Procès des attentats de Trèbes et de Carcassonne : qui sont les sept accusés renvoyés devant la cour d'assises spéciale de Paris ?

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
La salle des grands procès, au sein de la cour d'appel de Paris, où siègera en janvier 2024 la cour d'assises spéciale de Paris pour le procès des attentats de Trèbes et de Carcassonne. (Photographie du 2 septembre 2021) (THOMAS COEX / AFP)
Cinq d'entre eux sont soupçonnés d'avoir, en connaissant sa radicalisation, apporté leur soutien au terroriste Radouane Lakdim, abattu par les forces de l'ordre le jour de l'attaque, en mars 2018.

Près de six ans après les attentats de Trèbes et de Carcassonne (Aude), le procès d'une femme et de six hommes, âgés de 23 à 34 ans, s'ouvre devant la cour d'assises spéciale de Paris, lundi 22 janvier. Le terroriste Radouane Lakdim a été abattu lors de l'assaut donné par les forces de l'ordre dans le Super U de Trèbes, le 23 mars 2018. Avant cela, cet homme de 25 ans, qui s'était présenté comme un soldat du groupe Etat islamique (EI), avait fait quatre victimes, dont le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, qui a échangé la place d'une salariée retenue en otage, Julie Grand, contre la sienne.

Si l'EI avait, à l'époque, revendiqué ces attaques, les investigations n'ont pas permis d'établir de lien entre l'auteur et l'organisation. Elles ont en revanche permis d'identifier plusieurs personnes dans l'entourage de Radouane Lakdim. Au terme de quatre ans d'instruction, aucune d'entre elles n'est renvoyée devant la justice pour complicité. Cinq comparaissent pour association de malfaiteurs terroriste (AMT) criminelle, une qualification passible de trente ans de réclusion. Franceinfo vous présente ces accusés et vous explique ce qui leur est reproché.

Le meilleur ami de Radouane Lakdim et son ex-petite amie

Samir Manaa, 28 ans, est le plus proche ami de Radouane Lakdim dans ce dossier. Les deux hommes traînaient ensemble dans le quartier Ozanam de Carcassonne pour y faire du sport et, selon l'accusation, du trafic de stupéfiants. Si aucun élément n'a permis de démontrer une quelconque radicalisation de Samir Manaa, comme l'a reconnu le Parquet national antiterroriste (Pnat) dans son réquisitoire définitif, cet intérimaire dans le bâtiment ne pouvait, selon le Pnat et les juges d'instruction, ignorer celle de Radouane Lakdim. Ni son obsession pour les armes. C'est donc en connaissance de cause, selon les magistrats antiterroristes, qu'il l'a conduit dans une armurerie, deux semaines avant les faits, pour y acheter un couteau, utilisé pour égorger le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame.

Depuis son interpellation en octobre 2018, Samir Manaa assure avoir toujours ignoré les intentions terroristes de son "pote". "Je n'étais pas censé savoir ce qu'il allait faire du couteau", a-t-il déclaré devant les enquêteurs. Contacté par franceinfo, son avocat, Guy Debuisson, n'a pas souhaité répondre. Toujours en détention provisoire, son client comparaîtra dans le box.

L'ex-petite amie de Radouane Lakdim, elle, a été libérée au bout de deux ans et placée sous contrôle judiciaire. Marine Pequignot a rencontré Radouane Lakdim à l'âge de 14 ans – il en avait 22 – puis s'est convertie à l'islam. Pour l'accusation, la jeune femme partageait la même vision radicale de la religion, puisqu'elle projetait de se rendre en Syrie, et ne pouvait, non plus, ignorer la volonté de Radouane Lakdim de passer à l'acte. "Sa place est au final périphérique dans le dossier", estiment ses avocats, Alexandra Boret et Benjamin Bohbot, qui réservent leur défense pour la cour d'assises. Selon eux, Marine Pequignot était sous "l'emprise" de cet homme bien plus âgé et leur relation était distendue au moment des faits.   

