Mariage de Vincent et Bruno : entre première historique et barnum médiatique
Ils sont les mariés de l'an I : le premier couple homosexuel à se marier en France. Vincent et Bruno se sont dit 'oui' à Montpellier mercredi après-midi, dans un climat tendu et surmédiatisé.
Une première pour l'histoire, mais aussi un coup politique et médiatique. Vincent et Bruno sont devenus, mercredi 29 mai à 18h, le premier couple homosexuel à se marier en France. Avant la cérémonie, ils ont fait part de leur "grande fierté" et leur "joie immense", malgré les "mots blessants", les "agressions inacceptable" et les "amalgames inqualifiables", dans une tribune publiée sur le Huffington Post.
La cérémonie, prévue de longue date, a eu lieu à Montpellier (Hérault), connue pour être l'une des villes les plus "gay friendly" de l'Hexagone. Douze jours après la promulgation de la loi sur le mariage pour tous, l'engagement 31 du candidat Hollande est devenu réalité. Mais la photo n'est pas aussi belle que le gouvernement l'aurait souhaité. Le mouvement d'opposition à la loi ne désarme pas, et ce premier mariage a été très brièvement perturbé par une poignée d'opposants.
Pourquoi Vincent et Bruno ?
Nous sommes fin septembre 2012, la loi sur le mariage pour tous est en préparation. Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement, est en déplacement à Montpellier pour la mission de lutte contre les discriminations touchant les homosexuels que lui a confiée le Premier ministre. C'est dans ce cadre qu'elle rencontre Vincent Autin, président de la Lesbian and Gay Pride (LGP). Ils avaient déjà échangé autour des droits des LGBT pendant la campagne de François Hollande, Najat Vallaud-Belkacem était alors porte-parole du candidat et militante en faveur des droits des homosexuels depuis des années.
Quand elle revoit Vincent Autin, la ministre lui lance, mi-amusée, mi-sérieuse : "Et si c'était toi le premier marié de France ?! Et si on le célébrait à Montpellier ?" Elle l'annonce alors à la presse : le premier mariage aura bien lieu ici, dans l'Hérault. Vincent appelle son compagnon sous les yeux des journalistes, "la communication a duré 57 secondes, je tremblais", se souvient-il. Et Bruno, "sans trop réfléchir" répond "oui'".
Voilà près de vingt ans que Vincent, 40 ans, milite pour les droits des homos et contre les discriminations. Bruno Boileau, 30 ans, le suit dans ce combat depuis une dizaine d'années. Pour les deux amoureux, la ministre a voulu faire un geste symbolique en leur proposant de devenir les premiers mariés de France : "Elle rend hommage à tous les militants qui se sont battus pour que nous puissions nous dire 'oui'."
Qui sont-ils ?
Bruno et Vincent sont en couple depuis sept ans. Ils font connaissance sur le web, grâce à un forum de fans du chanteur Christophe Willem. Une passion qui les conduit à se rencontrer "en vrai" en 2006. Vincent vit à Montpellier, Bruno est en banlieue parisienne. Après près de deux ans de relation à distance, Bruno, fonctionnaire, se fait muter pour rejoindre son compagnon à Montpellier. Vincent est un hyperactif. Après avoir monté deux sociétés, il a mis la dernière en sommeil, le temps d'une mission pour l'office du tourisme.
Organisateur de la gay pride de Montpellier, Vincent est une figure du militantisme LGBT local. Engagé contre les discriminations au sein d'Interpride (qui réunit des associations LGBT de 120 pays), il fait de la LGP l'interlocuteur incontournable des autorités. Les futurs maris ont tous les deux voté Hollande lors de la dernière présidentielle, avec, ils ne s'en cachent pas, "l'engagement 31 en tête". "Fidèles", annoncent-ils fièrement, ils se marient sous le régime de la communauté de biens, "sans contrat". Cette union est pour eux "un geste militant" mais aussi un "acte d'amour". "Nous allons être égaux, comme tous les couples, et nous pourrons fonder une famille", expliquent-ils.
Si Vincent et Bruno songent à adopter des enfants, ils s'attendent à "un véritable parcours du combattant". Les deux hommes n'hésitent pas à répondre aux sollicitations des journalistes, se font accompagner par des caméras dans les derniers préparatifs du mariage. Une médiatisation "pour le symbole" car ils refusent toute "peopolisation".
Pourquoi ce premier mariage a-t-il eu lieu à Montpellier ?
Là aussi, le gouvernement choisit le symbole. En novembre 2009, Hélène Mandroux, maire PS de la ville, lance l'appel de Montpellier, une pétition en faveur de la légalisation du mariage entre couples de même sexe. Et le 5 février 2011, elle unit symboliquement (sans inscription sur les registres de mariage) Tito et Florent, des Montpellierains en couple depuis vingt-cinq ans.
Pour le mariage de Vincent et Bruno, Hélène Mandroux avait prévu de prononcer un discours dans lequel elle prônerait la tolérance avant de les "déclarer unis par les liens du mariage."
Pourquoi ce mariage est-il hors norme ?
A événement médiatique et symbolique, dispositif hors norme. Plus de 70 médias (dont CNN, la BBC ou Al Jazeera) sont représentés et plus de 150 journalistes ont fait le déplacement pour entendre les époux se dire 'oui'. "Toute la presse ne pourra pas être accueillie dans la salle des rencontres [où se tient la cérémonie]", avait prévenu le service de presse de la mairie. La priorité a été donnée aux caméras et aux micros. Les journalistes de presse écrite et web devaient suivre le mariage depuis un écran dans une salle de presse à proximité. Un imressionannt dispositif de sécurité a été mis en place.
En raison des tensions qui ont entouré le débat sur le mariage pour tous et par crainte de manifestation d'opposants, les contrôles policiers ont été renforcés dans le centre-ville de Montpellier. L'évènement mobilise entre 250 et 300 policiers et gendarmes, chargés de s'assurer que le mariage se passe dans le calme. La municipalité a renoncé à installer des écrans géants place de la Comédie pour rentransmettre le mariage, "par mesure de sécurité". Et le vin d'honneur "citoyen", qui devait avoir lieu place Georges-Frêche, a été annulé pour les mêmes raisons.
La ministre déléguée à la Famille, Dominique Bertinotti, qui devait assister au mariage, a finalement choisi de ne pas faire le déplacement, estimant que "nous rentrons dans l'ordre de l'intime". Seule ministre présente, Najat Vallaud-Belkacem a souhaité être présente "hors de ses fonctions officielles" mais "avec l'accord du Premier ministre". Et à n'en pas douter, sous haute protection.
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