Etats-Unis/Cuba : fin d'une crise d’un autre temps
Il aura fallu une libération pour dégeler plus de 50 ans de relation conflictuelle. Ce mercredi, après la remise en liberté de l’Américain Alan Gross, détenu à Cuba depuis 2009, les présidents américain et cubain ont simultanément fait des déclarations annonçant un rapprochement des deux pays. "Todos somos Americanos " (nous sommes tous Américains), a dit Barack Obama alors qu’au même moment, Raul Castro demandait à son peuple du "respect " pour le président américain. C'est presque une mini chute du Mur de Berlin car Barack Obama a reconnu ce mercredi que les Américains s'étaient trompés de politique pendant 52 ans. Des décennies qui ont coûté 116 milliards de dollars à Cuba.
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Ce moment est historique car il vient clore une parenthèse qui s’est ouverte il y a plus de 50 ans, en 1961. "Imaginez qu’à l’époque ", souligne Thomas Snegaroff, spécialiste des Etats-Unis à France Info, "le protagoniste du côté des Etats-Unis était Dwight Eisenhower donc on est vraiment sur un autre temps et cette temporalité est importante pour comprendre ce qui se joue en ce moment ".
"La guerre froide est en train de mourir sous nos yeux" (Thomas Snegaroff)
Cet embargo contre Cuba était à notre époque, selon le spécialiste, "une anomalie, un confetti de la guerre froide ". Cuba est à moins de 150 km des côtes américaines mais les enjeux sécuritaires sont beaucoup moins forts "qu’ils n’ont pu l’être, notamment en 1962 au moment de la crise des missiles ".
L’embargo a permis la survie des Castro
Raul Castro a confirmé le rétablissement des relations diplomatiques avec Washington, tout en expliquant que "la question principale de l'embargo américain restait à régler ". Thomas Snegaroff concède que l’embargo "pèse très lourd " sur Cuba mais qu'il a été, paradoxalement, "la garantie de survie des Castro au pouvoir puisqu’ils n’ont cessé de mettre sur le dos de l’embargo les difficultés " du pays, "nourrissant une forme d’anti-américanisme très fort à Cuba ".
La levée de l’embargo est donc très attendue, peut-être même un peu plus que l’ouverture de l’ambassade américaine à La Havane, prévue "dans les mois à venir ". C'est le Congrès américain qui doit voter cette levée et la tâche s'annonce difficile car de nombreux parlementaires sont contre cette idée.
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Des sanctions extraterritoriales
Pour Salim Lamrani, auteur de État de siège. Les sanctions économiques des Etats-Unis contre Cuba , cet embargo n’a plus de justification. "Dans les années 60-70-80, les Etats-Unis ont évoqué l’intervention cubaine en Afrique pour aider les pays comme l’Angola et la Namibie à obtenir leur indépendance, pour justifier leur hostilité vis-à-vis de Cuba ", contextualise-t-il, "et depuis 1991 et l’effondrement de l’Union soviétique alors que les Etats-Unis auraient dû normaliser leur relation avec Cuba, ça n’a pas été le cas ".
L’auteur explique que les sanctions ont même pris un caractère extraterritorial avec la loi Torricelli en 1992. Cette loi impose des sanctions économiques sur Cuba et sur les autres nations qui ont des relations commerciales avec l’île communiste. Par exemple, "un bateau étranger qui accosterait à Cuba se voit interdire durant les six prochains mois l’entrée dans un port américain ".
Un dégel progressif
Avant la libération d’Alan Gross, des signes de détente avaient été remarqués entre Washington et La Havane. "Barack Obama avait admis qu’il annulerait les sanctions imposées par l’administration Bush ", rappelle Salim Lamrani. Et s'il y a eu quelques concessions (notamment sur les voyages entre les Etats-Unis et Cuba) sous l’administration Obama, "les sanctions économiques ont tout de même continué à s’applique r", nuance-t-il. Les deux présidents avaient récemment échangé de nombreuses amabilités lors de la crise d’Ebola.
Depuis son arrivée à la présidence en 2006, Raul Castro a fait cesser les diatribes anti-américaines. En octobre, un éditorial du New York Times avait fait beaucoup de bruit. Obama devrait arrêter l’embargo sur Cuba avait été salué par Fidel Castro lui-même. D’après plusieurs sondages, la majorité des Américains sont favorables à un changement de politique vis-à-vis de l’île communiste.
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