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Guerre en Ukraine : ce que l'on sait de l'explosion qui a en partie détruit le pont de Crimée

Un incendie s'est déclaré samedi sur le vaste pont automobile et ferroviaire qui relie la péninsule annexée par Moscou en 2014 et le territoire russe. Le premier bilan des autorités russes fait état de trois morts.

Article rédigé par franceinfo
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L'explosion sur le pont de Kertch, en Crimée, filmée par une caméra de vidéosurveillance, le 8 octobre 2022. (SECURITY CAMERA / ANADOLU AGENCY / AFP)

C'est le symbole de l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014. Une partie du pont automobile et ferroviaire qui enjambe le détroit de Kertch, reliant cette péninsule ukrainienne annexée au territoire russe, s'est effondrée, samedi 8 octobre au matin, après une explosion qui a provoqué un important incendie. Un premier bilan des autorités russes, samedi à la mi-journée, a fait état d'au moins trois morts. 

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Le pont de 18 kilomètres de long, construit à grands frais et inauguré en 2018 par Vladimir Poutine en personne, sert notamment au transport de matériel militaire pour les troupes russes qui combattent en Ukraine. Voici ce que l'on sait de cette déflagration et de ses conséquences.

Une explosion provoquée par "une voiture piégée", selon les autorités russes

L'explosion s'est produite "à 6h07" (5h07 en France), "sur la partie routière" du pont de Crimée, selon le comité national antiterroriste russe, principal organe d'investigation du pays, cité par les agences russes. La détonation a entraîné l'incendie de "sept citernes ferroviaires" qui évoluaient en direction de la Crimée. "Deux voies routières" se sont en partie effondrées, mais l'arche du pont n'a pas été touchée, d'après le comité d'enquête russe.

Le premier bilan livré samedi midi par le comité d'enquête russe fait état d'au moins trois morts. Les autorités russes avaient ouvert un peu plus tôt une enquête criminelle et promis d'identifier "toutes les personnes liées à ce crime". Les victimes "sont vraisemblablement les passagers d'une voiture qui se trouvait à côté du camion explosé", ont fait savoir les enquêteurs, précisant que "les corps d'un homme et d'une femme" ont été sortis de l'eau.

Les images qui circulent sur les réseaux sociaux montrent le moment où une boule de feu explose sur le pont au passage d'un poids lourd, enflammant la voie ferrée sur des dizaines de mètres et provoquant l'effondrement d'un tronçon routier.

Le porte-parole du Kremlin a fait savoir à l'agence russe Ria Novosti que Vladimir Poutine a ordonné la constitution d'une commission gouvernementale pour établir les faits. Le comité antiterroriste russe a déjà annoncé que la catastrophe avait eu lieu après "l'explosion d'un camion" et affirmé qu'il s'agissait d'"une voiture piégée". Vladimir Konstantinov, chef de l'assemblée de Crimée (le parlement régional installé par la Russie), est allé plus loin, dénonçant un coup "des vandales ukrainiens".

L'Ukraine ironise sur l'explosion, sans la revendiquer

Côté ukrainien, les responsables politiques ont ironisé sur l'explosion du pont de Crimée. Sans pour autant aller jusqu'à la revendiquer. "Tout ce qui est illégal doit être détruit, tout ce qui a été volé doit être rendu à l'Ukraine", a commenté sur Twitter Mikhaïlo Podoliak, conseiller du président Volodymyr Zelensky.

Le secrétaire du Conseil de sécurité nationale et de défense ukrainien, Oleksiy Danilov, a lui publié sur Twitter une vidéo de l'incendie des citernes accompagnée de la chanson Happy Birthday Mister President, de Marilyn Monroe. Une référence au 70e anniversaire de Vladimir Poutine, la veille.

Le ministère de la Défense ukrainien a comparé cette attaque à celle qui a coulé le croiseur russe Moskva en mer Noire en avril, autre "symbole du pouvoir russe en Crimée ukrainienne". "Qu'est-ce qui vous attend encore, les Russkofs ?", a-t-il écrit de manière injurieuse sur Twitter.

Les services de sécurité de Kiev (SBU) ont de leur côté publié sur Telegram des vers détournés du poète ukrainien Taras Chevtchenko sur "le Soleil qui se lève sur le pont en feu". "Aujourd'hui est une parfaite occasion pour réviser quelques poèmes de Taras Chevtchenko", a ironisé le SBU.

