Jeux paralympiques 2024 : comment expliquer les résultats en berne des équipes françaises en sports collectifs ?
En verve dans les sports individuels. A la peine dans les disciplines collectives. Voilà résumé l'état de forme de la délégation française, pour l'heure arrimée au top 5 du tableau des médailles des Jeux paralympiques. Contrairement à ce qu'elles ont offert lors des Jeux olympiques, les équipes de France de sports collectifs masculines et féminines ne semblent en effet pas en mesure de monter sur le podium aux Paralympiques. Quand elles ne sont pas déjà écartées de la course à la médaille.
La dernière désillusion en date est celle des Bleus du rugby fauteuil, battus d'un malheureux point face aux Britanniques (49-50), samedi 31 août, et privés de demi-finale, malgré des espoirs de médailles en début de tournoi.
Autres regrets, en basket fauteuil, où les Français ont enchaîné deux défaites face aux Allemands (72-64) et au Canada (83-68). Ils vont tenter de créer l'exploit mardi soir puisqu'ils affrontent l'ogre américain, double champion paralympique en titre, en quart de finale. En goalball et en volley assis, les Tricolores n'ont pas non plus remporté la moindre rencontre. Seuls les Bleus du cécifoot, qui ont débuté leur tournoi dimanche avec une victoire face à la Chine (1-0), peuvent espérer redorer le blason français.
Des parasportifs amateurs face à des pros
Comment expliquer ces défaites françaises à répétition ? "C'est réducteur de ne prendre que les résultats", lance d'emblée Julien Vasseur, le consultant en goalball pour France Télévisions. "Les garçons ont une poule très difficile, avec les Brésiliens", champions paralympiques en titre et médaillés à Rio et à Londres, "et la nation la plus titrée de l'histoire que sont les Etats-Unis. Tous leurs joueurs sont des professionnels, alors que les nôtres sont amateurs", poursuit l'entraîneur de goalball au sein du club de Lille.
Idem côté femmes, où les Bleues, sportives amatrices, ont affronté les Coréennes et les Israéliennes, des collectifs composés de joueuses professionnelles. Par ailleurs, les Français du goalball participent à leurs premiers Jeux paralympiques, invités en tant que représentants du pays hôte. Et les effectifs sont très jeunes. La fédération handisport a dû attendre l'arrêté du 31 décembre 2016 pour recevoir l'accord du ministère des Sports afin d'organiser la pratique de ce sport.
Quant à l'équipe de France de volley assis, elle a été créée en 2018, comme le souligne le site de Paris 2024, soit seulement six ans avant les Jeux de Paris. L'heure n'est donc pas à la quête de podiums, mais de visibilité. "En 2017, la discipline n'était pas organisée. On est partis de zéro (...) On a plusieurs décennies de retard sur les meilleures nations, qu'on ne peut pas combler en six ans", a expliqué la directrice technique nationale (DTN) des équipes de France, Axelle Guiguet, à franceinfo après la défaite contre le Kazakhstan samedi. "Il y a un manque d'expérience du très haut niveau", abonde Mickaël Gagliardi, consultant en volley assis.
Ainsi, la France compte aujourd'hui "entre 45 et 50 sections de volley assis", mais seulement "neuf clubs qui jouent dans les règles paralympiques" à six joueurs (quand les autres évoluent à quatre contre quatre), explique à Ouest-France le sélectionneur des Bleus, Dominique Duvivier. "A titre de comparaison, le Rwanda compte 23 clubs" qui accueillent uniquement des joueurs éléments "sélectionnables". "Quand on a fait le tri, il ne nous reste qu'une trentaine de joueurs qui peuvent prétendre à l'équipe de France", poursuit l'entraîneur.
Le volley assis n'est pas un cas isolé. En goalball, le championnat de France ne compte que deux divisions de cinq équipes côté hommes et d'une seule division de six équipes côté femmes. En rugby fauteuil, deux divisions masculines de six équipes (et pas d'équipe féminine). Seul le basket fauteuil se démarque, avec trois divisions comptant de cinq à onze équipes engagées.
Un manque de moyens criant
Ce manque d'expérience internationale et nationale ne suffit pas à expliquer les déboires français par équipes aux Jeux. "C'est aussi une question d'équipement, explique Marc Vérove, représentant régional de l'association APF France handicap. En France, il faut toujours faire preuve de beaucoup de débrouillardise quand on est un parasportif, ce qui demande beaucoup d'énergie."
Effectivement, les para-athlètes doivent en moyenne parcourir 50 km pour trouver une structure adaptée, selon le Club inclusif, l'organisme qui forme les dirigeants des clubs et les collectivités territoriales à recevoir ces sportifs. C'est pourquoi, le ministère des Sports et le Comité paralympique se sont fixé un objectif : atteindre le nombre de 3 000 clubs en capacité d'intégrer des personnes en situation de handicap d'ici à la fin de la saison 2024-2025.
Mais comment expliquer l'écart de résultats entre les sports individuels, dont le cyclisme sur piste qui a déjà rapporté trois titres paralympiques et plusieurs médailles, et les sports collectifs ? Au-delà du simple argument du nombre de médailles distribuées, "c'est plus facile de financer une personne seule qu'une équipe", avance Marc Vérove. "Pour une équipe, on parle de centaines de milliers d'euros", par olympiade, renchérit Pablo Neuman, qui dirige le Stade Toulousain rugby handisport.
Bien qu'il soit à la tête du "club le plus développé", avec un budget capable de faire évoluer "une quarantaine de licenciés", il déplore un manque de financements pour développer le sport de haut niveau. "Il faut au moins 10 000 euros pour [acheter] un fauteuil de compétition, sans compter les frais supplémentaires pour les déplacements et l'hébergement", poursuit le sportif de haut niveau. Et ce, multiplié par au moins quatre joueurs, en rugby fauteuil, sans compter les dépenses liées au staff et aux remplaçants.
Néanmoins, Julien Vasseur entrevoit de l'espoir pour l'avenir du goalball français. "Les Jeux nous offrent une très grosse visibilité, souligne le coach. C'est dingue, le public est présent, les tribunes sont pleines. Même si les Bleus perdent, tout cela est très positif pour la pratique." Avec une médaille à Los Angeles en 2028 ?
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