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Guerre en Ukraine : "C'est très inquiétant d'entendre parler de couloirs humanitaires", réagit Médecins sans frontières

C'est "le signe d'une situation extrêmement dégradée où les civils, de facto, sont pris pour cible", alerte l'association humanitaire.

Article rédigé par franceinfo
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Un logisticien de Médecins sans frontières préparent des envois médicaux pour l'Ukraine, le 4 lars 2022 à Mérignac en Gironde. (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

Pierre Mendiharat, directeur adjoint des opérations à Médecins sans frontières (MSF), estime lundi 7 mars sur franceinfo "très inquiétant d'entendre parler de couloirs humanitaires" en Ukraine, car c'est "le signe d'une situation extrêmement dégradée où les civils, de facto, sont pris pour cible", dans un contexte qui s'apparente à un blocus pour ce qui concerne la ville de Marioupol. La Russie a annoncé lundi l'instauration de cessez-le-feu locaux et l'ouverture de couloirs humanitaires pour permettre l'évacuation de civils de plusieurs villes d'Ukraine dont la capitale Kiev. "Ce n'est pas des couloirs qu'il faut demander, mais l'arrêt des blocus, que les civils soient épargnés à tout moment", souligne Pierre Mendiharat.

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franceinfo : Que pensez-vous de ces couloirs humanitaires promis lundi matin par la Russie, pour évacuer notamment les civils de Kiev, Kharkiv, ou encore Marioupol ?

Pierre Mendiharat : Le couloir humanitaire dans l'histoire de la guerre a pu avoir une certaine opérationalité. Beaucoup de personnes ne sont pas en mesure de dédaigner cette offre qui leur est faite de sauver leur vie. Je pense que pour certaines personnes, ce serait une bonne nouvelle s'ils sont vraiment mis en oeuvre, mais quand on en arrive à parler de couloirs humanitaires, c'est que la situation est déjà critique. Ce qu'on a vu avec les couloirs humanitaires en Syrie, c'est que c'est le signe d'une situation extrêmement dégradée où les civils, de facto, sont pris pour cible. Les civils devraient être épargnés à chaque instant, pouvoir d'ailleurs se déplacer et fuir à n'importe quel moment. Il n'y a pas de raison que ce soit seulement conscrit à un temps et un endroit très limités. C'est très inquiétant d'entendre parler de couloirs humanitaires.

MSF peut-elle agir sur le terrain au vu des conditions ?

Il y a de grandes difficultés pour se déployer dans le pays. Nous avons des collègues ukrainiens avec lesquels nous travaillions précédemment sur des programmes, en particulier à Marioupol qui subit une sorte de blocus. Cela aussi rappelle la guerre en Syrie. Les blocus sont une méthode de guerre qu'il faudrait interdire. Ce n'est pas des couloirs qu'il faut demander, mais l'arrêt des blocus, que les civils soient épargnés à tout moment. Ce qu'ils nous racontent, c'est que ce sont des bombardements incessants sur Marioupol depuis le début de la guerre, il n'y a plus d'électricité, plus d'eau courante. Les pharmacies et les supermarchés ont déjà été pillés, et aujourd'hui, la situation est déjà critique, à peine dix jours après le début du conflit. Les civils dans une guerre doivent être épargnés.

"Cibler intentionnellement ou mettre en place des stratégies qui ont pour conséquence que des établissements, des zones civiles, des civils soient tués, ce sont des crimes de guerre."

Pierre Mendiharat, directeur adjoint des opérations de MSF

à franceinfo

Si tout le système, la manière de faire la guerre mène à ces conséquences, ce sont des crimes de guerre.

Quels effectifs et moyens utilisez-vous sur place en Ukraine ?

Ce sont la plupart du temps des personnes qui ont fait le choix de rester, on n'oblige personne à rester. Pour déployer nos équipes, une des actions qu'on essaie de mettre en place, c'est le soutien des hôpitaux existants. On voit que les hôpitaux ukrainiens tiennent le coup, ils fonctionnent à 95% des endroits où on a pu se rendre. Le problème, c'est de savoir si le personnel soignant va rester en nombre suffisant. Est-ce que ces hôpitaux ne vont pas aussi être touchés par les bombardements ? Il y a aussi la question de l'approvisionnement en médicaments. On essaie de faire parvenir aux hôpitaux ukrainiens des médicaments et du matériel chirurgical pour qu'ils puissent continuer à fonctionner. C'est très difficile. Il y a des bombardements sur énormément de zones du pays. Il n'y a pas de système de contact établi avec les états-majors qui soit solide pour permettre de circuler avec des garanties. Pour l'instant, malheureusement, nos opérations ne sont pas si importantes qu'on le souhaiterait.

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