La poste ukrainienne se prépare pour sa part à imprimer des timbres à l'effigie du "pont de Crimée, ou, plus exactement, de ce qu'il en reste". Son patron, Igor Smelyansky, a publié sur Facebook le dessin de ces nouveaux timbres, montrant une explosion sur le pont de Crimée et un autre reprenant ironiquement une scène iconique du film Titanic.

"La réaction du régime de Kiev sur l'endommagement d'une infrastructure civile démontre sa nature terroriste", a déclaré la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, cité par les agences de presse russes.

Un revers de plus pour l'armée russe

La Russie a toujours affirmé que ce pont ne risquait rien, en dépit des combats en Ukraine. Pour autant, Moscou a déjà menacé, par le passé, Kiev de représailles si les forces ukrainiennes attaquaient cette infrastructure ou d'autres en Crimée. Le député russe Oleg Morozov, cité par l'agence Ria Novosti, a réclamé samedi une réplique "adéquate". "Sinon, ce type d'attentats terroristes va se multiplier", a-t-il dit.

Capture d'écran d'une vidéo montrant l'incendie sur le pont de Kertch en Crimée, le 8 octobre 2022. (AFP)

Le pont de Crimée est essentiel au transport des personnes et de marchandises vers la péninsule annexée en 2014, mais il est aussi indispensable aux troupes russes déployées en Ukraine. "La Russie aura de sérieux défis logistiques en utilisant les parties occupées du sud de l'Ukraine comme voie de réapprovisionnement", analyse sur Twitter (en anglais) Nolan Peterson, reporter de guerre présent en Ukraine depuis 2014. 

Les trafics ferroviaire et routier ont été interrompus et des ferries ont été mis en place pour permettre la traversée, selon les agences russes. Samedi en milieu d'après-midi, la circulation a pu être partiellement rouverte aux voitures, a annoncé sur Telegram le dirigeant de la Crimée, Sergueï Aksionov. Les réparations pourraient prendre "deux mois", selon Kirill Stremooussov, responsable de l'occupation russe dans la région ukrainienne de Kherson, voisine de la Crimée. L'Union panrusse des assureurs a déclaré à RIA Novosti qu'elle estimait les dégâts de l'urgence entre 200 et 500 millions de roubles (entre 3,3 et 8,2 millions d'euros).

Si Kiev s'avère être à l'origine de l'explosion, le fait qu'une infrastructure aussi cruciale et aussi loin du front puisse être endommagée par les forces ukrainiennes serait un camouflet pour Moscou. D'autant que la Russie enchaîne les revers militaires depuis le début du mois de septembre. Ses troupes sont forcées de reculer, que ce soit au nord-est et dans le sud du pays, notamment la région de Kherson, frontalière de la Crimée, dont le président russe revendique l'annexion. "Ce pont est une cible militaire évidente" pour les forces ukrainiennes, estime sur franceinfo Cyrille Bret, géopoliticien et chercheur à l'institut Jacques Delors.

Un site hautement symbolique pour Vladimir Poutine

Inauguré en grande pompe par Vladimir Poutine au volant d'un poids lourd en 2018, ce pont à trois milliards de dollars est devenu le symbole de l'annexion de la Crimée de 2014. "C'est une infrastructure essentielle pour que la Crimée s'intègre économiquement au sein de la Fédération de Russie : sans ce pont, la Crimée serait une espèce d'île au large de la Fédération", analyse le chercheur Cyrille Bret. "Le détroit de Kertch est un véritable symbole de la volonté de la Russie d'annexer toute une partie du territoire ukrainien, non seulement la Crimée, mais aussi la province au Nord, celle de Marioupol."

"Cette explosion marque un peu comme la rupture du cordon ombilical que les pouvoirs russes ont voulu établir entre la Crimée et le territoire proprement dit de la Fédération de Russie", poursuit l'expert. Les chaînes "d'approvisionnement civiles et militaires en Crimée" vont être affectées. "Ce pont sert à acheminer tout ce dont manque la Crimée : des matériaux de construction, des denrées... La Crimée est un territoire un peu sous-développé d'un point de vue économique", note le spécialiste.

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