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Un an après, les rescapés de l'Hyper Cacher témoignent

Les clients et les employés de la supérette de la porte de Vincennes, à Paris, se souviennent du 9 janvier 2015. L'attaque d'Amedy Coulibaly y avait fait quatre morts.

Article rédigé par Camille Adaoust
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des fleurs sont déposées le 20 janvier 2015 devant l'Hyper Cacher, à Paris, lieu de la prise d'otages perpétrée par Amedy Coulibaly. (MAXPPP)

C'était il y a un an jour pour jour. Le vendredi 9 janvier 2015, à 13 heures, Amedy Coulibaly entre dans l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes, à Paris. S'ensuivent quatre heures d'une prise d'otages interminable et un bilan dramatique : trois clients et un employé sont tués. Le terroriste, lui, est abattu durant l'assaut du Raid. Un an après, les rescapés sont encore meurtris et tentent de se reconstruire peu à peu.

Yohann : "C'est tellement en moi, cette terreur..."

Yohann Dorai, rescapé de la prise d'otages à l'Hyper Cacher et auteur du livre "Hyper Caché", le 6 janvier 2016 à Paris. (MAXPPP)

Lors de la prise d'otages, Yohann Dorai était caché dans la chambre froide du sous-sol, avec cinq autres personnes et un bébé. Pour thérapie, il a rédigé un livre, Hyper Caché (éd. du Moment, 2016). "C'était obligé d'écrire. C'est tellement en moi cette terreur... J'avais envie que les gens sachent. Je voulais aussi rendre hommage à ceux qui y ont laissé leur peau, à la police, à tous ceux qui nous ont sauvés... Cela aide de raconter", explique-t-il à francetv info.

Pourtant, malgré les séances chez le psychologue et les discussions avec les autres otages qui ont partagé ces heures terribles, Yohann a énormément de mal à sortir de ce cauchemar. Patron d’une entreprise dans le bâtiment, il n’a pas repris le travail. Ses habitudes d’avant, les sorties au restaurant et les vacances en famille, sont, elles aussi, entre parenthèses. "Je n’imagine plus l’avenir", avoue-t-il.

Zarie : "Je tremble de peur dans la rue"

Ce 9 janvier 2015, Zarie était à la caisse. Elle remplaçait une employée malade dans ce magasin où son frère était directeur adjoint des stocks. Si, pendant des mois, elle n’a pas réussi à parler de ce traumatisme, elle a fait le récit de la prise d’otages après les attentats du 13 novembre, au Parisien. "Tout recommençait, c'est comme si j'étais prise en otage une deuxième fois", raconte-t-elle au journal.

Lorsqu'Amedy Coulibaly est entré dans la supérette, l’étudiante s'est cachée sous sa caisse. "J'ai senti le souffle d'une balle, à quelques centimètres de mon visage. Il n'avait aucune raison de me louper. Jamais je ne saurai s'il voulait me tuer ou me faire peur", explique-t-elle. Elle a ensuite, pendant plusieurs heures, dû suivre les ordres d’Amedy Coulibaly. Abaisser le rideau du magasin, amener les otages cachés au sous-sol, répondre au téléphone…

Depuis, sa vie a changé. "Je suis devenue paranoïaque, je tremble de peur dans la rue. Je ne me déplace presque qu'en taxi. Dans un endroit fermé, je cherche immédiatement les sorties..."

Lassana : "Je ne suis pas un héros"

Lassana Bathily est invité au congrès de la Ligue des droits de l'homme, le 20 mai 2015 au Mans (Sarthe). (MAXPPP)

Il est celui que tout le monde a érigé en héros. Employé de l’Hyper Cacher, Lassana Bathily a caché des otages dans la chambre froide, avant de s’échapper par le monte-charge et de donner de précieuses informations aux forces de l’ordre pour l’organisation de l’assaut. "Je ne veux pas qu’on dise que je suis un héros", explique pourtant le Malien à France 24. Comme Yohann Derai, Lassana Bathily a écrit un livre, paru le 6 janvier, intitulé justement Je ne suis pas un héros (éd. Flammarion).

Depuis la prise d’otages de l'Hyper Cacher, il a été embauché par la mairie de Paris, et a enchaîné les invitations et les rencontres. Il a également été par deux fois confronté à de nouveaux attentats. Il raconte en effet qu’il se trouvait à Bamako lors des attentats des 6 et 7 mars 2015. "A ce moment, je me posais des questions, je me demandais si j’étais poursuivi. Je n’ai pas dormi pendant une semaine", confie-t-il à France 24. Un sentiment revenu le 13 novembre, alors qu’il ne se trouvait qu'à quelques centaines de mètres du Bataclan, à Paris.

Noémie : "Après, ça a été difficile de sortir"

Noémie, elle, faisait partie de ces gens cachés dans la chambre froide du magasin. Quelques heures plus tôt, elle a suivi les informations : Charlie Hebdo, Montrouge, Dammartin… Alors quand la prise d'otages a débuté, Noémie a "tout de suite compris que c’était un attentat terroriste, parce que c’était une épicerie casher", explique-t-elle à l’AFP.

Après la prise d’otages, la peur ne l’a pas quittée. "Ça a été difficile de sortir, de prendre les transports, d’avoir d’autres gens près de moi", avoue-t-elle. Autrefois infirmière en soins intensifs, il lui est maintenant trop difficile d’être confrontée à la mort et au sang pour retourner travailler à l'hôpital. Elle pense même repartir en Israël. Pourtant, au fil des semaines, Noémie dit avoir fait des efforts pour recommencer sa vie.

Mais le 13 novembre, "ça a été comme si ça recommençait. J’avais l’impression de revivre à nouveau tout ça, peut-être encore plus intensément", raconte l’ancienne otage d’Amedy Coulibaly. Ses angoisses ont repris le dessus. "Je ne faisais plus de cauchemars, j’en ai refait, explique-t-elle. Il y a un retour en arrière."

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