"Il n'y a pas eu d'excuses" : pris à tort pour Xavier Dupont de Ligonnès, Guy Joao prépare une plainte
Guy Joao se confie à franceinfo, quatre mois après son arrestation en Écosse, où la police le suspectait d'être Xavier Dupont de Ligonnès. Aujourd'hui, le retraité demande des comptes.
Le 11 octobre 2019, Guy Joao, retraité français, est arrêté à l'aéroport de Glasgow en Écosse. Il est suspecté d'être Xavier Dupont de Ligonnès, avant d'être libéré 26 heures plus tard. Entre temps la police a bien cru tenir l'homme suspecté des meurtres de sa femme et de ses quatre enfants en 2011 à Nantes et l'a confirmé à tort aux médias. Quatre mois plus tard, Guy Joao reste très marqué par ce qui lui est arrivé et il demande des comptes. franceinfo a pu le rencontrer dans son pavillon de Limay dans les Yvelines. Un échange au cours duquel le retraité n'a pas souhaité être enregistré.
Les traits tirés, amaigri et fatigué... Guy Joao accuse le coup, physiquement et psychologiquement. Difficile d'encaisser ces 26 heures passées aux mains de la police écossaise sans comprendre ce qui lui arrive, sans qu'on lui parle de Xavier Dupont de Ligonnès mais avec cette question incessante : "Comment vous appelez-vous ?". Difficile aussi d'encaisser la tempête médiatique qui a suivi, et d'imaginer que quelqu'un l'a dénoncé. Alors dès le mois d'octobre, Guy Joao a pris un avocat en Écosse où il vit une partie de l'année avec son épouse.
Une plainte pour tenter de comprendre
Début janvier, Guy Joao et son avocat ont rencontré la police écossaise, qui l'avait arrêté. "Il n'y a pas eu d'excuses", regrette-t-il auprès de franceinfo, "que des justifications". Son avocat travaille désormais à la rédaction d'une plainte. Il a l'intention de la déposer en Écosse dans les semaines qui viennent. L'avocat de Guy Joao est en train d'en affiner les motifs, mais la question centrale est : qui est responsable de cette longue garde à vue ? Le retraité raconte n'avoir été libéré que le samedi soir, plusieurs heures après l'annonce par les médias du test ADN confirmant qu'il n'est pas Xavier Dupont de Ligonnès. Guy Joao veut comprendre ce qu'il s'est passé avec les empreintes digitales qui l'ont mis en cause.
Son avocat veut aussi savoir si le signalement l'incriminant a été traité de façon "raisonnable". Selon la police française, l'information initiale stipule que Xavier Dupont de Ligonnès circule dans un vol Roissy-Glasgow sous la fausse identité de Guy Joao.
"Je n'ai pas d'ennemi"
D'où vient cette information ? Europol, l'agence européenne de police criminelle, a été informée par Scotland Yard, selon cette même source policière française. Mais la police de Londres répond ne pas être impliquée dans cette affaire. Et à Europol, on assure "ne pas avoir été saisi sur cette opération". L'agence affirme également qu'un seul message a transité via la messagerie sécurisée SIENA mise à disposition des polices européennes. Un message envoyé de la France vers le Royaume-Uni, sans qu'Europol y ait accès... Police Scotland, la police écossaise, affirme de son côté que c'est "une autre force de police britannique qui a alerté les autorités françaises". Quant à la NCA, la National Crime Agency à Londres, elle indique avoir uniquement joué les "facteurs" dans cette affaire. Bref, on se renvoie la balle.
Guy Joao, lui, n'a aucune idée de qui a pu le dénoncer. "Je n'ai pas d'ennemi", répète-t-il. Lui et son avocat doutent qu'on puisse un jour retrouver celui ou celle qui l'a mis en cause. Notamment si cela a transité, comme l'évoquent certains médias, par la plateforme britannique Crimestoppers, qui est en lien avec la police et qui permet des signalements anonymes. Contactée par franceinfo, Crimestoppers ne confirme ni n'infirme avoir reçu un signalement dans cette affaire.
Le "mystère absolu" des empreintes digitales
La police française est-elle visée par Guy Joao ? Son avocat ne l'exclut pas, même si la police française estime avoir eu un fonctionnement "normal". Aux yeux des enquêteurs français, le signalement initial était certifié car il venait d'Europol, même si c'est contesté. À Paris, on pointe en revanche le "mystère absolu" des empreintes digitales. Selon un haut fonctionnaire, à plusieurs reprises, la police écossaise a confirmé oralement à la direction centrale de la police judiciaire que ces empreintes correspondaient à celles de Xavier Dupont de Ligonnès. Or, ces comparaisons d'empreintes dites papillaires, "c'est le b.a.-ba", se désole ce gradé, renvoyant la responsabilité de l'autre côté de la mer du Nord.
Guy Joao en veut-il aux médias ? À certains médias, oui, et son avocat n'exclut pas des procédures judiciaires. Il attend le résultat de l'enquête pour "violation du secret de l'instruction" confiée à l'IGPN, la police des polices. Une première transmission d'auditions a été faite au procureur de Nantes qui a diligenté ces investigations.
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