Un internaute déjà condamné pour des faits de terrorisme

Le troisième accusé renvoyé pour association de malfaiteurs terroriste criminelle, Sofian Boudebbouza, 25 ans, a déjà été condamné quand il était mineur pour avoir projeté de se rendre en zone irako-syrienne en 2017. Il sera cette fois-ci jugé pour avoir fourni un soutien intellectuel à Radouane Lakdim. Les deux hommes ont commencé à échanger sur un forum de discussion acquis à l'idéologie jihadiste, trois mois avant les attentats. Le futur terroriste pensait alors qu'il était interdit de tuer certaines catégories de personnes (enfants, personnes âgées, femmes…) au nom du jihad. Selon les enquêteurs, Sofian Boudebbouza l'a convaincu du contraire. Ces derniers ont continué à converser "activement", selon le Pnat, pendant un peu plus d'un mois. Selon l'accusation, le jeune homme "a œuvré au projet mortifère de l'assaillant" et lui a fourni "des arguments religieux justifiant un passage à l'acte meurtrier". Placé sous contrôle judiciaire, il encourt la perpétuité, étant donné qu'il est en état de récidive légale.

Son avocate assure que Sofian Boudebbouza "attend ce procès pour s'expliquer et espère être entendu par ses juges". Selon Margot Pugliese, cela fait des années que son client "clame son innocence. Il n'a pas du tout voulu conforter Radouane Lakdim, qu'il n'a jamais rencontré, et encourager son passage à l'acte".

"La question qui se pose, c'est de savoir si un positionnement idéologique peut caractériser une association de malfaiteur terroriste sans aucune connaissance de l'auteur ni de son projet."

Margot Pugliese, avocate de Sofian Boudebbouza

à franceinfo

Le beau-frère du terroriste et un trafiquant de drogue

Ahmed Arfaoui, 28 ans, comparaît également pour AMT criminelle, alors que le Pnat avait requis son renvoi pour non-dénonciation de crime terroriste et soustraction de preuves. Beau-frère de Radouane Lakdim, il se voit reprocher de s'être "abstenu de dénoncer aux autorités judiciaires" le frère de sa femme, alors qu'il avait "parfaitement connaissance" de sa radicalisation et de son "projet criminel". Après les attentats, il a choisi pour photo de profil WhatsApp une image où figure Radouane Lakdim, avec la mention "Dieu le garde". Il est aussi accusé d'avoir nettoyé le domicile des Lakdim le jour de l'attentat, emportant un sac volumineux avec lui avant une perquisition des policiers.

Selon ses avocats, Emmanuelle Franck et Alexandre Martin, cette mise en cause repose sur "un seul témoin", le coaccusé Samir Manaa, et ne rentre pas dans le caractère préparatoire de l'association de malfaiteur terroriste. En détention provisoire depuis quatre et demi, Ahmed Arfaoui sera le second accusé dans le box. 

"Notre client est très en empathie avec les parties civiles mais ne se sent pas concerné. Et pourtant, c'est à lui qu'on demande des comptes." 

Emmanuelle Franck, avocate d'Ahmed Arfaoui

à franceinfo

Le cinquième accusé renvoyé pour association de malfaiteurs terroriste criminelle est Reda El Yaakoubi, placé sous contrôle judiciaire. Cet homme de 34 ans est présenté par l'accusation comme le leader du trafic de drogue dans le quartier Ozanam de Carcassonne. Selon le Pnat, il a fait travailler pour son compte Radouane Lakdim, sans ignorer lui non plus son "adhésion aux thèses mortifères de l'EI". En cela, il lui a "donné accès à des moyens financiers et à des armes permettant la préparation et la réalisation de son projet d'attentat".

"Les services de renseignement eux-mêmes n'avaient pas imaginé que Radouane Lakdim était capable de passer à l'acte !", souligne l'avocat de Reda El Yaakoubi, Edouard Martial. 

Deux connaissances jugées pour des délits connexes

Deux autres hommes, également sous contrôle judiciaire, seront quant à eux jugés pour des délits connexes. Sofiane Manaa, le frère de Samir Manaa, comparaîtra pour détention d'armes, alors qu'il était mis en examen lui aussi pour AMT criminelle. "C'est une belle décision qui n'était pas évidente à obtenir au regard de la pression populaire et du caractère insoutenable de ces actes terroristes, que je suis le premier à condamner", avait commenté auprès de France 3 son avocat, Pierre Debuisson. Baghdad Haddaoui est quant à lui renvoyé pour non-dénonciation de crime à caractère terroriste. Selon les juges d'instruction, cette connaissance de Radouane Lakdim disposait "d'informations" au sujet de sa "possession d'armes" et de sa "volonté de passage à l'acte" mais n'a pas prévenu les autorités. Sa défense n'a pas souhaité s'exprimer. 

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