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Affaire Tarnac : "On est devant la version moderne du procès en sorcellerie"

Le journaliste Marcel Gaya a expliqué, sur franceinfo, qu'"aucun élément matériel" permet de démontrer la culpabilité des huit prévenus dans l'affaire Tarnac dont le procès s'ouvre mardi.

Article rédigé par franceinfo
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Panneau de signalisation de la ville de Tarnac, en Corrèze. (PASCAL LACHENAUD / AFP)

Dix ans après le sabotage d'une ligne SNCF en novembre 2008, le procès dit du "groupe de Tarnac" débute, mardi 13 mars, devant le tribunal correctionnel de Paris. Après une décennie d'enquête, les accusations de terrorisme ont été abandonnées dans ce procès où il "n'y a aucune preuve", estime, mardi sur franceinfo, Marcel Gay. Pour ce journaliste, auteur de la contre-enquête Le coup de Tarnac, "on est devant la version moderne du procès en sorcellerie"

Dans ce dossier, huit prévenus comparaissent, quatre pour des délits mineurs : "refus de prélèvement ADN et recel de documents administratifs volés", deux autres pour "association de malfaiteurs". Quant à Julien Coupat et son ex-compagne Yildune Lévy, ils sont jugés pour "association de malfaiteurs", mais aussi pour "dégradations".

franceinfo : Pourquoi estimez-vous que les dés sont pipés dès le début dans cette affaire ?

Marcel Gay : Quand on porte des accusations contre des prévenus la moindre des choses est d'étayer ces accusations. En droit français, la charge de la preuve incombe à l'accusation. Or, j'ai lu l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, en 10 ans, la police anti-terroriste ne nous apporte pas le plus petit élément de preuve de l'implication des huit prévenus dans les sabotages des lignes TGV qu'on leur reproche.

Il n'y a aucune preuve aujourd'hui selon vous ?

À ma connaissance non, sauf coup de théâtre pendant l'audience. Aujourd'hui, il n'y a aucune preuve, aucun élément matériel. Je rappelle tout de même qu'il y a eu quatre sabotages de lignes TGV dans la nuit du 7 au 8 novembre. Or, un seul, celui de Dhuisy, en Seine-et-Marne, fait l'objet de l'attention de la police et de la justice. Les trois autres, on en parle plus, parce que la police s'est concentrée sur Julien Coupat, qui est présenté comme le chef charismatique d'une cellule invisible et sa compagne [à l'époque] Yildune Levy. Cette nuit-là, ils sont pris en filature par une vingtaine de policiers dont 6 de la sous-direction anti-terroriste, les autres de la DCRI à l'époque [Direction générale de la sécurité intérieure]. C'est qu'ils savent bien, dès le départ, qu'il va se passer quelque chose, mais quoi ? C'est à eux de nous le dire, moi je ne le sais pas.

Pourquoi étaient-ils surveillés à ce point-là ? Ce ne sont pas, pour vous, des membres violents de l'ultragauche comme cela a pu être dit ?

Si, peut-être, mais si on était dans un État de droit, il faut leur reprocher des faits précis, concrets et les renvoyer pour des faits qu'ils ont commis et que l'on peut démontrer. Si on ne peut pas, il ne faut pas les renvoyer devant un tribunal correctionnel ou un tribunal d'assises, puisque pendant 9 ans, c'est l'incrimination terroriste qui leur a collé à la peau. C'est la raison pour laquelle Julien Coupat a été jeté en prison pendant plus de six mois. Moi, je crois qu'on est devant la version moderne du procès en sorcellerie où l'on ne punit pas les gens pour ce qu'ils ont fait, mais pour ce qu'ils pourraient faire.

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