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Madagascar : vainqueur annoncé de la présidentielle, Andry Rajoelina a-t-il un programme pour son pays?

Bon communicant et un zeste populiste, Andry Rajoelina a remporté, d'après les chiffres de la Commission électorale, une nette victoire sur son rival Marc Ravalomanana, qui dénonce des fraudes. La campagne électorale, aux allures de règlement de comptes, a largement occulté les problèmes de fond...

Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des passants devant le siège de la radio-télévion privée Viva TV,  propriété d'Andry Rajoelina, candidat victorieux à la présidentielle malgache. Antananarivo, le 17 décembre 2018. (GIANLUIGI GUERCIA / AFP)

Le dernier comptage, publié le 27 décembre 2018 sur le compte Facebook de la Commission électorale (Ceni), crédite Andry Rajoelina de 55,6% des voix après dépouillement de tous les bulletins.

Duel électoral entre deux anciens chefs d'Etat

Marc Ravalomanana dénonce toujours des "fraudes massives" et avertit "qu'il ne respectera les résultats que s'ils correspondent à la réalité". 

Le 22 décembre, il appelait "tous les Malgaches qui sentaient (sic) avoir subi une injustice et une violation de leur droit et de leur vote à se lever et oser défendre leur choix" et appelait à une manifestation samedi 29 décembre dans la capitale. Un recours devant la Haute cour constitutionnelle sera déposé dans les heures qui viennent.

Depuis des semaines, le duel électoral entre les deux anciens chefs d'Etat se nourrit de fortes tensions dans ce pays abonné aux crises politiques à répétition depuis son indépendance en 1960.

Les deux rivaux sont issus de l’ethnie mérina vivant sur les hauts plateaux, "sorte d’aristocratie" à la tête du pays depuis des siècles. Andry Rajoelina, ex-disc-jockey, s'est enrichi dans la publicité, avant d'investir en 2007 dans les médias (radio et chaîne de télévision). Un instrument de poids dans sa rivalité politique avec Marc Ravalomanana, 69 ans, qui, de son côté, a fait fortune à la tête d'un groupe laitier (TIKO).

Elu président en 2002 puis en 2006, Marc Ravalomanana devra démissionner en 2009 face à une vague de manifestations violentes fomentées par Andry Rajoelina, fraîchement élu maire de la capitale Antananarivo. Fils de colonel, ce dernier sera ensuite installé par l'armée à la tête d'une présidence de transition, le 19 mars 2009. Il a alors 34 ans.

Plus jeune président d'Afrique en 2009

Surnommé "TGV" en raison de sa fulgurante ascension, Rajoelina annule dès son arrivée au pouvoir la vente de plusieurs millions d’hectares de terres non exploitées promise au groupe coréen Daewoo par son prédécesseur. Il s'agit là de la principale faute politique de Marc Ravalomanana, car pour une grande partie de la population, la "terre malgache est sacrée", elle ne se vend pas aux étrangers.

Les Etats-Unis voient d’un mauvais œil le départ de Marc Ravalomanana, souvent aligné sur les intérêts économiques américains. Après l'investiture d'Andry Rajoelina à la présidence de la transition le 19 mars 2009, Washington coupe ses aides non humanitaires et suspend les programmes AGOA et MCC (accords commerciaux privilégiés) accordés à Madagascar.

Le bilan d'un premier mandat guère brillant

Dans ce contexte, le bilan de Rajoelina n'est guère brillant. Durant son premier mandat (2009 à 2013), la croissance baisse, la population vivant sous le seuil de pauvreté augmente de quelque 10 points pour s'établir à 92% en 2013. La malnutrition et l’insécurité gagnent du terrain. Les recettes du tourisme, une des principales ressources économiques à Madagascar diminuent de 50% en 2009, en raison de l'instabilité politique.

L'essayiste Olivier Vallée met toutefois en avant quelques réalisations remarquables : création d'hôpitaux dans les grandes villes (avec l'aide de la Chine), extension du réseau routier, notamment. Mais selon le journal La Dépêche de Madagascar et l'ONG Transparency International, Andry Rajoelina, ainsi que ses prédécesseurs Marc Ravalomanana et Hery Rajaonarimampianina (président sortant éliminé au premier tour le 7 novembre 2018), ont facilité les exportations frauduleuses de bois de rose vers la Chine.

Le programme d'Andry Rajoelina 

Durant la campagne électorale, Andry Rajoelina a énoncé un début de programme, appelé Initiative pour l’émergence de Madagascar (IEM). Il affirme ainsi pouvoir rattraper en cinq ans le retard économique de la Grande île (5e pays le plus pauvre du monde) et refaire de Madagascar un pays exportateur de riz. Il veut également "doubler la production d'électricité en 5 ans" dont 75% des Malgaches sont aujourd'hui privés 

Il faut sortir de l’improvisation qui a caractérisé les mandats précédents, à commencer par le mien.

Andry Rajoelina

Paris le 26 janvier 2018

Son plan économique repose en partie sur une exploitation plus importante et "plus équitable" des minerais de la Grande île et la transformation des provinces de Tamatave et Mahajanga en une sorte "de Côte d'Azur" tout en continuant "à recourir aux aides internationales pour les projets sociaux et d’infrastructures".

Suppression du Sénat

La première des mesures qu'il entend mettre en œuvre sera la suppression du Sénat qui est selon lui "une institution budgétivore, il coûte 25 milliards d’ariary (50 millions d'euros) par an aux contribuables malgaches. Nous allons le supprimer et utiliser ces 25 milliards pour construire 5 ou 6 universités spécialisées dans différents domaines. (…) Il y a en moyenne 80 000 nouveaux bacheliers par an, 10% seulement d’entre eux sont admis dans les universités publiques existantes."

Autre priorité affichée d'Andry Rajoelina : résoudre les problèmes d’insécurité, "Nous ne pouvons plus accepter les attaques des dahalos (voleurs de bétails), les kidnappings et les phénomènes d’insécurité en tous genres." 

Une fois élu, Andry Rajoelina pourra-t-il cette fois tenir ses engagements ? Il considère que son premier mandat a été singulièrement limité par des circonstances défavorables : "J'étais le pire ennemi de Ravalomanana... De plus, Madagascar ne recevait plus d'aide de la communauté internationale", affirme-t-il ajourd'hui. Maintenant que son élection est confirmée par la commission électorale, il aura pour principale mission, lors de ce second mandat, d'améliorer le niveau de vie de la population qui stagne depuis 60 ans. Un défi de taille, selon la Banque mondiale : 75% des 25 millions de Malgaches vivent aujourd’hui avec moins de 2 dollars par jour.

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