Guerre en Ukraine, investissements, droits humains... Les enjeux de la visite d'Etat du président chinois en France
Le président chinois, Xi Jinping, a entamé, lundi 6 mai, une visite d'Etat de deux jours en France, à l'occasion des 60 ans de relations diplomatiques entre les deux pays. Lors de ce passage à Paris, où il a été accueilli à l'Elysée par Emmanuel Macron, il va aussi échanger avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
Les dirigeants doivent aborder ensemble la question de la guerre en Ukraine, alors que Xi Jinping a assuré vouloir "œuvrer" avec son homologue français à "résoudre la crise", et ils doivent également discuter de possibles investissements dans l'Hexagone. Franceinfo vous résume les enjeux de cette visite.
"Résoudre la crise" ukrainienne
Emmanuel Macron espère trouver des solutions pour mettre un terme à la guerre en Ukraine face à un président chinois dont le pays est un fidèle allié de la Russie de Vladimir Poutine. Le chef de l'Etat compte notamment demander à son homologue de soutenir la "trêve olympique" pour "l'ensemble" des conflits à l'occasion des Jeux de Paris cet été.
Paris veut ensuite, a minima, s'assurer que la Chine ne bascule pas dans un soutien clair à l'effort de guerre de Moscou face à Kiev. Voire "l'encourager à utiliser les leviers" dont elle dispose face à Moscou pour "contribuer à une résolution de ce conflit", selon l'Elysée. Souhaitant le retour de "la paix et la stabilité" en Europe, le président chinois a affirmé dimanche dans une tribune parue dans Le Figaro vouloir "œuvrer avec la France et toute la communauté internationale à trouver de bonnes pistes pour résoudre la crise" en Ukraine.
"Je ne suis pas sûr que les marges de manœuvre soient très importantes sur cette question. Nous n'avons pas eu véritablement d'évolution de la position chinoise depuis bientôt un an", note toutefois le président de l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), Jean-François Huchet, également économiste spécialiste de la Chine.
"On peut imaginer que si des négociations venaient à démarrer, la Chine jouerait un rôle important et la diplomatie française souhaite garder des canaux ouverts avec la Chine", analyse-t-il sur franceinfo.
Des différends commerciaux entre la Chine et l'Europe
Avec la présence d'Ursula von der Leyen, les nombreux différends commerciaux entre Bruxelles et Pékin devraient également être au menu des discussions. Menacée d'être prise en tenailles entre les économies américaine et chinoise, massivement aidées par la puissance publique, l'Union européenne a multiplié ces derniers mois les enquêtes sur les subventions étatiques chinoises à plusieurs secteurs industriels, notamment aux véhicules électriques, accusées de fausser la concurrence.
"Nous devons agir pour garantir que la concurrence soit équitable et non faussée."
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européennedans une déclaration avant la visite d'Etat de Xi Jinping
"La Chine fabrique actuellement, avec des subventions massives, plus qu'elle ne vend en raison de sa faible demande intérieure. Cela conduit à une offre excédentaire de produits chinois subventionnés, tels que les véhicules électriques et l'acier, ce qui conduit à un commerce déloyal, accuse Ursula von der Leyen. L'Europe ne peut pas accepter de telles pratiques qui faussent le marché et qui pourraient conduire à une désindustrialisation en Europe."
Selon Emmanuel Macron, qui s'est exprimé dans un entretien à La Tribune Dimanche, les Européens ne sont "pas unanimes" sur la stratégie à adopter car, dit-il, "certains acteurs voient toujours dans la Chine essentiellement un marché de débouchés" alors qu'elle "exporte massivement vers l'Europe". Il plaide pour "mieux protéger notre sécurité nationale", "être beaucoup plus réalistes dans la défense de nos intérêts" et "obtenir la réciprocité".
A Pékin, ces mesures jugées "protectionnistes" passent mal. Les autorités chinoises ont ainsi lancé leur propre enquête antisubventions, contre laquelle le président de la République compte s'élever. Elle vise en particulier le cognac français, dont la filière se dit "otage" des tensions entre l'UE et Pékin.
La possibilité d'investissements futurs
Au-delà des tensions, des discussions pour de possibles nouveaux investissements sont en cours, même si aucun contrat mirobolant n'a été annoncé à ce stade. Un forum économique franco-chinois est notamment prévu lundi au théâtre Marigny, à Paris. La France demeure dépendante de la Chine dans des secteurs stratégiques comme l'électronique, les médicaments ou les batteries électriques.
Dans son entretien au Figaro, Xi Jinping a assuré que les deux pays sont en capacité "d'approfondir leur coopération en matière d'innovation pour promouvoir le développement vert", comme c'est déjà le cas avec les usines de batteries. "Le gouvernement chinois soutient davantage d'entreprises chinoises dans leur investissement sur l'Hexagone et espère que la France leur offrira un climat d'affaires juste et équitable." Xi Jinping déclare aussi que son pays sera "heureux d'avoir davantage de produits agricoles et cosmétiques français de qualité sur le marché chinois pour répondre à l'aspiration croissante à une vie meilleure".
Le délicat sujet des droits humains
La question sensible des droits humains doit être abordée. Plusieurs milliers de Tibétains, selon leurs représentants, ont manifesté dimanche à Paris en soutien à la communauté tibétaine et ouïghoure et contre la venue du président chinois en France, "pays des droits de l'homme" qui accueille "un dictateur". Lundi matin, Reporters sans frontières (RSF) a également organisé une action pour protester contre l'accueil réservé au chef d'Etat. L'ONG rappelle notamment que 119 journalistes sont actuellement en détention en Chine et que ses représentants ne peuvent plus se rendre sur le territoire chinois.
Emmanuel Macron envisage d'évoquer ces enjeux lors d'une escapade plus personnelle dans les Pyrénées, là où, enfant, il passait ses vacances chez sa grand-mère. Le chef de l'Etat préfére évoquer "les désaccords" plutôt "derrière des portes closes" et ne pas, par exemple, ériger en priorité le dossier de Taïwan, pourtant au cœur de fortes tensions entre les Etats-Unis et la Chine.
Si la question des droits humains est bien "au centre de la relation" franco-chinoise, il ne faut néanmoins pas attendre grand-chose de nouveau sur ce sujet lors de cette visite d'Etat, selon Jean-François Huchet, président de l'Inalco. "Je crois qu'elle sera abordée, mais sans illusion puisqu'on a aujourd'hui un durcissement du régime chinois sur tout ce qui touche à la société civile et aux minorités. Il faut avoir conscience qu'il y aura très très peu d'évolution sur cette question."
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