocat général, ces trois semaines de procès se résument à "des aveux et des mystères". Il a ainsi fait référence à ce moment d'audience, le 11 février, quand Nordahl Lelandais a reconnu avoir "volontairement" tué Maëlys, alors qu'il parlait d'un "accident" auparavant. "Il a réalisé que ce n'était plus possible de dire cela", a souligné Jacques Dallest jeudi matin. "Lorsqu'on cumule l'intensité des coups, leur violence, leur multiplicité, on a affaire à une intention d'homicide caractérisée", a-t-il insisté.

Mais, même si l'accusé a admis "l'intégralité des fait qui lui sont reprochés", il "reste toujours des interrogations" sur les circonstances de la mort de Maëlys. "Il aurait porté Maëlys : il n'y a pas de sang sur son tee-shirt. Le short qu'il a jeté : y avait-il du sperme sur ce bermuda ? Les griffures qu'est-ce que ça veut dire ? Est-ce que ce sont les ronces ou est-ce que c'est Maëlys ?", a listé Jacques Dallest. Ces questions resteront "sans réponse", note le magistrat, qui ne peut que constater que la fillette, "enfant du bonheur", a été "à sa merci". "L'excitation sexuelle le met dans un état tel qu'il se sent supérieur aux autres, il a une emprise prédatrice sur ses victimes qu'il a déshumanisées", a analysé l'avocat général.

"Menteur permanent", "manipulateur", Nordahl Lelandais n'est pas "un tueur en série", estime l'avocat général, qui a qualifié l'accusé de "psychopathe", de "raté de la vie qui a fait parler de lui". Avant de requérir la réclusion criminelle à perpétuité, il s'est aussi adressé à l'ancien maître-chien qui aura 39 ans vendredi. 

"Vous êtes un destructeur de bonheur, un ravageur d'innocence, le massacreur d'une enfant."

Jacques Dallest, avocat général

lors de son réquisitoire

Un homme à la "double personnalité", "sans émotions", qui a encore la possibilité de s'exprimer une dernière fois vendredi matin, avant les délibérations.

"Le problème, c'est qu'il nous ressemble"

Cette image, les avocats de Nordahl Lelandais se sont évertués à la casser, dans leurs plaidoiries, jeudi après-midi. "Ses amis sont venus à la barre : il n'y en a pas un qui a parlé d'un monstre", a insisté le premier, Mathieu Moutous. Mais c'est surtout le célèbre avocat lyonnais de 68 ans, Alain Jakubowicz, mutique dans les médias depuis le début du procès, qui a tenté de le réintégrer au sein de "la communauté des humains". "Ça nous aurait rassuré de savoir qu'il est un monstre, qu'il est différent de nous, a-t-il déclaré. Ben non." "Le problème, c'est qu'il nous ressemble", a insisté, l'index levé, le conseil de Nordahl Lelandais, qui parle d'un "homme banal", "un éternel adolescent".

"Jamais, jamais il ne sera Klaus Barbie", a même lancé l'avocat, alors que l'un de ses confrères de la partie adverse a évoqué le procès historique du criminel de guerre allemand dans sa plaidoirie. Or, à l'époque du procès, Alain Jakubowicz était du côté de la partie civile. "Vous avez touché la corde sensible", confesse l'avocat de Nordahl Lelandais. "Alors que s'est-il passé ? Comment 'Nono' est-il devenu 'l'autre' ?" interroge Alain Jakubowicz. L'avocat l'a souvent dit pendant les trois semaines d'audience : il considère l'année 2017 comme un point de rupture.

"Il a tué le caporal Noyer, mais personne ne lui a demandé des comptes. Nordahl Lelandais a, à ce moment-là, un sentiment de toute-puissance, d'impunité."

Alain Jakubowicz, avocat de Nordahl Lelandais

dans sa plaidoirie

"Il a commencé à comprendre"

De la mort d'Arthur Noyer à celle de Maëlys de Aurajo : Alain Jakubowicz revient sur la nuit du 27 août 2017 au cours de laquelle Nordahl Lelandais a enlevé puis tué la fillette, en plein mariage, à Pont-de-Beauvoisin (Isère). "Il dit : 'Je ne l'ai pas forcée à monter, donc je ne l'ai pas enlevée.' Mais si, il y a un enlèvement, je le lui ai expliqué. Cette petite fille, Maëlys, n'avait rien à faire dans sa voiture à 3 heures du matin. Il y a un seul responsable, c'est lui", pointe l'avocat. Et désormais, depuis ses "aveux" du 11 février, Nordahl Lelandais le sait. "Je sais qu'on a tout dit sur ses aveux, arrachés par son avocat, qu'il est revenu dessus... C'est faux !", martèle Alain Jakubowicz.

"Ce procès n'a pas été inutile. Nordahl Lelandais a cheminé. Il a reconnu les faits."

Alain Jakubowicz, avocat de Nordahl Lelandais

dans sa plaidoirie

"Ce que je veux que vous réalisiez, c'est que c'est un tournant ce procès. Il a commencé à comprendre", plaide l'avocat, pour qui "ces aveux constituent une petite lueur d'espoir sur le chemin de la rédemption". Un "chemin qui sera long et douloureux". Mais le pénaliste veut convaincre la cour d'assises de l'Isère qu'il y parviendra : "Il est résolu à poursuivre et à intensifier, dans le milieu carcéral, son suivi psychologique", "a le projet de passer le baccalauréat". "Tout homme doit conserver un espoir", insiste-t-il. Et pour que l'accusé puisse encore espérer, Alain Jakubowicz demande une peine de 30 ans de prison plutôt que la perpétuité : "30 ans enfermé. C'est ce qu'il mérite. Et il le sait." Pour convaincre les jurés, il conclut : 

"Votre décision n'a pas à faire écho à l'opinion publique mais à y répondre en affirmant l'indépendance de la justice française."

Alain Jakubowicz, avocat de Nordahl Lelandais

dans sa plaidoirie

Le verdict est attendu vendredi après-midi.

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