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"On a voulu agir le plus vite possible et on n'a pas tellement pensé à notre santé" : un salarié de Lubrizol raconte la nuit de l'incendie

Un des salariés de l'usine chimique Lubrizol de Rouen a accepté de se confier pour la première fois et d'évoquer ses craintes pour sa santé.

Article rédigé par Sarah Lemoine
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
L'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen, le 26 septembre 2019. (ANTOINE SABBAGH / FRANCE BLEU HAUTE-NORMANDIE / RADIO FRANCE)

Réginald travaille depuis 25 ans à Lubrizol, à la production. Il fait partie des 450 salariés de l'entreprise classée Seveso de Rouen. Son travail est de superviser les mélanges de produits chimiques. Le 26 septembre, il est dans l'équipe de nuit quand l'alarme retentit et que débute l'incendie qui va détruire l'usine. Il raconte comment les salariés présents sur le site sont intervenus avec beaucoup de courage pour éloigner les produits des flammes. 

"On aurait peut être dû se protéger" : le témoignage d'un salarié de Lubrizol

"J'étais au laboratoire, se souvient-il. J'ai entendu l'alarme et je me suis dirigé vers le local incendie. Lorsque j'ai croisé mon chef de quart sur le terrain, j'ai vu qu'il avait l'air assez stressé. Je lui ai demandé ce qui se passait et il m'a dit : il y aurait le feu au A5. Le A5, c'est le bâtiment de stockage qui a brûlé. On a couru vers le bâtiment et là, on a constaté, au fond du bâtiment, qu'il y avait un départ de feu. Quand je dis un départ de feu, c'était déjà bien parti."

>> RÉCIT. De l'incendie de l'usine Lubrizol aux interrogations sur la nocivité des produits, retour sur six jours d'angoisse à Rouen

Les pompiers prévenus par une entreprise extérieure arrivent très vite sur le site. Réginald et ses collègues qui sont formés en permanence au risque incendie s'emploient alors à sécuriser le site. "On savait que le bâtiment allait brûler et qu'en fait, il fallait sécuriser autour. On a déplacé des conteneurs de produits qui étaient dangereux pour être le plus loin possible du feu. On a fait aussi un barrage avec de la sciure pour éviter que les produits coulants partent vers les unités. Tout le monde a bien réagi. Personne n'a paniqué. Ça a bien communiqué. Il y avait des opérateurs très jeunes avec moi, d'une vingtaine d'années."

Le feu était vraiment impressionnant. C'est assez curieux mais en fait avec l'adrénaline on se rend pas vraiment compte. C'est plus après, en fait.

Réginald

à franceinfo

Le gigantesque incendie a détruit  5 253 tonnes de produits chimiques. L'incendie a aussi touché trois entrepôts de son voisin Normandie Logistique qui stockait plus de 9 000 tonnes de produits sur son site. Mais on ne sait pas encore quels produits ont brûlé, ni leur quantité. 

Au-delà des interrogations sur l'avenir de l'usine, Réginald s'inquiète aussi pour sa santé. Car la nuit de l'incendie, il n'a pas eu le temps de mettre une tenue de protection. "On a voulu agir le plus vite possible et on n'a pas tellement pensé à notre santé. On avait la bouche qui piquait, on avait les bronches un peu prises. On aurait dû mettre l'appareil respiratoire, mais là, c'est vraiment compliqué à manier. On aurait dû mettre, au moins après, des masques pour les poussières. On savait très bien que dans le toit, il y avait de l'amiante, enfin tout ça.... C'est vrai qu'on aurait peut être dû se protéger mais on n'y pensait pas. On a fait une prise de sang et aussi un test urinaire pour avoir le contrôle du foie, des reins. On attend les résultats."

Les syndicats de Lubrizol ont décidé de faire appel à un expert indépendant pour évaluer la santé des salariés et des sous traitants en toute transparence.

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