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Valls et Montebourg, le match des ambitieux pour Matignon

L'actualité des deux ministres relance les spéculations sur leur éventuel destin à Matignon. Qui est le mieux placé ? Francetv info vous aide à faire vos pronostics.

Article rédigé par Marion Solletty
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, et le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, le 31 octobre 2012 à l'Elysée (Paris). (PHILIPPE WOJAZER / REUTERS)

L'un est un héraut de l'aile gauche du PS, qui aime pourfendre les patrons peu scrupuleux et jouer les trublions du gouvernement. L'autre est un tenant de l'ordre et de la discipline, chouchou des électeurs de gauche qui penchent à droite, ou l'inverse, c'est selon. Leur point commun ? Arnaud Montebourg et Manuel Valls sont deux ambitieux décomplexés, régulièrement pressentis pour Matignon.

Alors que le ministre du Redressement productif a été l'auteur, mardi 9 juillet, d'un nouveau coup d'éclat sur le gaz de schiste, avant de rentrer dans le rang, son collègue de l'Intérieur rassemble ses soutiens, samedi 13 juillet, pour un banquet républicain en Camargue.

Deux faits politiques qui relancent les spéculations sur le potentiel de Premier ministrable des deux hommes, si Jean-Marc Ayrault devait quitter son poste. Peuvent-ils vraiment monter sur la plus haute marche du gouvernement ? Francetv info compare leur style et soupèse leurs chances.

La motivation : présente des deux côtés

"J'ai toujours pensé que j'avais la capacité d'assumer les plus hautes responsabilités de mon pays." Interrogé début juin par La Provence sur le poste de Premier ministre, Manuel Valls répond qu'il l'acceptera "bien évidemment" s'il lui est proposé. Sollicité sur le même sujet, Arnaud Montebourg affirme qu'il n'est "pas candidat", mais admet sans difficulté avoir "beaucoup d'ambition".

En réalité, les deux ministres visent déjà plus haut, vers un destin présidentiel. Le ministre du Redressement productif le dit tout de go : l'Elysée, il "y pense depuis des années". Quant au ministre de l'Intérieur, "il est dans une démarche de long terme vers un objectif : être président", confirme Gilles Verdez, co-auteur avec Jacques Hennen de Manuel Valls : les secrets d'un destin (Editions du moment).

Mais l'échéance guettée par les deux hommes est lointaine : neuf ans, si François Hollande se représente à l'issue de son mandat. D'ici là, un poste de Premier ministre serait un joli marche-pied.

Le style : l'amoureux du clash contre le bon petit soldat

Pour assouvir leurs rêves de grandeur, les deux hommes n'ont pas la même stratégie. Question de caractère, de parcours aussi. Arnaud Montebourg l'avocat, amateur d'envolées lyriques et de petites phrases cinglantes, doit beaucoup à son talent pour la confrontation. 

Fin 2012, sa passe d'armes, par presse interposée, avec Lakshmi Mittal sur l'avenir des hauts-fourneaux de Florange (Moselle) lui vaut un sérieux rappel à l'ordre de Jean-Marc Ayrault, mais aussi une envolée dans les sondages : il gagne, en l'espace d'un mois, 8 points dans la cote d'avenir TNS Sofres - Figaro Magazine.

Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, le 27 septembre 2012, sur le site ArcelorMittal de Florange (Moselle), aux côtés d'Edouard Martin, représentant CFDT sur le site. (JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP)

Le style de Manuel Valls est à l'opposé. Le ministre de l'Intérieur construit son parcours sur une image de loyauté et de sérieux. "La fidélité, le respect sont importants pour lui, ce n'est pas le genre à faire des écarts, confirme Gilles Verdez. Il a appris avec Michel Rocard et Lionel Jospin [qui ont marqué ses débuts en politique] qu'il n'y avait qu'un chef."

Le ministre rappelle d'ailleurs fréquemment son allégeance à François Hollande : ainsi, le rassemblement camarguais de samedi devrait comporter, selon Europe 1, un "hommage au hollandisme". Ce qui ne l'empêche pas de se préparer en coulisses aux plus hautes responsabilités. "Il a rassemblé autour de lui une équipe, construit une 'task force'" qui l'aide à travailler en vue de la fonction suprême, explique Gilles Verdez, notamment sur les sujets sur lesquels sa légitimité n'est pas établie, comme l'économie.  

Les idées : le gauchiste et le social-démocrate

Manuel Valls et Arnaud Montebourg portent la même étiquette politique, mais représentent chacun deux sensibilités opposées au sein de leur parti. Arnaud Montebourg, la gauche du PS, a souvent défendu des positions minoritaires dans son camp, de son "non" au référendum sur la Constitution européenne, en 2005, à ses batailles au gouvernement. Ses prises de position musclées contre les plans sociaux le mettent régulièrement en porte-à-faux avec Matignon.

Manuel Valls a aussi connu l'isolement, mais à l'autre extrémité du parti. Ses discours de fermeté contre la délinquance ou son opinion sur les 35 heures, qu'il déclare vouloir "déverrouiller" lors de la campagne de la primaire socialiste, en 2011, lui valent d'être regardé de travers par beaucoup au sein de son propre camp, Martine Aubry la première.

Mais contrairement à Montebourg, Valls le ministre "joue la carte de l'union gouvernementale, explique Gilles Verdez. Il a appris de son expérience au sein du PS que c'était compliqué d'être en marge. (...) Lorsqu'il a des critiques, des interrogations, il ne les exprime pas publiquement."

Leurs chances : Valls en tête, Montebourg en embuscade

Le positionnement centriste et l'image de sérieux de Valls lui valent le titre envié de ministre le plus populaire, avec 49% d'opinions favorables, selon les chiffres de l'Observatoire politique CSA - Les Echos, 14 points devant... Arnaud Montebourg.

"C'est quelqu'un qui attire énormément de sympathie, y compris parmi les sympathisants de droite", confirme Bruno Jeanbart, directeur général d'OpinionWay, dont il a dirigé le département des études politiques.

Capable de rassembler, Manuel Valls bénéficie de son image d'autorité, empreinte des qualités régaliennes qui l'ont naturellement conduit place Beauvau. Avec un Valls Premier ministre, "les gens auraient l'impression qu'il y a de l'ordre, de la discipline, résume Gilles Verdez. Tous les ministres iraient dans le même sens, il n'y aurait pas de clash." Le ministre de l'Intérieur avait lui-même déclaré sur BFMTV que, Premier ministre, il aurait "sans doute" déjà limogé... Arnaud Montebourg.

Mais son rival peut faire valoir d'autres atouts. "Pour les Français, les priorités, en ce moment, sont clairement l'économie, l'emploi, le social, explique Bruno Jeanbart. L'identification d'Arnaud Montebourg à ces thématiques le place plutôt en bonne position à ce niveau-là."

In fine, souligne le spécialiste, le contexte politique sera déterminant en cas de changement de Premier ministre, changement qui n'interviendra vraisemblablement pas avant les municipales de 2014. "Si François Hollande veut conserver la même ligne politique [de centre gauche], le choix de Manuel Valls serait plus logique. Si on est dans la thématique d'un tournant à gauche, réclamé par certains, la balance pencherait pour Arnaud Montebourg."

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